Par François Jarraud
A quelques mois de la publication des résultats de la nouvelle édition de l’évaluation internationale PISA, la Revue internationale d’éducation de Sèvres pose la question des palmarès et classements en éducation. Dans quelle mesure pilotent-ils le système éducatif ?
Discours de vérité. Michel Lussault (ENS Lyon), qui a coordonné l’ouvrage, ne met pas dos à dos partisans et adversaires des évaluations. Il remarque que « la scène sociale et politique (est) polarisée par deux ensembles de discours concurrents. Le premier tend à dresser les classements en outils de diagnostic fiable de la fragilité d’un système face aux mutations mondiales… Il existerait un bon système scolaire obligatoire… Le second… réfute globalement sinon l’évaluation… sa traduction en classement… Ces deux ensembles discursifs me paraissent l’un et l’autre des discours de vérité ».
Mais ce numéro donne plutôt la parole aux discours critiques. C’est le cas de Jean-Marie de Ketele qui analyse le phénomène un peu sous l’angle de la dépossession nationale et sociale. « Une autre catégorie d’acteurs (que les politiques) est le principal bénéficiaire de ces classements », note-il, « le sparents des classes sociales…. Favorisées qui, soucieux d’offrir le meilleur à leurs enfants adoptent des comportements de consommateurs « . Ce faisant, « les classements internationaux contribuent à une différenciation interne des systèmes éducatifs ». Xavier Pons (UPEC) analyse les usages qui sont faits des évaluations internationales. Il montre par exemple, que « Pisa sert à légitimer des réformes dont le lien avec les conclusions de l’enquête n’est pas toujours direct et qui sont parfois préparées en amont de la publication des résultats ». OU encore les efforts des pouvoirs nationaux pour « expliquer » et réévaluer les résultats internationaux. Pour lui, en France, Pisa « a principalement agi entre 2001 et 2008 comme un révélateur d’opinions préétablies et de légitimation des réformes qui lui préexistaient ».
Ailleurs les évaluations appuient des choix de société plus profonds. Au Royaume-Uni, Graham Donaldso, montre comment l’Angleterre et l’Ecosse utilisent les évaluations d’une façon totalement divergente. En Angleterre elles servent à la création d’un marché de l’éducation, perçu comme un régulateur efficace. En Ecosse, où l’on est plus attentif à l’idée communautaire, l’évaluation est un outil de dialogue entre établissement et autorités. Au Canada, selon Jarrett Laughlin et Marc Lachance, le Conseil canadien de l’apprentissage a créé un indice unique, l’indice composite d’apprentissage qui associe indicateurs de l’éducation initiale et de la formation continue. Ainci Victoria est reconnue comme « la ville la plus intelligente du Canada », du fait du développement de la formation tout au long de la vie.
Finalement ce large regard, qui est l’apanage de la revue, ne permet pas seulement de relativiser la pertinence des évaluations. Il met surtout en évidence ce que les évaluations nous apprennent du rapport que nos sociétés entretiennent avec l’Ecole, y compris, il est vrai, leur sanctuarisation de l’Ecole. Pour reprendre le titre d’un autre numéro de la Revue, il n’y a vraiment pas une seule école pour un seul monde…
Palmarès et classements en éducation, Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°54, septembre 2010.
Le sommaire
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Sur Pisa et Pirls
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