C’est aujourd’hui, 26 août, que s’ouvre la 10ème édition de Ludovia, l’université d’été de l’e-éducation et du multimédia ludo-éducatif et pédagogique. En 10 ans, l’événement a pris une dimension nationale et internationale, réunissant à la fin de l’été enseignants, décideurs du ministère et entreprises du numérique éducatif. Cette année encore, le Café pédagogique est partenaire de l’événement. Vous pourrez suivre en direct, sur un blog spécial alimenté par l’équipe du Café sur place, les grands moments de Ludovia 2013. Et en connaître aussi les acteurs. A commencer par son créateur.
Le concept de Ludovia est né de l’impulsion du Conseil Général de l’Ariège qui s’intéressait à l’introduction du numérique à l’école. Eric Fourcaud, étiez-vous déjà l’organisateur de l’édition de 2004 ? Comment avez-vous réussi à convaincre les différents partenaires de l’Education à participer à ces rencontres estivales ?
L’idée a germé peu à peu entre le Conseil Général, qui venait d’inaugurer le réseau haut débit, en 2001, et de mener une étude pendant 2 ans sur l’impact économique, les retombées possibles dans l’éducation, le développement du multimédia, le rôle des entreprises. La couverture à 88% du département a eu lieu en 2005. Dans cette perspective, Ariège Expansion, l’Agence départementale de développement économique, a proposé en 2004 d’organiser une manifestation qui réunirait les compétences des entreprises et des collectivités locales, pour mener une réflexion sur l’avenir du jeu en classe, essentiellement à l’époque sur Cédérom (d’où le nom de Ludovia). Une centaine de personnes, essentiellement des éditeurs de logiciels de loisirs et éducatifs (Editions Milan, GEDEM…) se sont retrouvés avec des représentants des décideurs locaux (dont la moitié de Parisiens !). Pas d’Education Nationale pour cette 1ère édition, à part Gérard Borios, le Monsieur TICE du département, qui faisait déjà partie du 1er comité technique du Conseil Général et qui a été fidèle à Ludovia pendant 10 ans. L’Education Nationale a fait son entrée à Ludovia en 2005, avec le projet des ENT mené par la Caisse des Dépôts en Midi-Pyrénées.
On voit sur vos graphiques – http://www.ludovia.org/2013/10eme-edition/ – que le public n’a cessé de croître pendant ces 10 années, alors que le nombre des régions et pays participants est stable. Est-ce que cela signifie que les régions de France représentées aujourd’hui sont les mêmes que celles présentes à la 1ère édition ? Touchez-vous toutes les régions de France ?
Les 22 régions sont présentes depuis 2004, leur nombre ne peut pas augmenter ! Quant aux pays invités, nous mobilisons essentiellement les pays francophones en situation stable : le Quebec, la Belgique, le Maroc…Nous ne désespérons pas de travailler aussi avec la Tunisie. Chaque année 10 à 15 intervenants sont étrangers.
L’originalité de Ludovia est de rassembler les différents acteurs de l’Education, aussi bien les décideurs institutionnels que les financeurs territoriaux et les développeurs d’outils numériques. Pensez-vous que Ludovia ait joué un rôle dans l’amélioration du dialogue, si tant est que vous en ayiez remarqué une évolution dans ce domaine, ou dans la conclusion de marchés ?
Nous avons assisté au tout début à un véritable dialogue de sourds, disons, les 5 premières années. Notre thématique initiale était centrée sur les outils, les équipements, des projets informatiques, alors que l’EN parlait de formation des profs. Le domaine pédagogique n’était pas abordé. Maintenant, par contre, le sujet a évolué, on s’intéresse aux transformations de la classe par le numérique, et tout le monde est concerné.
Ludovia est le seul lieu où la réflexion sur l’école vient en grande partie de l’extérieur : de l’entreprise, du politique. Et c’est dérangeant pour l’institution EN. Quand je disais, en 2004, que l’on pouvait apprendre en s’amusant, utiliser le jeu bien plus largement en classe, on me pensait fou. Alors qu’aujourd’hui, on montre à Ludovia l’utilisation de Facebook ou de Twitter, la sensibilisation aux médias, sans problème. Le discours aussi évolue : même si chacun défend encore son pré carré – (soit la pédagogie pour l’EN), depuis 2 ou 3 ans, on cherche un pilotage commun, on accorde un droit de regard, on fait en sorte que tout le monde s’y retrouve. Et ce sera encore mieux maintenant qu’il n’y a plus d’argent !
