Par François Jarraud
Dans un communiqué officiel, Vincent Peillon confirme le maintien de la prime et le calendrier des évaluations nationales de CE1 et CM2 mais annonce que leurs résultats ne seront plus remontés.
La transformation des évaluations nationales est maintenant officielle. Vincent Peillon avait promis qu’elles ne serviraient plus l’évaluation du système éducatif. C’est fait. « Si ces évaluations peuvent être localement une aide pour le suivi par les enseignants des acquis de leurs élèves, les outils qui sont actuellement utilisés ne permettent pas une évaluation scientifiquement incontestable du système éducatif », affirme le nouveau ministre. En conséquence, » Vincent Peillon a décidé que les résultats de ces évaluations ne seront pas transmis à l’administration centrale cette année. Elles feront donc l’objet d’une exploitation dans les écoles pour mettre en œuvre les aides et accompagnements à prévoir pour les élèves en difficultés ». Le ministre confirme que « les évaluations nationales se tiendront du 21 au 25 mai » et que « la prime de 400 euros versée aux enseignants en charge de ces évaluations sera conservée ». Mais sans controle institutionnel.
Faut-il saisir les résultats ? Pour le Snuipp, » les directeurs et les enseignants n’auront plus à saisir les résultats dans l’application nationale et les résultats des évaluations restent au niveau de l’école. La phase de remontée doit être supprimée à tous les niveaux : circonscription, département, national ». Le Se-Unsa a une lecture un peu différente. « La décision de saisie relève des équipes » affirme le syndicat qui juge que « le traitement informatisé des données peut faciliter l’exploitation pédagogique ».
Ces évaluations avaient été très critiquées par le Haut Conseil de l’Education pour leur manque de sérieux. « La fiabilité des indicateurs n’est pas assurée. La manière dont elles sont renseignées n’est ni contrôlée ni harmonisée » , avait déclaré le HCE en septembre 2011. Elles étaient également l’objet de vives critiques des parents de la FCPE et des syndicats. Ils regrettaient le mélange des genres entre diagnostic du système éducatif et évaluation diagnostic. Enfin ils déploraient la façon dont le ministère les avait imposé sur le terrain avec de très fortes pressions sur les enseignants engageant les corps d’inspection dans un « sale boulot ».
Un cadeau empoisonné
Ces évaluations laissent un double cadeau empoisonné au nouveau ministre. Le premier c’est celui de leur rémunération. Pour les faire accepter au corps enseignant, Xavier Darcos a manié le baton administratif et la carotte salariale. Les enseignants perçoivent une prime de 400 euros pour leur passage. Supprimer brutalement les évaluations c’est aussi mettre fin à cette prime d’autant plus attendue que les salaires sont bloqués depuis 3 ans.
Comment évaluer le système éducatif ?
L’autre poison c’est celui de l’évaluation du système. Si ces évaluations disparaissent comment évaluer l’efficacité de l’école primaire ? La Depp, le service des études du ministère publie chaque année l’enquête CEDRE dont la sérieux est attesté. Il s’agit d’une enquête sur échantillon. Mais les vives critiques des experts sur les évaluations nationales, la censure dont la Depp a fait l’objet, font que de nombreuses voix demandent une évaluation de l’éducation nationale par une agence indépendante.
De nouvelles évaluations. V. Peillon annonce d’autres outils d’évaluation. « Une réflexion et une concertation sont engagées dès maintenant pour refonder l’ensemble du système d’évaluation des élèves et du système scolaire ». A Brie-Comte Robert, le 21 mai, il a précisé que la Dgesco s’élaborerait plus les futures évaluations. Elle avait déjà du accepter que la Depp (direction des études du ministère) participe à leur élaboration. Les prochaines évaluations devraient faciliter le diagnostic des enseignants, ce qui suppose d’en déplacer la date, tandis que » au niveau national, des instruments de mesure des résultats du système éducatif seront développés ». Il a aussi précisé qu’il est contre « le dépistage précoce et le palier d’orientation en 5ème », ce qui condamne les évaluations de grande section de maternelle et de 5ème que Luc Chatel voulait instituer. L’avenir de la Depp devra être clarifié par la nouvelle équipe. Les syndicats voient d’ailleurs les choses différemment. Ainsi, Christian Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa, demande un évaluateur indépendant. » L’évaluation du système, indispensable au pilotage de la politique éducative, elle doit se faire à partir d’échantillons représentatifs. Elle doit être conduite par une autorité indépendante et présenter toutes les garanties sur les plans scientifique et éthique ».
Les évaluations nationales de Ce1 et CM2 avaient été imposées par Xavier Darcos dans une forme nouvelle présentée comme un outil d’évaluation de l’école. Le Haut Conseil de l’Education avait dénoncé en septembre 2011 leurs « résultats trompeurs ». Syndicats et parents d’éléves avaient combattu leur contenu et le calendrier imposé. Ils soupçonnaient Luc Chatel de vouloir développer une concurrence entre écoles en rendant leurs résultats publics.
Chez les enseignants, ces évaluations font débat. Le sondage réalisé par le Café pédagogique en mars 2012 montre que 74% des enseignants du primaire demandent leur suppression. Les enseignants déplorent le climat introduit par les évaluations. Des familles trouvent les livrets sur Internet et bachotent le contrôle. Le mode d’évaluation (0 ou 1) est aussi vivement critiqué. Mais pour certains enseignants, les évaluations ont pu servir de base à des contacts fructueux avec les enseignants des collèges.
Pour le Snuipp, » Ces évaluations devraient plutôt se dérouler en début d’année. Elles constitueraient ainsi une feuille de route pédagogique pour les équipes enseignantes afin d’organiser des situations d’apprentissages adaptées aux besoins des élèves. Elles devraient être un outil de lien et d’information aux familles. A aucun moment, leurs résultats ne devront servir à établir un palmarès des écoles. Ils n’auront absolument pas vocation ni à être rendus publics, ni à être remontés nationalement ». Une opinion partagée par le Se-Unsa qui affirme que » les évaluations nationales peuvent constituer des outils utiles si elles sont centrées sur une fonction diagnostique et passées à une date compatible avec la mise en œuvre d’actions pédagogiques efficaces. Leurs résultats ne doivent pas être utilisés pour classer les écoles et les établissements, ni pour évaluer les enseignants. Elles ne doivent donc pas donner lieu à des remontées académiques et nationales ». Le Sgen appelle les enseignants « à utiliser les évaluations CM2 et le LPC selon le seul critère de ce qu’ils y voient d’utile ».
Du coté des parents, Jean-Jacques Hazan nous confie sa satisfaction de voir ces évaluations, que la FCPE a combattu avec opiniatreté, disparaître. « Si la pression pour leur passage disparaît on est content ». La Fcpe aurait cependant préféré une suppression pure et simple de évaluations.
Communiqué
Le dossier spécial du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/sept_rapportHCE.aspx
L’avis du HCE
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/09/150911-hce.aspx
Privé : Promotions dans le primaire
Le B.O. du 3 mai publie des arrêtés relatifs à la promotion des maîtres du premier degré du privé. Nous avons donné ces informations le 4 avril.
L’Expresso du 4 avril
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/04/04042012Accueil.aspx
Sur le site du Café
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