Le rapport de la Cour des comptes propose aussi des orientations positives. C’est qu’il vient de loin, très précisément de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) mise en place par la droite. En pleine crise des finances publiques, il pourrait bien siffler la fin de partie pour l’exception budgétaire dont bénéficie l’Education nationale.
Que dit de neuf le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des enseignants ? Pas grand chose. S’il repose sur une documentation mise à jour et fort intéressante, le rapport recycle des arguments qui circulent depuis des années chez les experts gouvernementaux. Les bases du rapport 2013 sont déjà présentes dans le rapport 2010 de la Cour. On les trouve dans l’audit de performances commandé par le gouvernement en 2007. En 2008, Marcel Pochard, dans un entretien accordé au Café, défendait déjà le principe de l’annualisation en affirmant que « le découpage hebdomadaire est source de rigidités et si on veut de la souplesse pédagogique, il faut aborder autrement les obligations des enseignants ».
Le rapport avance des propositions intéressantes. On peut lui être reconnaissant de montrer l’hypocrisie des discours sur l’équipe pédagogique alors que celle-ci n’a ni lieu, ni temps, ni budget pour exister. Si l’équipe existe en Ontario c’est déjà parce qu’on paye 4 heures hebdomadaires aux enseignants pour la faire exister, remarque la Cour. Elle a aussi raison de poser la question de l’aide dont bénéficient les enseignants ailleurs qu’en France. Cela renvoie à la question de la carrière et de l’encadrement. Chez nos voisins les enseignants peuvent accéder à des fonctions de formation ou d’encadrement qui sont apparues au cours de la dernière décennie. En Belgique francophone, par exemple, les enseignants en fin de carrière réduisent graduellement leur temps d’enseignement et se consacrent au tutorat de jeunes collègues. Aux Etats-Unis, en Angleterre, on distingue des enseignants expérimentés et on leur confie des missions d’assistance de leurs collègues. La Cour a raison aussi de souligner la faiblesse des salaires. Ou encore de proposer des solutions pour que des enseignants expérimentés aillent dans les quartiers populaires. Ou encore d’affirmer qu’avec la massification le métier a éclaté et qu’il faut s’en soucier. Tout le monde sait bien qu’on ne fait pas le même métier à Louis le Grand et dans un collège de banlieue.
Mais tous ces bons arguments sont au service d’une vision strictement gestionnaire de l’éducation que l’on connaît trop bien. Avec ce rapport, la Cour poursuit le travail entrepris par la RGPP. La rationalisation de la gestion avec la recherche à tout prix des économies de postes ne sont pas illégitimes. Mais elles ont des limites souvent largement franchies par les technocrates. Quoi qu’en pensent les gestionnaires de la rue Cambon, la massification impose des dépenses supplémentaires en éducation parce qu’il faudra toujours plus d’encadrement pour accueillir les élèves des quartiers populaires que ceux des zones favorisées. En terme de gestion il peut sembler scandaleux d’avoir plus de maitres que de classes alors qu’on supprime des postes de fonctionnaires ailleurs. En réalité on pourrait plutôt reprocher à la Cour et au ministre d’escamoter la question du nombre d’élèves par classe. Car c’est bien en réduisant ce taux qu’on peut remédier le plus facilement à l’échec scolaire comme l’attestent nombre de travaux.
C’est finalement ce passé qui nous remonte à la tête et qui rend ce rapport détestable. Devant les inspecteurs du primaire, le 8 février 2013, Vincent Peillon disait : « le management ne ressemble pas à ce que nous sommes ». Il privilégiait l’objectif pédagogique sur le gestionnaire. Le rapport de la Cour des comptes veut ramener brutalement l’éducation nationale à la situation des 10 dernières années où le gestionnaire commandait le pédagogique. En février 2012, Luc Chatel avait mis l’annualisation dans la balance des élections présidentielles. Un an seulement après la victoire de François Hollande, la Cour juge que le moment est venu de la remettre en avant. Pour l’Ecole comme pour Vincent Peillon c’est un signal que la fin de l’exception budgétaire approche.
François Jarraud