CR: Bonjour, Laurence. Qui êtes vous et comment vous est venu cet intérêt pour les TICE?
LB : Je suis professeure d’anglais au Lycée Montgérald du Marin, dans l’académie de la Martinique, j’assure des formations Langues et TICE et je suis webmestre du site d’anglais de l’académie depuis 2002.
http://cms.ac-martinique.fr/discipline/anglais/
Je suis arrivée en Martinique en 1999, j’ai débuté ma carrière à Nancy, où j’ai également fait mes études. Mon arrivée à la Martinique a marqué le début de mon investissement dans les TICE: c’était dans l’air du temps, mais c’était surtout pour moi aussi une façon de palier à l’insularité.
J’utilise quasi quotidiennement les Tice en classe depuis le début des années 2000, quand l’établissement où j’exerçais s’est vu doté d’une salle multimédia ce qui allait bouleverser mes pratiques pédagogiques.
J’ai commencé par rejoindre la communauté des e-teachers via les listes de discussion de la discipline, listes grâce auxquelles j’ai pu développer des compétences informatiques et accéder à des ressources disciplinaires de qualité.
Ensuite, j’ai créé mon propre site web, pour permettre à mes élèves d’accéder facilement aux supports sans avoir à me soucier du bon état du réseau, et pour leur donner la possibilité d’y accéder aussi en dehors du temps de classe.
CR: Et quelle a été votre étape suivante?
LB : Progressivement, je me suis mise aux plateformes (je suis une grande adepte de la plateforme Stockpotatoes que j’ai eu l’occasion de présenter à plusieurs reprises aux colloques de CyberLangues par exemple.
http://www.cyber-langues.asso.fr/spip.php?article14
Il me paraissait important de ne pas limiter l’utilisation de l’ordinateur à l’apprentissage de la langue mais de l’intégrer à l’évaluation des élèves, afin de conserver une trace de leur travail autonome (en présentiel ou à distance). Aujourd’hui encore, j’utilise cette plateforme avec toutes mes classes, et je me suis également intéressée à d’autres outils comme le Petit Serveur Didapages (PSD) qui permet de conserver la trace du travail effectué par les élèves sur les livres Didapages que j’ai élaborés.
http://cms.ac-martinique.fr/discipline/anglais/articles.php?lng=fr&pg=316
CR : Avez-vous rencontré à Cyber-Langues des collègues qui vous ont donné des idées pour aller plus loin ?
LB : En 2006, j’ai voulu me lancer dans la balado-diffusion, m’inspirant de l’expérimentation et des travaux de Domingo Bayon Lopez, professeur d’espagnol dans l’académie de Bordeaux rencontré à Cyber-langues.
J’ai alors testé divers modes de mises en oeuvre auprès des élèves et aujourd’hui c’est avec une autre plateforme que je travaille: il s’agit de la plateforme Ovidentia qui est déployée dans mon établissement par la cellule TICE de l’académie.
http://fr.ovidentia.org/?smap_node_id=51
CR : Cette plate forme est proposée par beaucoup d’académies, que diriez-vous au collègues pour le encourager à l’utiliser ?
LB : La plateforme est sécurisée. Les élèves se connectent avec leur identifiant et mot de passe, récupèrent les fichiers de compréhension orale que je leur soumets et déposent leurs propres enregistrements. Les apports de la balado-diffusion par exemple sont indéniables: j’ai encore eu l’agréable surprise lors du dernier travail que j’ai demandé à mes élèves de 1eS de récompenser d’une très bonne note un élève extrêmement timide et qui n’intervient pas souvent en classe. Ce sont ces moments là qui me poussent a poursuivre l’aventure des TICE.
CR : Et cette année, sur quoi avez-vous travaillé?
LB : Cette année mon projet tourne autour du Web2.0 et de l’échange. En fin d’année 2010, je suis entrée en relation avec une collègue du Canada (professeur de Français) qui souhaitait mettre en œuvre un échange virtuel. Soucieuse de pouvoir évaluer le travail et l’investissement des élèves dans la cadre de ce projet, j’ai proposé à ma collègue de créer un wiki sur « Wikispaces », espace qui m’a été conseillé par un collègue sur la liste e-Teach.
CR : Qu’est-ce qu’un Wiki ?
