En apparence rien de plus traditionnel qu’une circulaire de rentrée. Combien de « progressivement », de « s’attacher à », de « maintenu » ? Même en pleine refondation, le texte reflète la continuité de l’administration française. On y lit un texte mièvre, des phrases prudentes, une retenue constante, un vrai exercice de rédacteur officiel qui tourne cent fois son stylo avant d’écrire un mot. La circulaire de rentrée qui sera publiée au Bulletin officiel de ce 11 avril ressemble aux précédentes. Pourtant c’est la première circulaire de rentrée de Vincent Peillon. Et elle amorce la refondation mais au rythme du quinquennat. Les changements sont donc modestes : l’arrivée du plus de maîtres que de classes, des conseils école collège et d’un nouveau LPC. Pour le reste il faudra attendre 2015…
Priorité au primaire
Dès la rentrée, une partie des 3 000 équivalents temps plein crées à la rentrée au primaire, vont aller au « plus de maitres que de classes ». Ce dispositif doit permettre de nouvelles approches pédagogiques pour faire reculer l’échec scolaire. Une autre partie des nouveaux postes ira à l’accueil des enfants de moins de 3 ans dans les zones socialement défavorisées. Les enseignants du primaire devront mettre en place l’APC à la place de l’aide actuelle. Ils visent soit à aider des enfants en difficulté soit à les accompagner dans leur travail soit encore à proposer « toute activité en rapport avec le projet d’école ». De nouvelles évaluations sont annoncées en lieu et place des évaluations nationales actuelles. Elles seront déterminées par le futur Conseil supérieur des programmes. Les enseignants bénéficieront de 9 heures de formation continue, en très grande partie à distance en libre service. Voilà pour les nouveautés de ce secteur prioritaire. Par contre il faudra probablement attendre 2015 pour voir les nouveaux programmes du primaire. Le futur Conseil supérieur des programmes réécrira de nouveaux textes. Jusque là les enseignants utiliseront les programmes actuels.
Collège : Dans l’attente de la réforme
Le ministère veut faire fin 2013 le bilan du collège actuel avant toute réforme. Par conséquent rien ne pourra bouger en profondeur avant 2015. L’année prochaine les changements sont donc minimes. Le principal c’est l’arrivée de 3 770 emplois supplémentaires dans le secondaire, partagés avec les lycées. L’autre réforme structurelle importante c’est la suppression des DIMA pour les élèves âgés de moins de 15 ans. Le collège sera marqué par la mise en place des conseils école collège, « à vocation pédagogique ». Elle se fera « progressivement » : autant dire que le ministère anticipe sur des résistances locales. De même, l’évaluation de 5ème sera poursuivie « pour les collèges qui le souhaitent ». La circulaire annonce pour la rentrée un livret personnel de compétences simplifié. Le parcours d’information, d’orientation et de découverte du monde contemporain et professionnel sera « progressivement construit » dès la rentrée 2013. Le diplôme du brevet reste inchangé.
Lycée : Pour le changement il faudra attendre
La circulaire dit peu de choses du lycée. On sait juste qu’un bilan sera fait de la réforme Chatel fin 2013. Il ne faut donc pas s’attendre à des changements importants avant 2015. Le ministère va continuer la mise en place de la réforme en STMG et ST2S. Les lycées professionnels pourront s’appuyer sur une carte des formations négociée avec la région qui va donc s’affirmer davantage. Enfin la circulaire prévoit des quotas d’accès pour les bacheliers professionnels et technologiques en STS et IUT. Mais ce sera des quotas académiques. Par conséquent il faut s’attendre à une très grande prudence dans son application… En attendant un pas supplémentaire, la circulaire invite les enseignants à utiliser l’horaire d’accompagnement personnalisé pour préparer les élèves au supérieur. Elle demande aussi l’ouverture d’un « campus des métiers » dans chaque académie regroupant tous les acteurs dans un « partenariat renforcé ».
Prioritaire : Comment étranger les internats d’excellence ?
La circulaire fixe la lutte contre le décrochage comme un objectif principal dès 2013. Elle annonce la mise en place de réseaux FOQUALE chargés de fédérer l’offre éducation nationale que l’on peut proposer aux décrocheurs. Un référent décrochage sera désigné dans chaque établissement connaissant un fort taux d’absentéisme.
La circulaire annonce une énième « relance de l’éducation prioritaire » avec des « assises » à l’automne 2013. Mais il y a peu de décisions concrètes par exemple sur la carte scolaire. Le point le plus important c’est finalement la façon dont le ministère s’y prend pour faire disparaître les internats d’excellence. Ces couteux joyaux sarkoziens perdurent mais dans le cadre d’une réforme globale des internats ils devront rédiger un nouveau projet pédagogique et intégrer les normes communes graduellement. C’est une véritable « digestion » de ces dispositifs qui s’annonce. La circulaire annonce aussi la création « d’internats relais » chargés d’accueillir des élèves en froid avec l’école à l’image des classes relais.
Du côté des parents
Nous voilà donc sur les questions d’orientation. Si les parents des bacheliers professionnels ont peu de chance de voir leur enfant acquérir un droit d’entrée en STS, tous les parents voient-ils leurs droits avancer ? Le texte de la loi de refondation issu de la commission accordait le dernier mot en matière d’orientation aux parents. Cet article a été totalement réécrit en séance et ce droit s’est envolé au terme d’un magnifique consensus droite – gauche. La circulaire de rentrée promet juste une expérimentation dans quelques académies. Alors la circulaire a beau souhaiter « renforcer le lien entre l’Ecole et les familles », on a du mal à la croire. Elle annonce l’ouverture « d’espaces parents » dans les établissements/ Mais à condition que les collectivités locales disposent des locaux nécessaires.
De son coté, le ministère ne se prive pas pour modifier les critères d’orientation là où la concurrence s’est installée. La circulaire annonce que les demandes de dérogation « pour parcours scolaire particulier » seront traitées en dernier, sans affecter les parcours pédagogiques déjà entamés. Le ministère pense ainsi diminuer les dérogations qui ne sont motivées que par la recherche de la performance ou de l’entre soi.
De nouvelles logiques de gestion ?
Vincent Peillon va-t-il mettre à mal la gestion mise en place par Chatel ? Non. Le système des contrats académiques et de la gestion décentralisée est validé dans la circulaire. Il y a deux modifications importantes. D’une part au niveau des établissements des contrats tripartites rectorat- établissement – région pourront être signés ce qui ouvre un boulevard aux régions. D’autre part on a vu des quotas académiques intervenir dans l’orientation. Alternance politique ou pas, cette circulaire de rentrée témoigne de la continuité administrative plus que de la rupture.
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