Arrivera-t-il à sortir le Conseil supérieur des programmes de la tourmente ? Après la démission d’Alain Boissinot, la nomination du président du Conseil supérieur de l’éducation était attendue depuis des semaines. C’est finalement Michel Lussault qu’a choisi N Vallaud-Belkacem. Un choix qu’elle accompagne par une décision en faveur de la démarche curriculaire pour les nouveaux programmes. La ministre opte-elle vraiment pour un véritable tournant pour l’Ecole ?
« Il a montré à la tête de l’IFé ses grandes qualités managériales et sa parfaite connaissance des enjeux pédagogiques », explique N Vallaud-Belkacem pour justifier la nomination, le 25 septembre, de Michel Lussault à la présidence du Conseil supérieur des programmes. Géographe, Michel Lussault a été nommé par Vincent Peillon à la tête de l’IFé, un organisme de formation et de réflexion pédagogique, en 2012. Alors que le CSP est au coeur de la machinerie de la refondation, M Lussault n’est pas un homme du sérail éducatif comme pouvait l’être son prédécesseur. Mais pour Claude Lelièvre, il a « l’aura d’un universitaire mondialement reconnu, et les « savoirs-faire » acquis dans différentes responsabilités plus ou moins « délicates » voire « sensibles ».
La ministre a remis la machine sur les rails. Depuis la démission du précédent président, Alain Boissinot, en juin 2014, les travaux du Conseil supérieur des programmes (CSP) étaient arrêtés. Or le calendrier de ses travaux est extrêmement serré. Le CSP a en charge la rédaction des nouveaux programmes de l’école et du collège. Ils devront être remis en janvier 2015 pour une entrée en vigueur à la rentrée 2016. Le CSP doit aussi remettre le référentiel des Parcours d’éducation artistique et culturelle et de découverte des métiers d’ici la fin de l’automne. A la fin de l’année scolaire il devra aussi produire les programmes de l’enseignement moral et civique. Sans erreur, pour N Vallaud-Belkacem , le CSP est » l’acteur clé de la refondation pédagogique de l’Ecole de la République ». Son blocage ne pouvait plus durer.
La ministre justifie ce choix en optant pour la logique curriculaire. « C’est une nouvelle conception des programmes qu’il vous appartient de porter. Vous avez la responsabilité énorme du succès de la logique curriculaire en France », a déclaré N Vallaud-Belkacem devant le CSP le 25 septembre. « L’Education nationale a besoin qu’une parfaite cohérence existe entre le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et le contenu des programmes. J’insiste tout particulièrement sur cette nécessité d’une cohérence parfaite. Sans elle, le socle n’aura aucune réalité, ni pour les enseignants, ni pour les élèves, ni pour les parents ». Le curriculum » c’est l’idée que l’on définit les contenus en partant d’un projet global pour aller vers ses parties , et non l’inverse, articulant des contenus avec des évaluations et la formation des enseignants », nous avait dit Alain Boissinot. Une démarche qui heurte les lobbys disciplinaires.
Cette nomination va-t-elle mettre fin au conflit sur le socle et la refondation ? Alain Boissinot avait démissionné suite aux conflits à l’intérieur du CSP et à un harcèlement médiatique. « J’ai pris conscience que la structure du CSP est mal adaptée à un travail aussi contraint que celui qu’il a à assumer », nous avait dit A Boissinot en juin 2014. « Je ne me sentais pas en mesure de continuer à faire fonctionner cela.. Mon rôle n’est pas d’entrer dans des polémiques mais au contraire de chercher les points d’équilibre. Or cette position est difficile à tenir depuis quelques semaines où on voit des organisations relancer des débats ».
Le choix de N Vallaud-Belkacem veut-il dire que la ministre a opté définitivement pour un modèle de socle et de programmes ? « Vous le savez, je respecterai scrupuleusement votre indépendance. Mais nos responsabilités sont liées », a déclaré la ministre devant le CSP. Alors que le « socle commun » divise, le sort de la ministre et de la refondation sont effectivement liés.
François Jarraud
Le portrait de M Lussault par C Lelièvre