Par Antoine Maurice
Voici désormais plus d’un mois que les EPSiliades se sont terminées et pourtant elles sont encore d’actualité pour un grand nombre des participants (près de 2000). Ainsi, il paraissait impossible de ne pas revenir sur ces trois jours à la halle Carpentier à Paris. Christian Couturier, secrétaire national du Snep et organisateur de l’événement a accepté de répondre à nos questions.
Environ 1900 participants, d’horizon divers et tout ceci pour parler d’éducation, d’EPS, de sport. Sans aucun doute une des clés du succès des EPSiliades ?
En fait, les clés du succès, incontestable, reposent sur une certaine conception du militantisme et du syndicalisme. Certains font un syndicalisme d’appareil, nous faisons le choix d’un syndicalisme de proximité, en prise avec le métier. C’est la première raison selon moi de la réussite d’un tel évènement : ce n’est pas un « coup » ponctuel, c’est une activité qui s’étale sur pratiquement deux ans, et on a d’ors et déjà décidé, au cours de l’année scolaire de poursuivre les débats engagés.
Ensuite un ensemble de choses explique la réussite incroyable des EPSiliades. Je dis incroyable parce que quand nous avons lancé l’idée et l’objectif de participation, on savait que c’était très ambitieux, voire démesuré :
La forme « salon de l’EPS ».
On avait déjà tenté au forum de 2005 de changer un peu la forme classique des colloques que nous avions l’habitude d’organiser. Mais là nous avons été beaucoup plus loin et nous avons cherché un lieu qui permette vraiment cela : des débats bien sûr, mais aussi des pratiques physiques et sportives, de la vidéo, et un spectacle de théâtre chanté engagé (la compagnie Jolie-Môme), des démonstrations et pratiques de cirque, danse, ….
Des débats que nous avons souhaités pluriels et contradictoires.
Nous avons travaillé pour que les thématiques couvrent un ensemble de préoccupations éducatives et citoyennes. Mais nous avons aussi cherché à nous inscrire dans un contexte où « la » vérité n’existe pas. C’est la raison pour laquelle nous avons donné la parole à nombre de personnes et organisations dont nous ne partageons pas obligatoirement les points de vue. Par exemple, malgré des divergences, la question du sport scolaire a pu être traitée avec le Directeur de l’UNSS… Tout le monde a perçu cet enjeu, à l’exception notable de l’Inspection Générale qui a refusé de venir.
Le travail préparatoire a aussi été intéressant, dans la mesure ou contrairement aux habitudes, nous avons organisé dans nombre d’académies, au cours des deux ans qui ont précédé les EPSiliades, des « Assises » de l’EPS, du sport scolaire et du sport qui avaient déjà entamé la réflexion. Nous avons aussi organisé des « rencontres du SUP » pour travailler les questions de formation et de recrutement. La réussite des EPSiiades s’ancre dans l’implication du SNEP pour proposer des lieux d’expression à toute la profession. Le SNEP est un outil au service de l’EPS.
Enfin c’est pour ainsi dire « une œuvre collective ».
Un évènement comme celui-ci, c’est un travail collectif extraordinaire. Ce n’est pas un truc piloté d’en haut, comme on dit. Même si je coordonnais l’ensemble du projet, chacun a pris ses responsabilités pour organiser les débats, les pratiques, la fête. Je pense que ces choses se ressentent et participent à la réussite. Sur le site, nous avons un livre d’or où les remerciements sont extrêmement chaleureux.
Enfin, il faut aussi le dire, nous avons tout fait pour que l’organisation soit sans faille (même s’il y a toujours des bugs, comme par exemple les problèmes de sonorisation en particulier lors des premiers débats). Nous avons aussi souhaité que chacun puisse venir sans que l’effort financier soit important. Aujourd’hui, ce genre de chose joue, notamment chez les jeunes.
Un grand moment, aussi grâce à ses débats, et interventions ?
Nombreux sont ceux qui nous ont dit que c’était mieux que lors du Forum de 2005, ce qui restait pour nous une référence. 30 tables rondes, en tout 60 heures de débat. Rajoutons à cela 3 conférences plénières pour prendre un peu de recul, et une vingtaine d’heures de comptes-rendus de pratiques dans l’espace vidéo. Ce qui été apprécié, c’est d’abord la diversité et la richesse des apports. Au point que certains sont repartis en se disant frustrés de n’avoir pas pu tout suivre. Mais c’est un peu la loi du genre. Nous avons organisé 6 espaces en parallèle : L’EPS ; L’articulation EPS/sport scolaire/sport ; L’école et ses perspectives ; Le sport ; Les médias (et le sport, l’école, le syndicalisme, l’EPS) ; et enfin la formation et la recherche
Par exemple dans le cadre de l’espace « Ecole » nous avons traité de l’Europe et des recommandations de l’OCDE en analysant, avec des chercheurs (Laval, Lamarche, Klein) quelles sont les tendances et préoccupations sous-jacentes. Mais nous avons aussi abordé le socle commun et la culture commune, avec par exemple un des promoteurs du socle commun au moment du rapport Thélot, Claude Lelièvre. Nous avons invité les partis politiques de gauche pour répondre à la question « comment réformer l’école (pour la droite, pas besoin de l’inviter puisque c’est elle qui dirige les réformes actuelles, donc on sait ce qu’elle veut !), etc.
