N Vallaud-Belkacem va-t-elle modifier sensiblement la répartition des moyens à l’éducation nationale ? Europe 1 l’affirme le 16 octobre. Mais le Café pédagogique l’avait annoncé dès le 9 octobre au vue des déclarations de la ministre elle-même. En fait cette question est classique pour chaque ministre. Et bien peu ont le courage de l’action…
La ministre » veut donner moins à certaines académies où la réussite scolaire est satisfaisante pour donner plus aux académies à populations fragiles, selon des critères très précis : taux de chômages, de non-diplômés-, d’échec scolaire », annonce Europe 1 le 16 octobre. Le Café pédagogique avait souligné dès le 9 octobre la volonté ministérielle d’une réforme de la répartition des moyens à tous les niveaux. » Cette réforme de l’éducation prioritaire est une réforme exemplaire de ce que je souhaite pour toute l’École de la République : une répartition des moyens fondée sur les difficultés sociales et scolaires », disait N Vallaud-Belkacem. « Ainsi la ministre pourrait initier une nouvelle répartition des moyens entre les académies On ignore sur quels critères précis. Cette initiative devrait interroger l’administration dès maintenant. La ministre va se mettre au travail pour raboter ici et ajouter là », écrivions nous le 9 octobre. En même temps qu’elle tenait ces propos devant le CSE, la ministre disait à l’Assemblée nationale » je conduirai une autre réforme que celle de l’éducation prioritaire, celle, plus générale, de l’allocation des moyens par académie pour correspondre à la réalité du profil sociologique de chaque établissement, dans chaque territoire, y compris en zone rurale ».
C’est sur les critères de répartition des moyens que la ministre travaille, selon des déclarations de son entourage. Au moment de ses déclarations à l’Assemblée et au CSE, il semble que N Vallaud-Belkacem n’avait pas d’opinion sur les critères objectifs de répartition des moyens. Il semble que son cabinet travaille avec la Depp (division des études du ministère) à des critères précis de répartition des moyens.
Car l’exercice est classique au ministère et chaque ministre a du l’affronter. A chaque rentrée le ministre doit justifier de la répartition des moyens. Il élabore alors un argumentaire basé sur les données de la Depp. la différence des ministres précédents, la nouvelle ministre peut compter sur deux études très poussées portées par la Depp. Cet été la Depp a publié un Atlas académique des risques sociaux d’échec scolaire réalisé en collaboration avec le Céreq. Cet atlas propose une cartographie fine du territoire pour visualiser les risques sociaux et économiques. La Depp publie aussi une Géographie de l’école qui permet de connaitre la répartition départementale et régionale des moyens. Et on observe bien de fortes inégalités de réussite scolaire et de répartition des moyens sur le territoire national. La ministre dispose aussi des études commandées par la région Ile de France sur la ségrégation scolaire. Elles mettent en évidence les mécanismes qui fabriquent les inégalités scolaires.
Or l’exercice de répartition des moyens est plus difficile qu’il n’en a l’air. Il peut sembler facile de redresser les situations de déficit de moyens en rabotant dans les régions en excès. Mais la répartition des moyens doit tenir compte de critères géographiques. Si la taille moyenne des clases est plus faible en Champagne ou en Auvergne c’est que ces régions sont rurales. Réduire les moyens imposerait aux enfants des heures de transport scolaire. A la résistance du territoire il faut ajouter celle de la société. On sait bien que les dépenses par élève sont beaucoup plus forte en CPGE qu’en lycée, dans le secondaire que dans le primaire. Un rééquilibrage est en cours en faveur du primaire. Mais s’attaquer sérieusement au rééquilibrage en transférant des moyens des filières élitistes vers celles où les besoins éducatifs sont particulièrement forts, suscite des résistances qu’il ne faut pas sous-estimer. Pour l’avoir fait à propos des CPGE n’est pas pour rien dans le départ de Vincent Peillon du ministère.
Voilà donc N Vallaud-Belkacem devant ses responsabilités ministérielles. Son entourage est tout à fait capable de lui montrer les enjeux sociaux qui sont en cause. L’enjeu politique est majeur pour le pays. Le coût social, économique et politique du creusement des inégalités dans le système éducatif est colossal. Mais le risque politique est important. Car la leçon que l’on peut tirer de l’inaction des ministres de droite et de l’échec des tentatives de V Peillon c’est que le pays s’accommode fort bien des inégalités scolaires.
François Jarraud
La feuille de route de N Vallaud-Belkacem