LB : Un Wiki est un espace collaboratif de type site web. Tous les membres de ce wiki (au total plus de 100 élèves des deux cotés) contribuent à l’élaboration de cet espace et de son contenu en ligne, accessible aux seuls membres. Nous n’en sommes qu’aux prémices, et espérons que ce premier projet sera le début d’un partenariat pérenne.
CR : Quel est votre objectif? En quoi est-ce que ce support améliore votre projet ?
LB : Dans le cadre de ce projet, nous espèrons développer la curiosité intellectuelle, culturelle ou technique des élèves, mais aussi leur proposer un véritable espace d’interactions. L’interaction se fait par exemple par un jeu de questions-réponses sur le pays, la culture, la vie quotidienne des uns et des autres, sous forme d’une page web: un élève de Martinique pose une question, un élève Canadien rédige une réponse, comme une interview à distance qui s’écrit au jour le jour. Les productions des uns sont des stimuli pour les autres.
CR : Les interactions sont-elles toujours collectives ?
LB : Non, chaque élève a également pour mission de créer sa page personnelle, où il se présente, nous dit ce qu’il aime, nous parle de son quotidien. Les autres membres peuvent interagir via le forum de discussion de chaque page du wiki et entrer en relation les uns avec les autres en fonction de leurs affinités. Enfin, des pages thématiques (climat et géographie, traditions, éducation, sports, etc.) sont élaborées par les élèves pour leur permettre de comparer leurs environnements, leurs modes de vie, leurs cultures et leurs passions.
CR : Et du point de vue de la langue? Comment cet espace permet-il aux élèves d’améliorer la qualité de leur langue étrangère?
LB : En fin de projet, il est prévu que les élèves s’inter-corrigent: les élèves de Martinique auront pour tâche de corriger les productions en français des élèves du Canada, et vice-versa. Je leur demande d’ores et déjà d’être attentifs aux erreurs que leurs amis canadiens commettent, car elles sont le reflet de leurs propres erreurs; c’est ainsi que plus de la moitié des élèves canadiens écrivent sur leur page personnelle « *Je suis 15 ans, j’habite dans Canada* » et que les élèves martiniquais se présentent aussi parfois en écrivant: « *I have 15, I live at Martinique.* » Cette activité de lecture-correction a pour but de mener les élèves à effectuer une réflexion (au sens français et anglais) sur la(les) langue(s), d’entrevoir les convergences et divergences qui existent entre la langue maternelle et la langue cible, sachant que la langue maternelle des uns est la langue cible des autres.
CR : Les élèves vont-ils aussi acquérir des competences transversales?
LB : Les élèves, même au lycée, maitrisent mal les conventions d’écriture en général, et d’écriture du web en particulier, même s’ils sont de fervents utilisateurs des réseaux sociaux comme Facebook notamment. Ce type de projet permet aussi un apprentissage citoyen de l’échange et du partage. Dans un cadre institutionnel comme celui de ce projet, les élèves doivent apprendre à adopter une certaine posture, respecter un certain nombre de règles et respecter une Netiquette.
Les élèves produisent donc du contenu en commun, à distance, et la motivation des uns suscite celle des autres.
CR : Les enseignants participent-ils aussi à ces échanges ?
LB : Les enseignants ne sont pas en reste: une page du wiki que nous avons nommée le « Teachers’ corner » fonctionne comme un cahier de texte électronique: après chaque séance, chacun des 2 professeurs précise le déroulement du cours du jour, soumets ses idées d’activités pour la suite du projet, explique les difficultés rencontrées, etc. Cet échange est aussi un facteur de motivation pour les enseignants.
CR : Avec quels élèves menez-vous ce projet et à quelle fréquence ont lieu les échanges?
LB : Je mène ce projet dans le cadre des groupes de compétences en seconde, avec des élèves que je ne vois qu’une fois par semaine sur une période d’environ 8 semaines. Mais quand ces élèves seront passés dans un autre groupe, ils resteront membres du wiki et pourront encore y contribuer. Ce projet n’est donc pas limité à mes seuls élèves.
CR : Est-ce que cela ne vous prend pas trop de temps?
LB : Bien sur, tout cela nécessite du temps, de l’investissement, qui va bien au delà des 18 heures de cours et même des 35h de travail, et une certaine passion, un investissement au long cours. Mais le résultat en vaut vraiment la peine, tant pour les enseignants que pour les élèves.