Est-ce que la formule a évolué en 10 ans, dans quel sens et pour répondre à quelles demandes ?
Au début, j’étais le seul organisateur, puis les partenaires se sont faits plus nombreux au fil des éditions, et chacun a son mot à dire. Le département continue à financer à hauteur de 50%, et nous avons en parallèle cette année par exemple, le séminaire des collectivités territoriales, organisé par plusieurs associations comme l’ANDEV et l’ARF, et le colloque scientifique qui est aussi organisé par une association, Cultures numériques. Mon rôle est d’essayer de mettre tout cela en cohérence, de favoriser une convergence entre les différents publics : les profs du primaire et du secondaire, les décideurs locaux, les chercheurs… Et c’est un problème, même si là aussi, le monde de la recherche commence à prendre en compte les demandes d’études faites par les autres partenaires, ils sont plus à l’écoute.
Quelle est la place donnée aux enseignants à Ludovia ? Sont-ils responsables de l’augmentation constante du nombre de participants ?
Notre but n’est pas de faire doublon avec d’autres manifestations existantes, comme le Forum des Enseignants Innovants, mais nous essayons de montrer les initiatives les plus marquantes. Cette année il y aura une soixantaine de retours d’expérience dans les ExplorCamps et ateliers. Nous avons pour la 1ère fois lancé un appel à candidatures. Mais notre ambition est limitée. Nous ne sommes pas le Salon de l’Education, et nous sommes loin des grandes villes. Notre capacité d’accueil est très restreinte.
Parmi ces démonstrations d’enseignants, certaines sont annoncées sous le label d’entreprises comme Kosmos ou ITop. Pourquoi ?
20% du financement de Ludovia provient des entreprises et des éditeurs. C’est un juste retour que de sélectionner des enseignants dont le projet s’articule autour de l’utilisation de leur matériel et d’en faire ainsi la promotion. Je tiens à le souligner : le regard des enseignants sur le privé doit changer et être plus respectueux. On ne doit pas seulement prendre leur argent et fermer la porte de la classe. Sans eux, Ludovia ne pourrait pas exister, ni les équipements de leurs classe d’ailleurs.
Le colloque scientifique « double » en quelque sorte l’université d’été (lui donnant d’ailleurs son appellation d’ « université » ?). Les sujets traités sont passionnants, mais les interventions semblent réservées à un public très averti, et de ce fait, peu nombreux. Avez-vous pensé à communiquer au grand public au moins un résumé des réflexions menées pendant chaque édition ?
Nous avons essayé l’an dernier de faire participer un scientifique à chaque table ronde, mais le résultat n’a pas été concluant. La composition des tables rondes cette année sera plus resserrée, pour une véritable interactivité.
Quelles ont été les étapes marquantes de l’évolution du numérique dans l’Education ? N’avez-vous pas le sentiment que les utilisations du numérique à l’école auraient pu progresser plus vite ?
Après avoir réfléchi plusieurs années sur l’ENT, la dernière édition consacrée au matériel technique a été celle de la mobilité, avec l’apparition des tablettes. Nous sommes maintenant convaincus que la technologie n’est plus ce qui va faire évoluer les choses, mais bien les usages que l’on en fait.
En 2010, nous avions invité la Norvège, et l’exemple décrit était passionnant mais ne semblait intéresser personne. Nous étions en pleine stagnation, comme si le discours suffisait sans que rien ne bouge. J’ai failli tout arrêter à ce moment-là. Mais depuis 1 an ou 2 , la dynamique semble revenir, les personnes que l’on rencontrait invariablement ont aussi évolué dans leur carrière, les industriels expérimentent dans des régions rurales, et il y a eu, comme vous le savez, un changement politique à la tête du pays et de l’EN qui donne au moins un peu d’espoir aux enseignants. Le discours est positif, même si nous savons tous que les moyens ne sont pas là. Quant à la Révolution du numérique promise…
Quels sont les temps forts de cette 10ème édition ? En attendez-vous autant que de la 9ème, qui était remarquable grâce notamment aux invités Serge Tisseron et Vincent Peillon ?
Nous avions pressenti Michel Serres, mais il n’était pas disponible. La Wallonie est cette année à l’honneur. Lundi soir, nous aurons une conférence originale à propos des 10 ans de Ludovia, une chose humoristique dans laquelle chacun devrait se retrouver. Nos deux intervenants sont Pascal Cotentin, CTICE et Directeur CRDP de l’académie de Versailles et Marcel Lebrun, Techno-pédagogue à l’Université de Louvain-la-neuve.
Propos recueillis par Béatrice Crabère