A quoi devrait ressembler l’ESPE (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation) idéale ? Aux IUFM ? A autre chose ? Vincent Peillon devrait le faire savoir le 1er juillet à Lyon à l’occasion d’un séminaire national préparatoire au lancement des ESPE. Alors que le ministère vient de retoquer quatre projets, l’objectif du séminaire semble être de promouvoir les formules soutenues par le ministère. Parce qu’elle ne passent pas toutes seules ?
« Les ESPE s’inscrivent en rupture avec les IUFM et tout ce qui a été fait précédemment. Nous faisons le choix d’un modèle différent », affirme V. Peillon dans un entretien donné le 1er juillet aux quotidiens régionaux de l’est (Est républicain, DNA, Le Progrès, etc.). Le ministre de l’éducation nationale vante une nouvelle formation qui associera « simultanément, et non successivement, apprentissages disciplinaires, réflexion sur les pratiques pédagogiques et stages devant les élèves ». Pour lui, » la formation des professeurs des premier et second degrés sera le levier majeur de la refondation du système éducatif au service de la réussite des élèves ».
Une nouvelle formation
La loi d’orientation a mis en place les ESPE, des écoles qui « fournissent des enseignements disciplinaires et didactiques mais aussi en pédagogie et en sciences de l’éducation ». Première particularité de ces nouvelles écoles : leurs équipes pédagogiques doivent intégrer « des professionnels intervenant dans le milieu scolaire, comprenant notamment des personnels enseignants, d’inspection et de direction en exercice dans les premier et second degrés, ainsi que des acteurs de l’éducation populaire, de l’éducation culturelle et artistique et de l’éducation à la citoyenneté ».
Le cursus de formation est lui aussi revu. Il y a une voie de formation avec un fort taux d’alternance : c’est la voie des emplois avenir professeurs qui assument 12 heures d’encadrement des élèves avec une montée progressive en autonomie depuis la L2 jusqu’au M1. La voie normale associe des stages d’observation en M1 et des stages de pratique accompagnée en M2 avec une prise en charge d’élèves à mi-temps.
Un modèle contesté
Fin juin encore, un groupe de formateurs, le GRFDE s’adressait au président de la République pour contester le modèle de formation voulu par V. Peillon. » Durant les deux seules années de formation, les étudiants devront tout à la fois préparer et réussir le concours (celui de professeur des écoles, le CAPES, etc), apprendre leur futur métier comme avant 2009, et obtenir un master, préparer et soutenir un mémoire de recherche comme après 2009″, souligne le GRFDE. « Tout ceci avec une forte augmentation, par rapport à l’avant 2009, de la durée du stage en seconde année, qui représente la moitié du temps de travail hebdomadaire devant élèves d’un enseignant titulaire (au lieu de 33 à 40 % avant 2009)… De plus, les horaires moyens de formation prévus par les nouveaux masters « Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) passeront de 900 heures actuellement à 750 heures environ ».
Pour le GRFDE, la nouvelle formation souffre à la fois d’insuffisance disciplinaire et pédagogique. Le niveau disciplinaire des nouveaux enseignants serait insuffisant. Leur formation professionnelle serait bradée par une course épuisante au master et aux cours à effectuer devant élèves. » On ne pourra rien faire de façon satisfaisante, ni la formation académique des enseignants, ni leur formation pédagogique et pratique, ni leur formation à et par la recherche, qui est pourtant le propre d’un master », prédit le GRFDE.
Résistances universitaires
« Si on maintenait les IUFM on aurait moins de difficultés », nous avait confié V. Peillon en mai. Depuis les maquettes des nouvelles formations ont été dressées par les universités et adressées au ministère. Mi-juin on apprenait que 4 projets étaient renvoyés comme insuffisants par la rue de Grenelle.
C’est que la mise en place des ESPE relance partout de vieilles batailles. D’abord entre universités pour savoir laquelle accueillera les étudiants, quelles villes disposeront d’antennes etc. En Bretagne par exemple, la mise en place de l’ESPE oppose Rennes et Brest. Il y a aussi la question des personnels dans un cadre de formation dont le volume est diminué. Les universitaires ont parfois tendance à gonfler la part du disciplinaire au détriment du professionnel. Enfin il y aussi le devenir des formateurs des anciens IUFM. Le ministre veut écarter les enseignants qui se sont trop éloignés du terrain. « Remobiliser les ressources humaines » est son premier souci, confiait-il en mai. Il faut trouver 40 000 tuteurs pour les nouveaux enseignants. Il faut aussi faire intervenir en IUFM des enseignants de terrain. V Peillon veut créer des « professeurs formateurs » dans le second degré à l’image de ce qui existe dans le premier degré. Il faut donc recaser les personnels dont on ne veut plus et identifier et installer les centaines de nouveaux intervenants.
Un séminaire pour découvrir les modèles
Il s’agit maintenant de booster les équipes universitaires et académiques. A 2 mois de l’ouverture des ESPE, V Peillon et G Fioraso sont obligés d’accélérer le mouvement. Il faut que les projets de formation de toutes les ESPE passent en commission début juillet pour une mise en place début septembre.
Le séminaire devrait donc présenter les éléments de projets qui ont la bénédiction ministérielle. De tous les projets reçus rue de Grenelle, le séminaire devrait extraire les bonnes formules, celles qu’il veut voir dupliquer. Pédagogiquement le ministre veut donner à voir les modèles d’écriture de sa loi. Aux universités de s’appliquer à les reproduire.
François Jarraud
PS : Le séminaire sera suivi en direct sur notre fil twitter