L’innovation la plus visible a été de consacrer un espace aux « médias » en invitant nombre de journalistes (Le Monde, Marianne, L’Equipe, L’Humanité, So foot…) à venir discuter sur le traitement par les médias du système scolaire, du sport et de l’éducation physique et sportive.
Sur les autres thèmes, quels constats peut-on tirer de la situation actuelle de l’EPS, du sport scolaire, du sport ?
Les EPSiliades seules ne permettent pas de répondre à la question, c’est l’ensemble de notre activité qui permet de mettre en relation les choses entre elles. Pour un tour plus complet sur l’EPS, l’Ecole et le sport, je me permets de renvoyer à la conférence inaugurale des EPSiliades, disponible en téléchargement sur notre site.
Mais pour aller vite la situation de l’EPS est marquée par plusieurs choses : une dynamique professionnelle qui s’est un peu éteinte à cause d’une part de la suppression de fait de la FPC (formation continue), la politique récente de l’Inspection Générale qui consiste à imposer une vision unique et univoque de la discipline et de jouer la carte de l’autoritarisme et non celle de la co-élaboration, avec la profession, et nous, d’un projet ambitieux et partagé pour l’EPS. Par ailleurs la discipline souffre, comme les autres, des réformes générales sur l’école. Réduction des moyens, réformes idéologiques mal préparées. L’exemple de la réforme des lycées est exemplaire : alors que le ministère parle des « rythmes scolaires », la réforme, soutenue il faut le rappeler par l’UNSA et le SGEN, produit une situation catastrophique : l’emploi du temps des élèves, pour « caser » l’accompagnement personnalisé, n’a jamais été aussi problématique. Avec des conséquences sur le sport scolaire en lycée : on n’arrive plus à trouver des créneaux accessibles.
Le pire c’est que l’on va nous pondre des bilans pour montrer qu’il y a des problèmes pour le sport scolaire en lycée. Mais qui dira, à part nous, que ce sont les réformes successives, les cours les mercredi après-midi… qui sont d’abord responsables de cette situation.
Le problème principal auquel nous allons être confronté rapidement en EPS est le même pour toute une partie des disciplines scolaires : le socle commun, que l’on présente comme une avancée considérable, va servir principalement à réduire le périmètre scolaire obligatoire, et à renvoyer l’EPS, mais aussi les arts, une partie des sciences… en dehors du temps de cours et « offert » aux associations périscolaires qui espèrent beaucoup de la prochaine réforme des rythmes scolaires. On comptera alors ceux qui, à nos côtés, nous ont soutenus pour tenter d’imposer un « 8ème pilier » autour de la culture physique et sportive.
Côté sport, la question du bilan est compliquée : qui peut aujourd’hui prétendre embrasser la totalité de ce phénomène social « total ». Mais là encore impossible de taire l’action du gouvernement qui aboutit à une niche ministérielle (le sport olympique) et tout le reste progressivement privatisé ou renvoyé aux collectivités territoriales qui, faute de financement de l’Etat, vont devoir chercher des ressources ailleurs (où ?). Nous avons toujours défendu l’idée d’un véritable service public du sport, des sports, des APSA. Nous sommes probablement à une période charnière qui peut voir tout ce qui a été historiquement construit en terme de structures et d’expertises, partir en fumée (ça a été le cas l’année dernière pour les CREPS).
Une seule conclusion à tout cela : il ne faut pas que la situation actuelle dure trop longtemps ! ça a été un des messages des EPSiliades. Il faut que la profession poursuive son épopée qui a construit pour l’EPS une spécificité française, enviée, les invités étrangers nous l’ont encore redit…
Malgré le succès de ces rencontres, avez-vous quelques regrets ?
Pas tellement. On peut toujours mieux faire. Mais dans les contraintes qui étaient les nôtres, il y a de quoi être fier du résultat. Qui est capable de faire aussi bien aujourd’hui en qualité et en quantité ? Ce qui a été troublant, et encourageant, c’est le nombre de témoignages spontanés pour nous dire qu’un évènement de ce genre avait redonné confiance… dans le métier !
Donc pas de regrets, même si après coup, on se dit qu’on aurait pu renforcer encore plus la partie « pratiques sportives et artistique » et les comptes rendus de pratique professionnelle. Mais le lieu choisi ne permettait pas beaucoup mieux.
Enfin l’avenir ! Et si les EPSiliades étaient un point de départ ?
Et bien justement, ça aussi c’est une nouveauté, on est en train de mettre en route les prochaines… jusqu’à présent, après un colloque, on faisait les actes et basta. Là, nous avons décidé de véritablement s’inscrire dans une politique à plus long terme. Un groupe va donc se mettre en place pour faire le bilan de la version 2010, engranger les savoir-faire et se mettre au boulot pour celle de 2014 !
La revue « Contrepied » sortira au mois de janvier et donnera un point de vue sur les EPSiliades. Ce ne seront pas des actes au sens strict (les tables rondes et conférences seront par ailleurs téléchargeables du site)
Le site des EPSiliades
http://www.snepfsu.net/epsiliades/index.php
La revue contrepied
Le blog du café sur les EPSiliades
http://cafepedagogique.studio-thil.com/communautes/lesE[…]
Sur le site du Café
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