Le président de la République a présenté le 2 juin son projet de découpage administratif de la France. Il a annoncé que les nouvelles régions, réduites au nombre de 14, auraient en charge les lycées et les collèges à partir de 2020. Une réorganisation en profondeur qui pourrait impacter fortement la vie des établissements.
« Le temps est donc venu de simplifier et clarifier pour que chacun sache qui décide, qui finance et à partir de quelles ressources », explique F Hollande dans un communiqué publié le 2 juin. « Le temps est venu d’offrir une meilleure qualité de service et de moins solliciter le contribuable tout en assurant la solidarité financière entre collectivités selon leur niveau de richesse… Demain, ces grandes régions auront davantage de responsabilités. Elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures », a déclaré le président. Il a fixé la date de cette réforme : 2020. Il prend le risque d’un alignement des élections cantonales et régionales à l’automne 2015.
Aujourd’hui les collectivités territoriales dépensent près de 34 milliards en dépenses d’éducation et 26 milliards pour la dépense intérieure d’enseignement. C’est à peu près un quart de la dépense totale quand l’Etat en assume 56%. Elles sont donc des acteurs de premier plan et surtout de plus en plus présent (14% seulement en 1980).
La carte régionale dessinée par l’Elysée interroge sur sa cohérence. Le président a présenté une carte prévoyant 14 régions. C’est un nombre supérieur à celui annoncé (12). « La difficulté en France c’est le legs historique de défiance envers tout fédéralisme », nous a dit Benoit Bunnick, enseignant la géographie à l’Espe de Corse. « Sur quelle logique ce découpage va-t-il être fait ? » Comme l’explique une page de son blog, le découpage régional, né dans les années 1950, s’est fait sur le principe de « l’espace vécu ». Les régions ont été généralement conçues autour d’une métropole. Or le découpage présidentiel pose problème sur ce point. Quelle sera la métropole de l’ensemble du nord-est ou de la région Poitou-Centre-Limousin ? Quelle est la réalité de l’ensemble Picardie Champagne si ce n’est son aspiration par l’Ile-de-France ? Les déséquilibres internes sont tellement puissants qu’un découpage en 14 morceaux est bien difficile à justifier. L’Europe a spontanément divisé la France en 8 grandes régions NUTS1. Les grandes entreprises (EDF, Auchan, France Telecom par exemple) divisent elles aussi la France en moins de 10 grandes régions. La simplification de 2020 pourrait n’être qu’une étape…
Mais ce sont surtout les prochaines compétences régionales qui interrogent. Agrandir les régions tout en leur confiant les collèges avec les lycées posera de nouveaux problèmes, si l’on en croit Henriette Zoughebi, vice – présidente de la région Ile-de-France en charge des lycées. » Je pense que rencontrer les jeunes et construire avec eux est enrichissant mais aussi efficace. La région a la charge de 471 lycées. Il y a plus de 1000 collèges en Ile-de-France. Si on nous donne la charge de l’ensemble on ne pourra plus donner que des réponses technocratiques. C’est la technostructure qui aura la main sur l’éducation. Au niveau des élus on ne pourra pas avoir un véritable regard avec autant de communautés éducatives. Si la simplification c’est ça, alors ça veut dire qu’on enlève la relation élus et communautés éducatives. Ce ne sera plus possible de faire le tour des communautés par exemple pour le plan d’investissements comme je l’ai fait. Si on pense qu’il y a besoin d’une relation entre les citoyens et les élus il faut être attentif à ce que la charge soit compatible avec cette relation ».
Enseignants et élèves sont directement concernés par la réforme territoriale. Alors que l’Etat doit diminuer ses dépenses, éloigner le pouvoir de décision démocratique des établissements pourrait bien leur jouer un mauvais tour.
François Jarraud
Elysée
http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/reformer-les-terr[…]
Zoughebi : La décentralisation et le contact
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/01/20012014Art[…]
Page de Benoit Bunnick
http://geobunnik.over-blog.fr/article-la-notion-de-region-en-geogr[…]
Découpage EDF
http://www.erdf.fr/medias/Images_ecrans/carte_implantations.gif
Découpage FT
http://www.cartesfrance.fr/geographie/cartes-administratives/carte-[…]
Auchan
http://talent.auchan.fr/postulez/moteur-talent1/
Une belle cartographie de Libération
http://www.liberation.fr/politiques/2014/04/11/redecoupage-des-reg[…]
Même si elle réduit de moitié le nombre de ses membres, l’Association des régions de France (ARF) juge positivement la réforme territoriale annoncée par le président de la République. Elle voit favorablement la prise en charge des collèges. Elles s’engagent à chercher la proximité avec les usagers. C’est bien là, au plus près des établissements scolaires par exemple, que réside le problème.
