« Même les écoles pour bonzes sont venues nous demander de participer au programme ». Présenté, dans un français parfait par Mme Sasithara Pichaichannarong, secrétaire générale du Ministère de l’éducation thaïlandais, à l’occasion de la Mobile Learning Week le 18 février, le programme thaïlandais d’équipement des établissements a de quoi séduire. Le gouvernement ose le grand saut dans le 21ème siècle et l’enseignement nomade pour tous avec One Tablet Per Child.
Décidé en août 2011 par le gouvernement thaïlandais, One Tablet Per Child (OTPC) prévoit de doter tous les élèves et les professeurs du pays d’une tablette en quelques années. En 2012, deux niveaux d’enseignement sont équipés d’un bloc : l’équivalent du CP et de la 6ème. Et le pays va continuer ainsi à remonter le primaire et le secondaire à raison de deux générations par an. L’effort est colossal.
En 2012, le pays a fait l’acquisition d’1,6 million de tablettes en Chine. Elles s’intègrent dans 40 000 écoles mises en réseau, dotées de wifi, comme tous les lieux publics, et de serveurs. Ce programme d’équipement qui marque la détermination du gouvernement thaïlandais. Mais il reste abordable : chaque tablette, fabriquée spécialement pour la Thaïlande, coûte 40 dollars. Mme Sasithara Pichaichannarong se garde bien de chiffrer le budget du plan OTPC. Mais on reste dans des budgets très inférieurs à ce que le Royaume Uni ou les collectivités locales françaises peuvent dépenser.
Elèves et professeurs peuvent ramener la tablette à la maison, d’autant qu’elle contient également des contenus pour les parents, par exemple des recettes culinaires. La tablette est prêtée pour 3 ans. Elle sera renouvelée à terme. Des conseils sont donnés aux enfants et aux parents pour son utilisation : limitation en durée, protection des oreilles. Le WiFi par contre ne pose pas de problème en Thaïlande où personne ne se sent menacé par les ondes. « Peut-être vous avez raison en France, mais en Thaïlande personne se s’en soucie », explique Mme Pichaichannarong.
Chaque tablette est équipée de logiciels pour l’enseignement des sciences, des mathématiques, de l’anglais du Thaï et des « social studies », un équivalent de l’histoire et de l’éducation civique. Il y a des e-books, des expériences virtuelles, des dictionnaires, des cours. Nous avons pu voir de très jolis programmes éducatifs. Mais une partie des contenus se réduit aussi à des manuels simplement numérisés. Les tablettes peuvent aussi se connecter par internet en wifi à des ressources externes. Un site spécial propose gratuitement des ressources pour l’enseignement des sciences. Le gouvernement entretient également une télévision éducative dont les émissions sont téléchargeables gratuitement. La mise à jour des contenus des tablettes se fait automatiquement tous les 3 jours.
Et les enseignants ? Evidemment chaque enseignant reçoit une tablette. Il s’agit d’un matériel gonflé par rapport à celui des élèves pour stocker davantage de ressources. Le gouvernement a introduit un plan de formation systématique. 500 maîtres formateurs ont suivi de sessions de formation longue d’une durée de 3 mois. Ils ont à charge de former 10 000 formateurs enseignants. Ceux-ci, présents dans chaque district, soutiennent 100 000 enseignants. Comment les impliquer ? Un concours récompense les meilleurs contenus pédagogiques. Les enseignants y gagnent de l’argent mais aussi des échelons d’ancienneté. L’arrivée du matériel est soutenue par cette dynamisation des enseignants.
Quel impact ? Le gouvernement n’a pas procédé à des tests scientifiques sur l’impact de la numérisation. « 100% des enfants aiment bien travailler avec la tablette » , assure Mme Pichaichannarong.
C’est loin la Thaïlande ? Peut-être pas. En tous cas pas suffisamment loin pour que l’on ne puisse offrir, avec votre aide, à Vincent Peillon et son conseiller TICE un voyage d’étude…
François Jarraud