« Il faut mixer les populations pour permettre aux jeunes des quartiers populaires d’avoir de bonnes conditions d’études ». Rendu possible par l’alternance politique de 2012, le programme d' »internats de la réussite » de la région Ile-de-France donne son premier fruit. Le 26 septembre, Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Ile-de-France, et Henriette Zoughebi, vice-présidente en charge des lycées, visitaient le chantier du premier internat de la réussite qui accueillera des élèves dès janvier 2015. En plein Paris, l’internat du lycée Guillaume Tirel n’accueillera pas des élèves de CPGE mais des élèves de lycées technologiques ou professionnels.
« On n’est pas en Ecosse ». Jean-Paul Huchon répond par cette formule à l’opposition qui parle « d’internat fantôme ». En fait, l’internat du lycée Guillaume Tirel (Paris 14ème) est presque terminé. « Le gros problème ici », confie le mandataire, « c’est le coût du foncier ». L’internat est situé au coeur de Paris, en bordure du lycée hôtelier Tirel, un établissement inauguré il y a peu par la région. L’internat accueillera 105 lits dans 87 chambres de 16 m². « C’est confortable », juge JP Huchon. La taille moyenne des chambres en internat ou en résidence universitaire est de 9 à 12 m². Certaines chambres sont équipées pour des jeunes handicapés. Au rez-de-chaussée des locaux sont prévus pour le travail des lycéens et pour les accompagnateurs : CPE, infirmière, assistants d’éducation.
Des internats d’excellence aux internat de la réussite
La région avait refusé de s’engager dans les « internats d’excellence » de N. Sarkozy, des établissements qui retiraient des quartiers une poignée de jeunes « méritants » pour leur offrir une scolarité loin de chez eux dans des internats coûteux. Le concept d’internat de la réussite développé par la région est différent. Il s’agit de faciliter l’accès à des filières professionnelles rares et d’offrir des places à proximité des quartiers populaires. Si la proviseure de Tirel souhaite que les internes soient tous élèves de l’établissement, ce n’est pas le voeu de la région. Un internat de la réussite doit accueillir des publics diversifiés : en priorité des jeunes qui n’ont pas chez eux de bonnes conditions d’étude. Ensuite des jeunes qui demandent des formations éloignées de chez eux.
Cette mixité, Henriette Zoughebi y tient beaucoup. Déjà en 2011, elle s’était battue pour obtenir la mixité des sexes à l’internat JB Say de Paris (16ème). En plein quartier bourgeois parisien s’était constitué un ghetto à la fois social et de genre. Seuls des garçons élèves des CPGE du lycée avaient accès à l’internat. A l’occasion d’une rénovation de l’internat, elle avait imposé un quota de filles.
Mixité des genres, mixité sociale, mixité scolaire
En 2011 une étude commandée par la région à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France montre de fortes inégalités sociales dans les internats régionaux. Deux places sur trois sont réservées à des garçons. Les élèves de CPGE occupent 42% des places alors qu’ils ne représentent que 4% des lycéens. 35% des pensionnaires viennent de familles cadres contre 27 des lycéens. 15% des pensionnaires viennent de familles ouvrières contre 20% des lycéens. Les enfants des quartiers populaires ont moins de chances de voir leur enfant accueilli ce qui ferme certaines portes à leur enfant.
Avec les internats de la réussite, c’est la mixité sociale qui s’engage. Si Tirel est installé plutôt dans un quartier aisé, les autres internat prévus par la région sont dans des banlieues populaires : Porcheville (dès 2015), Noisy-le-Grand, Gennevilliers, Cerny et Aulnay-sous-Bois en 2016. La région va consacrer 50 millions par an à ces constructions. Elle a obtenu une aide de 40 millions de l’ANRU, une agence publique qui favorise la mixité sociale. Aux 8 300 places actuellement disponibles dans les lycées publics de la région, la majorité régionale veut en ajouter 2 778 à raison de 500 par an. 200 places nouvelles ouvriront en 2014 suivies de 500 en 2015.
Chaque internat bénéficie d’un accompagnement pédagogique. Négociée avec les 3 académies francilienne, une charte installe une expérimentation menée dans 5 internats à partir de cette rentrée. Elle vise à la fois le recrutement des élèves et leur accompagnement. Les internats devront accueillir des jeunes de milieux diversifiés. L’Etat et la région organiseront un accompagnement pédagogique qui permette l’épanouissement culturel et artistique des jeunes. Les internats de la réussite sont un des éléments de la politique de lutte contre les inégalités dans la région. « C’est important pour moi d’accompagner ce changement de politique », nous dit H. Zoughebi.
François Jarraud