« Ce qui essentiel c’est la lutte contre le chômage, la formation et l’éducation. Les régions seront les seules collectivités compétentes pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi. Elles tiendront toute la chaîne de la formation jusqu’à l’entreprise. C’est ce qu’on a toujours demandé ». Par la voix d’Alain Rousset, son président, l’Association des régions de France a pris position le 3 juin en faveur de la réforme territoriale proposée par F Hollande. « L’engagement du président que l’on sache qui fait quoi est une réponse nouvelle », a déclaré A Rousset. Il a salué « l’enjeu démocratique de retrouvaille des français avec la politique parce qu’on sait qui est responsable ». La réforme « répond à nos questions sur les ressources comme le financement du budget des lycées ».
Actuellement les régions consacrent 6 milliards d’euros à la politique éducative dont 2,5 milliards d’investissements. Ces dépenses sont en hausse rapide : elles représentaient seulement 4,1 milliards en 2006. En moyenne chaque région consacre 2 465 euros par lycéen. Ce sont les régions qui ont massivement investi dans le numérique au point d’avoir 2,6 élèves pour un ordinateur en lycée général et 2 pour 1 en L.P. L’effort est d’autant plus important que les régions ont des ressources financières limitées : 395 euros par habitant contre 3560 en Allemagne par exemple.
Selon l’ARF, la réforme annoncée par l’Elysée devrait considérablement augmenter les compétences régionales. Les régions devraient récupérer les compétences des départements pour les collège alors qu’elles sont déjà compétentes pour la formation professionnelle, l’orientation, les lycées, les universités, les politiques en faveur de la jeunesse. Les régions auraient aussi les compétences départementales en matière d’aménagement numérique du territoire, d’aides économiques, de routes, de tourisme, d’environnement, de pêche, et d’agriculture. Le département perdrait l’ensemble de ses compétences l’action sociale, la protection de l’enfance, le logement , la sécurité passant aux communes.
En ce qui concerne l’éducation, « la répartition actuelle de compétences entre l’Etat et la région ne devrait pas être modifiée« , nous a dit A Rousset. « Les régions ne revendiquent pas les diplômes, la pédagogie ou les contenus des programmes.. L’acquisition des collèges permettra de mieux prendre en compte l’orientation », une des nouvelles compétences régionales. « Rien ne nous empêchera si les intercommunalités deviennent puissantes de leur transmettre les collèges au niveau équipement par exemple », a précisé A Rousset, faisant allusion à une situation qui existe dans le métropole lyonnaise. L’ARF souhaite que la réforme s’accompagne d’un changement radical coté Etat. Il doit « concentrer ses moyens sur ses missions régaliennes. Il faut choisir entre décentralisation et déconcentration », a déclaré A Rousset. Les régions proposent la rédaction d’une charte sur ce point. « Il restera à inventer des modalités de fonctionnement. Il faudra être attentif à ne pas supprimer la proximité ». Un engagement repris au vol par Jean-Jack Queyranne, président de Rhône-Alpes, qui promet « de garantir la proximité dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques régionales ».
« La réforme n’est pas faite pour l’Ecole ». Pour Philippe Tournier, secrétaire général du Snpden, premier syndicat des personnels de direction, l’impact de la réforme territoriale devrait être minime sur les établissements. « Les régions ne vont pas gérer leurs collèges et lycée à partir de la capitale régionale. Il y aura des relais dans le territoire et donc de la proximité dans la gestion », explique-t-il. La continuité des politiques locales devrait être assurée. « On va aller vers l’homogénéisation mais elle se fera vers le haut », pense-t-il. Le Snpden ne s’attend donc pas à des économies importantes du fait de la réforme. L’enchevêtrement des compétences entre Etat et collectivité territoriale devrait perdurer et rendre toujours nécessaire des contrats tripartites entre Etat, collectivité et établissement.
Mais les régions seront-elles capables de participer pleinement à la vie des lycées et des collèges ? C’était le sens des remarques d’Henriette Zoughebi publiées dans le Café pédagogiques le 3 juin. La loi de refondation double le nombre de représentants des collectivités territoriales dans les conseils d’administration (C.A.) des collèges et des lycées. Alors que les élus ont déjà du mal à siéger dans ces conseils, les élus régionaux pourront ils être deux fois plus nombreux dans els C.A. des collèges ? On peut en douter. Dans ce cas , la nouvelle loi leur permet de déléguer leurs pouvoirs à des fonctionnaires territoriaux. La gestion des établissements serait alors totalement au main des techniciens. Quid de la proximité démocratique ?
François Jarraud
Le découpage régional concerne l’Ecole
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/03062014Art[…]
Si l’Ile-de-France résiste mieux à la crise que les autres régions c’est d’abord à cause de la qualité de ses formations, a explique le 27 août Jean-Paul Huchon, président du conseil régional. Parler rentrée en Ile-de-France c’est bien sur parler gros chiffres. Avec 472 lycées, des investissements colossaux, la politique éducative régionale a aussi des conséquences économiques importantes. Mais c’est aussi parler politique. Emmenée par Jean-Paul Huchon et Henriette Zoughebi, vice-présidente en charge des lycées, la politique éducative de la région se fixe des objectifs citoyens dans un contexte de réforme territoriale.
