Un décret publié le 28 juillet définit la composition et les missions confiés au conseil école-collège. Créé par la loi d’orientation, ce nouveau conseil doit « permettre de renforcer la continuité pédagogique entre les deux degrés, au profit notamment des élèves les plus fragiles ». La mise en place du conseil école-collège « s’effectue progressivement au cours de l’année scolaire 2013-2014 afin que son premier programme d’actions soit adopté pour être mis en œuvre à compter de la rentrée scolaire de septembre 2014 ».
Le conseil école-collège comprend le principal du collège ou son adjoint ; l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription du premier degré ou son représentant ; des personnels désignés par le principal du collège sur proposition du conseil pédagogique du collège ; des membres du conseil des maîtres de chacune des écoles du secteur de recrutement du collège, désignés par l’inspecteur de l’éducation nationale… sur proposition de chacun des conseils des maîtres concernés.
Le décret oscille donc entre deux logiques : seule l’autorité hiérarchique peut nommer au conseil. Mais le décret invite à respecter les avis du conseil des maîtres et du conseil pédagogique sans doute dans l’espoir d’entraîner les enseignants dans cette action ministérielle. C’est que, si ces conseils existent de fait fréquemment dans des secteurs fragiles, leur logique est loin d’être générale et facilement généralisable. Les conditions d’exercice seront donc importantes. Or, « le conseil école-collège se réunit au moins deux fois par an », comme l’affirme le décret, et doit réaliser des rapports. Mais le texte ne définit pas ses moyens de fonctionnement.
Le décret
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT0000[..]
Sombre pronostic de l’Inspection sur les conseils école – collège
« Si des réponses ne sont pas rapidement données et des solutions trouvées…, le conseil école-collège s’inscrira dans la suite de toutes les mesures et incitations réitérées régulièrement…sans parvenir à franchir une étape décisive ». Institué par la loi d’orientation, le Conseil école collège (CEC) est rien moins que la cheville ouvrière de « l’école du socle ». Or le rapport coordonné par Anne Vibert et Frédérique Cazajous manifeste les inquiétudes de l’Inspection générale pour un dispositif qui ne dispose pas des moyens de fonctionner mais qui doit pourtant être partout actif dès la rentrée 2014…
» Au-delà de la création du cycle (CM1-6ème) et afin de contribuer à l’acquisition par tous les élèves du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, chaque collège et les écoles relevant de son secteur déterminent conjointement des modalités de coopération et d’échanges qui devront désormais être inscrites dans le projet des écoles concernées et le projet d’établissement du collège. À cet effet, un conseil école-collège est institué. Il sera chargé de proposer les actions de coopération et d’échanges ». Cet extrait de la loi d’orientation montre l’importance de ce nouveau conseil pour la mise en place du socle commun. Le CEC doit permettre la progressivité des apprentissages et réduire la difficulté scolaire. Pour les partisans du socle, il est aussi le lieu où doit se construire le métier commun aux professeurs des écoles et du collège. Beaucoup d’attentes pèsent sur ce conseil. Mais il est vrai que le terrain a anticipé sur les textes dans l’enseignement prioritaire où la coopération entre primaire et secondaire s’est imposée d’elle-même.
Une installation « satisfaisante » qu’à première vue…
« Ce premier état des lieux de la mise en place des conseils école-collège (CEC) témoigne d’une installation globalement satisfaisante de la nouvelle instance du fait d’une implication généralement importante des DASEN », note d’ailleurs le rapport. En fait au printemps 2014, si 75% des CEC étaient constitués moins de la moitié s’étaient réunis. Dans certaines académies les taux sont plus faibles, notamment à Créteil. Les inspecteurs soulignent le fait que de « nombreux enseignants surtout du second degré » ignorent les textes aussi bien sur le CEC que sur les nouveaux cycles. » Un grand nombre d’enseignants n’avaient même pas regardé ces textes avant nos visites et les ont découverts en séance. Certains en avaient entendu parler, mais sans vraiment y avoir réfléchi’, note le rapport. Partout les CEC font appel aux directeurs d’école et aux professeurs de CM2 coté primaire, aux professeurs principaux de 6ème et aux professeurs de 6ème coté collège. Mais ces compositions idéales se heurtent, on va le voir, au principe de réalité.
Les CEC pourront-ils fonctionner ?
En effet, professeurs du primaire et du secondaire ne sont pas égaux face au CEC. Les professeurs des écoles peuvent prélever sur les 108 heures de service hors présence des élèves pour participer au CEC. » Pour le second degré », précise le rapport, « ces réunions sont prévues de manière générale hors du temps de présence devant élèves sans indemnisation particulière sous forme d’HSE, comme pour les autres réunions ». Les inspecteurs insinuent bien que ce temps est compensé par l’ISO, une indemnité annualisée versée aux professeurs du secondaire pour le suivi des élèves et l’orientation, ce n’est probablement pas l’avis des intéressés.
D’autres éléments entravent le fonctionnement des CEC. » Pour les uns comme pour les autres, aucune indemnisation n’est envisagée pour les groupes de travail qui émaneraient des CEC », affirme le rapport. « Les enseignants du premier degré considèrent qu’aujourd’hui leur temps de travail hors présence des élèves dépasse largement les 108 heures prévues et regrettent que, pour eux, aucune compensation en heure supplémentaire ne soit possible ». L’indemnisation des déplacements n’est pas non plus prévue souligne le rapport. Elle s’élèverait à environ 40 000 € par département. Encore une fois, c’est le numérique qui est mobilisé pour tirer l’administration de l’embarras. Les rapporteurs comptent sur la numérisation du livret de compétences et sur les ENT pour remplacer les déplacements.
Les CEC face aux cultures opposées de l’école et du collège
Mais un obstacle plus important encore attend les CEC : les cultures différentes à l’école et au collège. » Dans les freins à la construction d’une continuité entre école et collège figure la difficulté de concilier les cultures propres à chacun de ces niveaux », explique le rapport. « Un des apports du CEC est clairement de favoriser la connaissance mutuelle… Les enseignants du premier degré apprécient particulièrement la parité mise en place par les CEC qui impose un équilibre entre les deux cultures et qui souligne – symboliquement – la valeur de leur expertise propre. Un certain nombre d’enseignants du collège, s’ils ne manifestent pas d’opposition au CEC… n’expriment pas d’attentes à l’égard de cette nouvelle instance, ce qui laisse augurer un investissement minimal, ou restreignent ses apports aux actions permettant la connaissance mutuelle et la prise en charge des élèves en difficulté ». L’échange de service envisagé par les textes instaurant les CEC se heurte à un obstacle juridique de taille : le statut des certifiés ne prévoit pas qu’ils interviennent au primaire. Celui des professeurs des écoles ne prévoit leur service dans le secondaire qu’en segpa.
Si « le nouveau cycle CM1-CM2-6ème contraint premier et second degrés au rapprochement pédagogique », » le conseil école-collège va devoir fonctionner pendant au moins deux ans encore sans pouvoir prendre appui sur de nouveaux programmes ». Comment dans ces conditions changer les cultures et servir de point d’appui au socle ? Ce sera sans doute difficile là travailler ensemble n’est pas ressenti comme une nécessité par les enseignants.
François Jarraud
Le rapport
http://www.education.gouv.fr/cid81522/la-mise-en-place-des-co[…]
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