Quand une galerie d'art contemporain investit un collège

Par Jeanne-Claire Fumet

On peut être collégien en ZEP et connaisseur en art contemporain : c’est la proposition mise en œuvre par deux enseignantes du Collège des Pyramides à Evry, avec le soutien du FDAC (Fonds départemental d’art contemporain), du Département et de l’inspection académique, à travers l’installation d’une galerie d’exposition permanente dans les locaux de l’établissement. A l’occasion du vernissage de la nouvelle exposition de rentrée, samedi 25 septembre, les élèves de 4ème chargés de guider les visiteurs parmi les œuvres et les espaces, faisaient montre d’une indiscutable compétence. Leur fierté et le sérieux de leur implication témoignent de l’impact positif des activités culturelles dans la formation de jeunes élèves scolarisés en zone prioritaire.

Matthieu et Anne-Marie. Dans la première salle, Zone de sécurité temporaire, 2001 d’Anne-Marie Filaire déploie des vues en noir et blanc: une zone dévastée par la guerre entre Ethiopie et Erythrée. Avant d’en expliquer le contexte, Matthieu, élève de 4ème, questionne le visiteur sur ce qu’il éprouve devant ces images, avant de l’inviter à découvrir des détails peu perceptibles au premier regard. Plus loin, ce sont des photographies de nuit urbaine à Edimbourg, de Gast Boushet et Nadine Hilbert, The Curse, 2007, : notre jeune guide avoue les aimer pour l’efflorescence de leurs couleurs de flammes. Enfin, des vidéos et des animations de Laurent Vincente, Skuit,2007, complètent l’exposition.

« Nous ne fabriquons pas des spectateurs, nous formons des citoyens »

Le projet initial d’initiation à l’art contemporain et à la médiation culturelle est né en 2008. Après plusieurs démarches menées avec les élèves, dont certains issus de l’Unité locale d’intégration (ULIS), c’est finalement un séjour au Domaine culturel de Chamarande qui a décidé l’équipe pédagogique à installer une galerie permanente d’art contemporain au collège. Pour Béatrice Jaffre, professeur d’arts plastiques qui conduit le projet avec sa collègue de français, Pascale Goule, c’est le moyen de donner une dimension d’expérience réelle à l’enseignement de l’histoire des arts, et de l’intégrer dans une perspective scolaire plus large, qui implique un travail sur l’attitude, sur la communication et sur le langage, auquel les élèves se montrent ainsi plus réceptifs.

Pour Françoise Chavanne, IA-IPR d’arts plastiques et doyen des IPR de Versailles, la démarche va bien plus loin qu’une simple initiation aux pratiques culturelles. « Nous ne fabriquons pas des spectateurs, nous formons des citoyens, des acteurs capables de penser. Quand on entend les élèves parler de ces œuvres, on voit qu’ils ont compris la finesse du projet, l’intention des artistes – pas seulement la façade, mais le sens. Et puis, ils ont la fierté d’être dans ce projet qu’ils ont complètement intégré. C’est cela que demandent les programmes d’enseignement : familiariser les élèves avec ce qui fait leur temps, comme futurs citoyens attentifs à tous les événements qui constituent leur époque, que ce soit d’un point de vue artistique, culturel, politique, social, etc. Ils ont compris la force de l’intention esthétique, l’émotion du travail des artistes ; pour eux, c’est une expérience réelle, bien plus formatrice qu’un discours. »

« L’ouverture à la culture est essentielle »

Le maire d’Evry, Manuel Vals, apprécie la réalisation : « notre territoire a besoin de Beau. », affirme-t-il. Il salue l’implication de toute l’équipe pédagogique du Collège, sous la direction de la principale Chantal Giroux, et insiste sur l’importance de projets impliquant les élèves mais aussi leurs parents autour de l’école. Pour lui, ce type d’initiative joue un rôle déterminant dans la vie sociale. « Il ne s’agit pas seulement de faire qu’il y ait moins de violence dans nos villes; bien sûr, il faut de la sécurité, de l’emploi… mais aussi des formes d’art et de culture. L’ouverture à la culture est essentielle dans nos sociétés où tout va très vite, où la vulgarité est facile; pas seulement dans les quartiers sensibles, mais dans l’ensemble de la société. » Un débat local sur les rythmes scolaires pourrait d’ailleurs conduire à la proposition de consacrer les après-midi aux activités culturelles, et pas seulement au sport, dans les écoles d’Evry.