Par Monique Royer
Un coup de tonnerre dans la campagne : selon un sondage de l’Institut CSA publié par Le Monde, le vote Le Pen serait en tête chez les jeunes. Alors évidemment, on cherche « la faute à qui » ou la « faute à quoi » : l’école qui n’instruit plus, la famille qui n’éduque plus, les réseaux sociaux qui décervèlent, les politiques malentendants, et que sais je encore, trouvons le coupable pour ne pas nous attarder sur le faisceau de causes.
Les jeunes et la société, les jeunes et la politique, comment peut on résumer une population si diverse dans une seule dénomination ? Quel point commun entre des jeunes ruraux que la société oublie, des jeunes des cités qu’elle stigmatise et des jeunes nés où il faut qu’elle semble choyer. La voix des jeunes crie ou chuchote une voie dont l’issue varie selon le point de départ. Trouver un chemin pour s’écarter de la destinée, cette notion hasardeuse que la raison républicaine a pour vocation d’effacer, trouver ce chemin en 2012 c’est aussi se demander où est sa place, où sont les projets que le rêve peut éclairer ?
Et pourquoi isoler cette jeunesse d’une société tout entière à se diviser ? Pourquoi distinguer un vote qui, quoique souligné par les sondages, correspond dans le fond à un abandon de ce qui unit au profit de ce qui différencie. Et là, on ne sait plus quoi interroger : le devoir de mémoire, le devoir d’inventaire, les valeurs fondatrices d’un état républicain, d’une Europe fédératrice? L’heure est aux incertitudes et aux pensées moroses, le naturel partagé préfère s’accrocher aux planches temporairement rassurantes, quoique mitées par le fiel, dans un océan houleux.
Que peut l’école alors ? Que peut-elle démunie, noyée dans des colonnes d’objectifs chiffrés ? Que dire quand le temps scolaire semble long, si long, dans un système qui réagit en décalage face à un environnement qui s’accélère. L’éducation porteuse de raison oui mais pas toute seule. Eclairages de l’histoire, échanges et témoignages, analyses, leur portée est amoindrie s’ils sont isolés ; éléments d’un programme, d’un cursus que les éléments extérieurs font vaciller.
Et puis, sans doute nous faut il aussi raison garder, attendre le vote pour louvoyer dans les analyses du scrutin version jeunesse. Et surtout, surtout, ne rien lâcher : la société du XXI e siècle reste à construire, une société où chacun aurait sa place pour y glisser son énergie, jeunes comme vieux, ruraux, banlieusards et citadins, nés ici ou ailleurs, tous les ailleurs.
Monique Royer
Marine Le Pen pourrait arriver en tête chez les jeunes