Le bac fait-il un nouveau bond ou un recul ? Faut-il regarder les +2,4% de réussite en plus ou les 3,4 points de moins de bacheliers dans une génération ? Faut-il se réjouir des 92% de réussite aux bacs généraux ou des 78% de reçus aux bacs professionnels ? Une certitude : le bac 2013 approfondit les fractures apparues dans les années antérieures. Le bac des riches et le bac des pauvres ont des destins divergents.
L’année des records ?
En apparence l’année 2013 est celle des records. On compte 91,9% de reçus au bac général soit 2,3% de plus qu’en 2012. La hausse est de 4 points en L (90,9%), 2 points en ES (91,5%) et en S (92,5%). Il y a 11 000 diplômés de bac généraux supplémentaires, ce qui est une très bonne nouvelle pour faire progresser le taux de diplômés du supérieur.
Le taux de réussite aux bacs technologiques progresse également (+3,2%) et se rapproche de celui des bacs généraux (86,4%). Mais on compte 6 000 reçus de moins. La filière STI rénovée continue son plongeon avec 2 000 candidats en moins. STG compte également 3 000 candidats et 2 000 reçus de moins qu’en 2012.
Les bacs professionnels se démarquent nettement avec un taux de réussite stable (78%) et un nombre de diplômés en nette baisse (-30 526). Dans les bacs production, le taux de réussite diminue (75%) alors qu’il augmente de deux points dans la filière service.
Ces chiffres mettent en valeur quatre évolutions inquiétantes qu’aucun cocorico ministériel ne pourra longtemps camoufler.
Changement d’identité pour le bac général
Avec 92% de reçus, le bac général est vraiment devenu un diplôme de fin d’études. On peut s’en réjouir car c’est là, la fonction principale du bac. Mais ce taux de réussite élevé va aussi renforcer les demandes à la sélection à l’entrée dans le supérieur. Dans un système élitiste il va justifier la sélection sur mention et les appels à mettre en place des examens d’entrée dans le supérieur.
Le bac pro interrogé
Pour le ministère « le taux de réussite au bac professionnel se stabilise après une forte baisse depuis 2009 ». La mise en place du bac pro en 3 années au lieu de 4 s’est accompagnée d’un net recul du taux de réussite malgré la mise en place d’un second groupe d’épreuves. La chute s’est arrêtée. C’est-à-dire que la stabilisation installe durablement le bac professionnel dans un taux d’échec important qui aura forcément des conséquences sur les filières. Autrement dit, cette situation interroge la pertinence du bac pro en 3 ans.
Bac des riches et bac des pauvres
Plus grave, l’écart s’est creusé en 2013 entre bac général et technologique et bac professionnel. Le taux de réussite au bac général atteste davantage du bon état des filières générales dans un système éducatif où les inégalités se creusent, que d’une réussite de la réforme du lycée. En 2012, les premières et terminales générales comptaient 30% d’enfants de cadres, 6% d’enseignants, 15% d’ouvriers et 4% d’inactifs. Ces taux sont à comparer à ceux de la filière professionnelle : 7% d’enfants de cadres, 1% d’enseignants, 36% d’ouvriers et 11% d’inactifs. Pour les enfants des classes favorisés, le bac est une formalité et l’enjeu s’est déplacé sur la mention. D’où le discours sur son inutilité, sa perte de signification. Pour les enfants des familles populaires, qui forment la majorité des candidats au bac professionnel, le bac reste un objectif. Voilà qui interroge la démocratisation.
L’objectif des 80% s’éloigne
En 2012, le Café pédagogique titrait « la France atteint enfin l’objectif de 1989 ! ». On comptait alors 78% de bacheliers dans une génération, un taux très proche du 80% fixé comme objectif sous F Mitterrand. En 2013, malgré la hausse du taux de reçus, on est redescendu à 73% d’une génération. Certes ce taux est en progression par rapport à 2010, comme le souligne le ministère. Certes, l’année 2012 était exceptionnelle avec 40 000 candidats supplémentaires. N’empêche : on croyait toucher l’objectif. Ce n’était qu’illusion.
Vincent Peillon n’a pas mis à l’agenda de 2013-2014 une nouvelle réforme des lycées. Il y a pourtant urgence à réfléchir à l’avenir de la voie professionnelle et à l’accès à la voie générale.
François Jarraud