Par Françoise Solliec
Selon Eric Debarbieux, il ne s’agissait pas de discours de clôture pour marquer la fin de la réunion des états généraux de la sécurité à l’école le 8 avril, mais plutôt d’énoncer des pistes de travail et des propositions qui seront, Luc Chatel s’y est engagé, discutées dans la concertation.
Les rapports des 10 ateliers qui ont introduit la matinée ont fait apparaître des constats et des propositions d’action souvent très similaires, malgré la diversité des participants et des points de vue. De tous ces échanges, qui ont concernés un grand nombre des aspects de la violence en milieu scolaire, c’est tout d’abord une très importante demande de formation et d’accompagnement qui émane non seulement des enseignants, mais aussi d’autres personnels.
En second lieu, deux idées reviennent de manière quasi systématique : la nécessité pour l’établissement de s’ouvrir encore davantage à des partenariats de travail sur cette question (avec les familles, les travailleurs sociaux, les représentants de la justice, de la police, …) ; le besoin d’outils de mesure à différents niveaux, même si le local est privilégié, sur différents objets (climat, incivilités, violences, …) tout en insistant sur la nécessaire précision des objectifs et les relations avec la transmission d’autres informations. Il importe à ce niveau de travailler en respectant les personnes et l’anonymat des données.
Plusieurs ateliers ont mis en avant le souhait de voir se développer des cercles d’échanges de paroles, tant avec les élèves que pour l’équipe éducative. Le travail en collaboration a été valorisé, ainsi que le recours à des pratiques pédagogiques innovantes, qui redonnent motivation et confiance aux élèves. La diffusion des bonnes pratiques, la constitution et la pérennisation d’équipes investies dans cette lutte contre la violence scolaire, qui est souvent souhaitée être inscrite dans le projet d’établissement, paraissent autant de mesures à mettre en place.
En conclusion de cette première partie, Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, a applaudi la méthodologie retenue : « comprendre, prévenir, agir » et rappelé les deux écueils à éviter, la négation de la violence, d’une part, son exagération, notamment médiatique, d’autre part. Il a affirmé sa volonté de voir élaborer un outil de pilotage résultant d’un travail étroit avec l’éducation nationale. Le partenariat entre les deux ministères, déjà ancien, a par ailleurs débouché sur de nombreuses initiatives qui doivent contribuer à faire baisser la délinquance dans et aux abords de l’établissement. Le bilan réalisé sur les mesures relatives à la circulaire de septembre montre que les 184 diagnostics de sécurité des établissements les plus exposés ont été réalisés et que les équipes mobiles de sécurité ont été mises en place ainsi que les référents sécurité.
Il s’agit maintenant de lutter plus précisément contre « le deal de proximité » et les phénomènes de bandes, qui risquent de s’étendre au-delà du seul territoire francilien. Avant leur prise de fonction, une formation à la sécurité sera assurée pour les personnels de direction par les correspondants de police et de gendarmerie.
Eric Debarbieux, président du conseil scientifique mis en place pour la tenue des états généraux, affirme qu’ils auront une suite et que c’est donc une allocution de réouverture qu’il va délivrer. AU début de ses recherches en 1981, la violence à l’école était un sujet tabou, ce n’est plus le cas. Il faut protéger l’école, mais en se rappelant que les stratégies les plus efficaces dans la lutte contre la violence scolaire sont celles de l’école elle-même. Il est donc nécessaire d’aider et de former les personnels.
Eric Debarbieux a insisté aussi sur le fait que le savoir se construit en équipe, tant dans la recherche que dans l’enseignement. Il faut donc favoriser la constitution d’équipes pluridisciplinaires (à l’image du conseil scientifique des états généraux), qui sauront allier transmission des savoirs et pédagogie. La lutte contre l’exclusion sociale doit être lisible et le fruit d’un travail avec tous les acteurs concernés, familles, associations, syndicats, etc.
Rappelant qu’avec le meurtre du jeune Hakim dans un lycée du Kremlin Bicêtre en janvier, la violence à l’école avait « changé de nature », Luc Chatel a affirmé que les incivilités et les agressions étaient autant d’atteintes à la liberté (d’apprendre et de vivre ensemble), à l’égalité et la fraternité.
Il ne s’agit pas de présenter en cette fin de matinée des solutions définitives, mais de s’appuyer sur les pistes de travail prometteuses des ateliers et sur les analyses riches et profondes du conseil scientifiques pour énoncer 5 orientations.
Elaboration d’outils pour mesurer efficacement la violence et le climat.
On ne saurait se satisfaire des tableaux partiels et parfois contradictoires qui sont remontés. Le système d’informations SIVIS devrait devenir trimestriel et départemental. L’enquête de victimation expérimentée à Lille sera étendue.
Renforcer la formation des enseignants trop souvent démunis et isolés dans la classe.
Il s’agit de restaurer l’autorité de l’enseignant et favoriser le travail d’équipe. Une formation spécifique sera proposée aux étudiants de master se désignant à l’enseignement, un accompagnement des enseignants nouvellement nommés sera mis en place ainsi que des modules de formation continue, puisés parmi les plus performants dans les académies. Des formations sur site seront possibles, afin de faciliter le travail en équipe. Des ressources numériques seront par ailleurs proposées.
Renforcer le plan de sécurisation des établissements.
Le ministre se propose de doubler la taille des équipes de sécurité et demande aux responsables d’ouvrir les discussions avec les collectivités locales pour la sécurisation des établissements.
Responsabiliser les acteurs et donner du sens aux sanctions.
Il est important de faire savoir aux élèves quand les limites sont franchies (jeux dangereux, intimidation, discrimination), mais les sanctions doivent être individualisées et adaptées. Une réflexion sera ouverte sur les rythmes scolaires.
En termes de prévention, la pratique sportive est un bon exercice de connaissance et de respect des règles. Le B2i garantit une éducation citoyenne sur Internet et les outils de communication numériques (cahier de textes, ENT) facilitent la communication avec les familles. Pas d’angélisme cependant, les familles doivent être mises devant leurs responsabilités.
Conduire une réflexion spécifique dans les lieux où le climat est le plus dégradé.
Il s’agit d’abord de réaliser une cartographie de ces établissements, puis de créer un nouveau programme, CLAIR (collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite), qui y sera expérimenté dès la rentrée 2010 et aura vocation à intégrer l’éducation prioritaire dès 2011.
Les innovations de ce programme porteront sur le champ des ressources humaines (les chefs d’établissement pourront recruter leurs équipes), pédagogiques (mise en œuvre du socle commun, recours aux expérimentations) et de la vie scolaire (désignation d’un préfet d’études par niveau).
Cette expérimentation constituera une première étape pour la réflexion sur la carte scolaire.
« La violence en milieu scolaire n’est pas une fatalité », conclut Luc Chatel. « Quelles que soient nos convictions et nos origines, nous avons su dépasser nos divergences pour trouver ensemble des solutions ». Il faut maintenant prendre le temps de préserver le consensus : ce sera la tâche du comité de pilotage chargé de mettre en œuvre les conclusions de ces états généraux. Un premier rendez-vous est fixé pour dans 6 mois, pour en connaître les premiers travaux.
A suivre donc …