« Les Franciliens sont plus qualifiés et plus formés que les autres », explique Jean-Paul Huchon en ouvrant la conférence de rentrée du conseil régional le 27 août. C’est pourquoi « l’Ile-de-France résiste mieux que les autres régions à la crise ». Avec Henriette Zoughebi, vice-présidente en charge des lycées, le président va préciser les orientations de la politique éducative régionale et les défis qui arrivent.
Des investissements massifs
Avec 472 lycées, la région Ile-de-France gère un parc immobilier gigantesque. Les investissements en ce domaine sont énormes. Le programme d’investissement 2012-2022 prévoit 1,4 milliard pour la construction et la rénovation des lycées d’ici 2022, ce qui représente 7 500 emplois dans le BTP ! Un nouveau lycée ouvre à cette rentrée au budget (30 millions). Deux autres ont été rénovés ou reconstruits à Etampes et Montmorency. Le chantier d’un quatrième lycée, avec internat, sera lancé dans quelques jours à Noisy-le-Grand (93) (50 millions). Car la région a aussi lancé un programme important d’ouverture d’internats et un autre internat ouvrira en octobre à Paris (10 millions). La région investit aussi dans l’apprentissage. Il bénéficie d’un soutien financier massif (388 millions d’euros ) et aussi d’une politique éducative originale pour lutter contre les ruptures de contrat.
Egalité et ambition
« Le fil rouge de notre action c’est l’égalité et l’ambition pour tous nos jeunes ». Henriette Zoughebi aime montrer que c’est « la parole politique qui donne le sens de ce qu’on fait ». La politique éducative régionale fait son chemin en gardant le cap de la réussite éducative et de l’égalité entre les jeunes.
Concrètement, la région expérimente EquiTable, un programme de soutien à la restauration en lycées. Dans deux départements, le 93 et le 95, une tarification unique de la restauration collective est mis en place avec un prix du repas situé entre 1,5 et 4 euros. »Nous améliorons ainsi le pouvoir d’achat des Franciliens le splus en difficultés, la santé de leurs enfants et nous améliorons la confiance envers les décideurs », explique JP Huchon. Henriette Zoughebi se soucie de ceux qui ne peuvent pas payer 1,50 euro. « Je vais aller voir la nouvelle ministre et lui poser la question. Il faudra bien qu’elle abonde le fonds de solidarité lycéenne puisqu’elle dit vouloir travailler contre les inégalités ». En attendant, cette politique change le quotidien des lycées avec l’augmentation du nombre d’élèves qui déjeunent au lycée. Le lycée devient plus accueillant pour les jeunes des quartiers populaires.
Des budgets participatifs
Un autre axe, lui aussi social, politique et éducatif, marque la politique régionale : les budgets participatifs lycéens. Dans 40 lycées, la région propose aux lycéens de décider des améliorations locales. Concrètement le CVL peut disposer d’un budget de 70 000 euros et d’un accompagnement à condition d’être capable de construire un projet. Et ça marche. Les lycéens s’investissent dans leur établissement. A Paris les élèves d’Alembert ont imaginé un espace culturel. A Quincy (91) ils ouvrent un « city stade ». A Stains c’est « la bulle » un espace de travail rénové.
Développer la démocratie lycéenne
Mais soutenir la démocratie lycéenne c’est aussi faire face aux enjeux de la réforme territoriale. A commencer par la réforme des conseils d’administration mise en place par la loi d’orientation. Celle-ci accorde au conseil régional deux représentants au CA des lycées. « C’est un vrai sujet de démocratie fondamentale », explique Henriette Zoughebi. Pour elle, les deux sièges ne doivent pas être partagés entre élu et fonctionnaire régional. « Le C.A. c’est un lieu politique. C’est l’espace de la parole politique, celle qui donne du sens à ce qu’on fait. Cette parole politique ne peut être protée que par des élus ». Il reste à les convaincre et à les trouver alors que la reforme territoriale envisage de diminuer le nombre des conseillers régionaux.
La réforme pose aussi la question du devenir des collèges. En Ile-de-France ce n’est pas simple puisque les collèges seront à répartir entre la métropole (nouvelle structure politique), la région et même la Ville de Paris qui garde des compétences départementales. Jean-Pierre Huchon « ne voit pas la logique d’affecter les collèges a la métropole en petite couronne et à la région en grande couronne ». Pour lui c’est la région qui devra, à l’horizon 2016, prendre en charge les 650 collèges franciliens. Avec un double défi : créer un nouvel espace d’action collective pour imposer plus de mixité sociale. Les études de l’Observatoire régional de la mixité sociale et de la réussite éducative ont mis en lumière les phénomènes ségrégatifs dans le système éducatif dans les collèges et les lycées. Pour relever ces défis, H Zoughebi compte sur les conventions entre la région et l’Etat. « Les internats que nous ouvrons sont des outils de mixité sociale. C’est un sujet que nous travaillons en commun avec les académies, par exemple sur la définition des critères d’admission. Il faut que les enfants des milieux populaires aient de meilleures conditions d’étude. Les conventions avec les académies doivent entrer en application en ce sens ».
François Jarraud
Quelles politiques éducatives contre la ségrégation ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/07/03072014Ar[…]
|
||
|