Le premier trimestre achevé et les vacances commencées, nous allons étudier ce mois comment l’administration prend une décision et les possibilités de recours contre ces décisions afin de bien évaluer les chances de réussite d’un éventuel recours.
I) Processus décisionnel, actes préparatoires et décisions
a) Le processus décisionnel est l’ensemble des actes qui vont lui permettre à l’Administration de prendre une décision dans le respect d’une procédure.
Dans certains cas, le processus décisionnel est très codifié et s’il n’est pas correctement exécuté, l’acte final sera annulable par le Juge pour ce motif.
b) L’acte préparatoire, est un acte de l’Administration qui ne revêt pas le caractère d’une décision mais qui fait partie du processus décisionnel.
C’est, par exemple, une demande d’information, une convocation à un conseil de discipline, la réunion d’une instance, etc.
Mais attention, il n’est, en principe, pas possible de contester un acte préparatoire avant que la décision soit rendue.
En effet si l’omission ou l’irrégularité d’un acte préparatoire est une cause d’annulation de la décision, il faut attendre que cette dernière soit rendue pour la faire annuler.
c) La décision est l’acte final par lequel l’autorité administrative prend position sur une question particulière en créant, modifiant ou supprimant une situation. La décision est réglementaire lorsqu’elle pose la règle générale, et individuelle lorsqu’elle concerne une personne nommément désignée.
Une fois encore, attention : même si une décision prise dans le cas d’un acte collectif, tel un tableau d’avancement à la hors classe, reste une décision individuelle, c’est l’ensemble de la décision qu’il faut contester (dans le cas présent le tableau d’avancement).
Toute décision de l’Administration bénéficie d’une présomption de conformité au droit, c’est-à-dire qu’elle est considérée comme légale jusqu’à jugement du contraire. C’est un peu le même principe que l’autorité de la chose jugée, mais appliquée à l’Administration.
Une décision est dite explicite quand elle est signifiée par écrit au destinataire et c’est alors la date de réception par l’administré de cette décision qui ouvre le délai de deux mois du recours hiérarchique ou contentieux.
Une décision est dite implicite quand elle résulte du silence de l’Administration ou de l’absence de réponse à une demande. Dans ce cas, le délai de recours hiérarchique ou contentieux commence deux mois après la date de réception de la demande par l’administration.
A l’évidence, la décision implicite à la même valeur juridique que la décision explicite et peut donc être contestée devant le Juge.
Lorsque la décision individuelle est défavorable, ou qu’elle déroge à la règle générale, elle doit, en application de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979, être motivée et faire apparaître les considérants de droit et de faits qui en constituent le fondement.
Si cette condition n’est pas remplie, ce sera bien évidement un motif d’annulation.
La décision est immédiatement exécutoire à la condition d’avoir été portée à la connaissance des particuliers quand elle est d’ordre général (publication au Journal Officiel ou au Bulletin Officiel) ou du particulier quand est individuelle (remise en main propre ou par lettre recommandée).
Si une décision met une obligation à la charge d’un administré, ce dernier est tenu de l’exécuter. S’il s’y refuse, il pourra se voir infliger des sanctions administratives ou pénales ou être contraint par la voie de l’exécution forcée.
Le recours devant le Juge par la voie normale n’étant pas suspensif, il faut passer par la procédure du référé-suspension pour faire suspendre l’exécution d’une décision.
Pour cela, il faut démontrer au Juge administratif l’urgence qu’il y a à suspendre la décision et l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Malheureusement, cette procédure de référé est rarement couronnée de succès, le caractère d’urgence étant rarement retenu.
II) Compétence liée et pouvoir discrétionnaire
La loi peut être très précise dans les conditions d’appréciation d’une situation et ainsi enfermer la décision que l’Administration prendra dans un cadre très strict ou, au contraire, se limiter à prévoir un cadre général et ainsi laisser une marge d’appréciation sur la décision à prendre.
Ainsi, la loi fixe l’âge minimum d’obtention du permis de conduire à 18 ans et impose l’obligation de réussite à une épreuve écrite sur le code de la route et à une épreuve de conduite.
L’appréciation de la condition des 18 ans minimum ne laissant aucune marge d’appréciation, on parle de compétence liée de l’Administration, sa tâche consistant simplement à vérifier que l’âge de l’individu qui demande un permis est bien au minimum celui fixé par la loi.
En revanche, l’appréciation des compétences nécessaires à l’obtention du permis de conduire n’est nullement précisée par la loi. Dès lors, il revient à l’Administration de fixer le niveau d’exigence des épreuves écrites et de pratique et d’apprécier pour chaque candidat le respect de ce niveau d’exigence. C’est ce qu’on appelle le pouvoir discrétionnaire.
Ainsi donc, l’Administration voit sa compétence liée quand elle est tenue d’agir dans un certain sens sans possibilité de choix alors qu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire quand la loi ou le règlement lui laisse toute liberté d’agir dans un sens ou un autre.
Et c’est pourquoi, l’Administration a obligation d’accomplir un acte lorsque le demandeur remplie les conditions posée par la loi alors que rien ne l’y oblige lorsque cette dernière lui laisse tout loisir d’exercer ou non son pouvoir discrétionnaire.
Faite bien attention au fait qu’il est très important de faire la différence entre ces deux concepts car un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux ne sera pas promis au même avenir selon la situation dans lequel on se trouve.
Ainsi dans le cas d’un examen ou d’un concours, un recours devant le Juge administratif sera vraisemblablement couronné de succès si le jury était composé irrégulièrement, si le sujet n’était pas au programme ou encore si les candidats n’ont pas été traités de façon égale, puisqu’il s’agit de situations dans lesquelles l’Administration a une compétence liée.
Mais ce même recours aura de fortes probabilités d’être rejeté s’il vise à contester l’appréciation des mérites d’un candidat par le jury, puisque cela relève du pouvoir discrétionnaire du jury.
Considérant cela, il serait loisible d’en déduire que l’Administration dispose d’un pouvoir dont elle pourrait abuser puisque que le contrôle du Juge administratif se limite à la seule vérification de la légalité de l’acte.
Mais, ce serait oublier que l’Administration ne peut prendre un acte sans respecter les principes de droit sur lesquels repose son pouvoir que sont la poursuite de l’intérêt public, la compétence de celui qui prend cet acte et l’exactitude des considérants matériels et juridiques qui fondent la décision.
C’est pourquoi, même si l’action du Juge administratif, qui n’a pas la compétence pour apprécier certaines circonstances, se limite, en principe, à vérifier que l’Administration a bien fait comme elle devait faire au regard du droit, la réalité fait qu’il sera en mesure d’annuler cet acte au motif de son illégalité si l’Administration ignore un ou plusieurs de ces principes de droit.
Et c’est aussi pourquoi, le Juge administratif s’est, au fur et à mesure du temps, chargé de maintenir ce pouvoir discrétionnaire dans des limites raisonnables en créant, là ou elles n’existent pas, des règles de droit parfois très contraignantes et en s’accordant, sous couvert du contrôle de légalité, un contrôle de l’opportunité par le biais du contrôle de proportionnalité et de l’erreur manifeste.
Tout l’art de présenter un recours contentieux consistera donc à démontrer la violation de ces principes de droits et à convaincre le Juge d’user de son pouvoir de contrôle.
A tous, bonnes fêtes de fin d’année et bonnes vacances.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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