Par François Jarraud
Est-ce aux enseignants à faire les programmes ? « Normalement non », nous dit Marjorie Galy, présidente de l’Association des professeurs de SES (APSES). « Si tout avait été normal et démocratique dans la rédaction du programme , on aurait pas eu besoin d’agir ainsi ». Car ce que vient de faire l’Apses est tout à fait nouveau dans l’enseignement secondaire. Pour la première fois, des enseignants éditent un manuel gratuit qui permet de contourner le programme officiel. Marjorie Galy, présidente de l’ Apses, s’en explique.
Comment avez-vous réalisé ce manuel numérique ?
La coordination est faite par le bureau de l’Apses qui fixe la ligne éditoriale mais ce sont une trentaine d’enseignants volontaires qui le rédigent. Tout est validé par des universitaires. C’est un gros travail bénévole mais maintenant on est rodé. Aujourd’hui seul le premier chapitre est paru. Mais les autres vont suivre avec au moins un mois d’avance sur leur place dans l’année. Il manque des évaluations qui seront prochainement mises en ligne.
N’est ce pas faire prendre un risque aux élèves que de les faire travailler sur un manuel qui contourne le programme ?
On est convaincus qu’on fait mieux progresser l’élève et qu’on le prépare mieux à réussir sa terminale avec ce manuel qu’en suivant le programme officiel qui est rempli d’incohérences et d’incitation à faire que de la transmission de notions. Avec le programme officiel que comprendront les élèves ? C’est avec Sésame qu’ils seront mieux préparés. C’est nous qui sommes responsables en ne laissant pas les professeurs seuls face à ce programme.
Les élèves pourront-ils travailler avec Sésame et les manuels papier ?
On ne veut pas présenter Sésame comme un outil omniscient. C’est un outil complémentaire. Sésame est conçu comme un manuel unique. Il y a de nombreux documents, des approfondissements et des mises à jour avec la revue de presse hebdomadaire. Mais on laisse toute liberté aux collègues et on sait bien que nombre d’entre eux associeront Sésame et un manuel classique.
Est-ce aux professeurs de faire les programmes et les manuels ?
Normalement non. Ceci dit les professeurs sont présents dans les groupes d’experts qui rédigent les programmes. On imagine mal un programme qui fasse l’impasse de l’expérience de terrain des enseignants. Pour ce programme de première les enseignants se sont retrouvés très minoritaires. L’Apses (qui réunit la grande majorité des enseignants de SES) n’avait qu’un seul représentant tout de suite mis en minorité. Le groupe a aussi travaillé dans une grande hâte. C’est pour cela qu’ on a décidé de faire notre programme et notre manuel. Si tout avait été normal et démocratique on n’aurait pas eu besoin de le faire.
C’est quelque chose de tout à fait nouveau dans l’enseignement secondaire. Vous vous voyez comme une sorte de mouvement d’indignés dans l’éducation ?
Non mais c’est vrai que c’est un acte militant fait pour dénoncer le programme officiel. On continue à demander un aggiornamento du programme et un fonctionnement normal du GTD. Autre chose que quelque chose qui nous est lancé d’en haut avec mépris. On essaie de faire un bon outil pédagogique qui soit aussi un acte militant. On a la volonté d’être rigoureux et efficace sur le plan pédagogique. On aimerait aussi que Sésame devienne un carrefour citoyen sur Internet entre enseignants, chercheurs et citoyens. Pour le moment on est très satisfait de l’accueil par les collègues.