La journée de pré-rentrée est celle où les communautés éducatives se retrouvent et se ressoudent. Mais avec quelles perspectives et sur quelles valeurs ?
Rue de Grenelle, où on aime les chiffres, la rentrée est déclinée de façon quantitative. Le 2 septembre, 841 700 enseignants retrouvent leurs 64 300 écoles et établissements parmi lesquels 52 900 écoles et 7100 collèges. Demain ils retrouveront 12 213 300 écoliers, collégiens et lycéens (privé inclus) dont 210 400 enfants handicapés scolarisés en classe ordinaire.
Pour chaque enseignant cette journée est importante. C’est celle du retour, où l’on retrouve ses collègues et où la communauté se ressoude. C’est celle du moment magique où le stress est là mais fond au contact du terrain et où tous les rêves sont encore possibles. Dans les meilleurs cas c’est le moment où l’école ou l’établissement se reconstitue.
Mais pour quelles valeurs ? Les récents sondages montrent un grand désarroi dans la profession. Les rapports avec l’institution semblent toujours mauvais. Le Snes montre que les instructions officielles sont rejetées dans le secondaire. Les rapports avec les corps d’encadrement sont rarement harmonieux. La machine est encore marquée par sa culture de l’humiliation et de ce que , même le ministre, nomme caporalisme.
Dans l’école même, les rapports avec les parents laissent à désirer. Si la grande majorité des parents et des enseignants poursuivent le même objectif, la tradition scolaire ne pousse pas à la complémentarité. Et les injonctions de la loi d’orientation de créer un « espace parent » ne vont probablement pas suffire à changer les choses. On pourrait faire la même remarque pour les rapports enseignants élèves. L’école reste un milieu rude où la bienveillance est parfois mal vue alors qu’elle devrait être la règle.
La particularité de cette année c’est que l’Ecole est dans un entre deux. La loi d’orientation a indiqué des caps et des principes. Mais rien ne transparait sur le terrain. Tout reste à construire.
Cette vision est formidable. Pour la première fois depuis des années, l’Ecole a la possibilité de se mettre en mouvement sous l’aiguillon d’un ministre qui veut que cela change. Dans l’entretien qu’il a donné au Café, Vincent Peillon ouvre des fenêtres énormes : le passage d’un corps à un autre (de professeur à formateur par exemple), l’autonomie des équipes et non des établissements, une réforme de la carte scolaire pour lutter contre les inégalités, davantage d’enseignants devant les élèves.
Mais on connait tous, ministre inclus, l’incroyable capacité du système à saboter ces perspectives, à tirer l’Ecole en arrière, à faire que rien ne change. On sait aussi l’épuisant poids du découragement devant l’amoncellement des difficultés au quotidien, le manque de charité des collègues , le mépris des cadres.
L’année se construira en résultat de toutes ces forces contradictoires. Le Café pédagogique adresse à tous les enseignants ses voeux et ses encouragements pour une année qui apporte enfin épanouissement et liberté.
François Jarraud