Le travailleur handicapé dans la fonction publique
Tout d’abord, mes meilleurs vœux à toutes et tous pour cette nouvelle année 2010 qui, si l’on en croit les déclarations de nos gouvernants, devrait se révéler riche en nouveautés en ce qui concerne les modalités applicables au départ en retraite et que nous ne manquerons pas d’étudier quand elles sortiront.
En ce début d’année, nous allons nous intéresser d’un peu plus près à la situation des travailleurs handicapé dans la fonction publique en parcourant quelques des textes de lois ou des décrets qui s’appliquent à leurs situations.
I) L’accès à la fonction publique du travailleur handicapé
Commençons par les dispositions de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dite loi Le Pors
Article 6 sexies Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, les employeurs visés à l’article 2 prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l’article L. 323-3 du code du travail d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer et d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en œuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, notamment compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
Cet article consacre donc le droit des travailleurs handicapés d’accéder à la fonction publique et d’y exercer un emploi dans des conditions particulières qui sont :
* L’annulation ou le recul des limites d’âges pour l’accès aux grades et concours.
* L’aménagement des conditions de concours (repos, assistance, étalement des épreuves),
* Le recrutement par voie contractuelle en vue de la titularisation,
* Une dérogation dans l’appréciation de l’aptitude physique à l’emploi,
* L’exercice du service à temps partiel de plein droit,
* L’aménagement des horaires pour faciliter l’exercice et le maintien dans les fonctions.
Ces mesures variant selon les postes, les services et les années, contactez votre service gestionnaire pour en connaître toutes les modalités.
Article 40 ter Des aménagements d’horaires propres à faciliter son exercice professionnel ou son maintien dans l’emploi sont accordés à sa demande au fonctionnaire handicapé relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1o, 2o, 3o, 4o, 9o, 10o et 11o de l’article L 323-3 du code du travail, dans toute la mesure compatible avec les nécessités du fonctionnement du service.
Des aménagements d’horaires sont également accordés à sa demande à tout fonctionnaire, dans toute la mesure compatible avec les nécessités du fonctionnement du service, pour lui permettre d’accompagner une personne handicapée, qui est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité, un enfant à charge, un ascendant ou une personne accueillie à son domicile et nécessite la présence d’une tierce personne.
Ainsi donc, le fonctionnaire handicapé, ou le fonctionnaire qui accompagne une personne handicapée, peut bénéficier d’aménagements horaires. Ces derniers consistent non pas en une diminution du temps de travail mais en un aménagement de ce dernier. Notez qu’ils sont accordés sous réserve des nécessités du service et que l’appréciation de ces nécessités revient au supérieur hiérarchique du professeur à savoir le Chef d’établissement.
Cela étant, la loi no 87-517 du 10 juillet 1987 impose à toute entreprise publique ou privée de plus de vingt salariés, une obligation d’emploi au profit des travailleurs handicapés et autres catégories de bénéficiaires à hauteur d’au moins 6 % de ses effectifs.
Et l’Education Nationale, qui est actuellement bien loin de ces 6%, doit donc recruter de tels fonctionnaires pour se mettre en conformité.
Le code du travail considère comme travailleur handicapé toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique.
Les candidats aux fonctions d’enseignement devront donc solliciter l’avis d’une commission spécifique quant à la compatibilité de leur handicap avec ces fonctions sachant que :
* La commission nationale est compétente lorsque le taux d’incapacité permanente du candidat est égal ou supérieur à 80 % ;
* La commission académique est compétente lorsque ce taux est inférieur à 80 %.
Chacune de ces commissions peut immédiatement statuer favorablement ou bien proposer une période d’observation de quatre semaines dans l’environnement professionnel afin de recueillir des éléments supplémentaires d’appréciation, période qui, pour les professeurs stagiaires, est concomitante au stage de titularisation.
Lorsque la commission a reconnu le handicap compatible avec la fonction sollicitée, celui-ci ne peut constituer, lors de la visite médicale d’aptitude physique, un motif d’inaptitude.
Attention : le taux d’invalidité et la reconnaissance du statut de travailleur handicapé émanant de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) doivent donc être effectifs tant au moment de la saisine de la commission que lors du recrutement et de la titularisation.
II) La mutation du travailleur handicapé
Une fois l’éducation nationale intégrée, la mutation est régie par les dispositions des articles 60 à 63 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 :
Article 60 L’autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires.
Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l’avis des commissions est donné au moment de l’établissement de ces tableaux.
Toutefois, lorsqu’il n’existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l’intéressé sont soumises à l’avis des commissions.
Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelle du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu’ils produisent la preuve qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories mentionnées aux 1°,2°,3°,4°,9°,10° et 11° de l’article L. 323-3 du code du travail et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. Priorité est également donnée aux fonctionnaires placés en situation de réorientation professionnelle pour les emplois correspondant à leur projet personnalisé d’évolution professionnelle.
Dans le cas où il s’agit de remplir une vacance d’emploi compromettant le fonctionnement du service et à laquelle il n’est pas possible de pourvoir par un autre moyen, même provisoirement, la mutation peut être prononcée sous réserve d’examen ultérieur par la commission compétente.
Article 62 Si les possibilités de mutation sont insuffisantes dans leurs corps, les fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, les fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité et les fonctionnaires handicapés relevant de l’une des catégories visées aux 1°,2°,3°,4°,9°,10° et 11° de l’article L. 323-3 du code du travail peuvent, dans toute la mesure compatible avec les nécessités de fonctionnement du service, compte tenu de leur situation particulière, bénéficier, en priorité, du détachement défini à l’article 45 et de l’intégration directe définie à l’article 63 bis du présent titre et, le cas échéant, de la mise à disposition définie à l’article 41 de ce même titre.
Une des trois priorités de mutation est donc le handicap reconnu par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Il s’agit là des handicaps attestés par un taux d’invalidité égal ou supérieur à 80% et non des priorités médicales qui n’ont aucune existence légale puisque accordées par le médecin conseil du rectorat et non par la commission précitée. La satisfaction des demandes de mutation des travailleurs handicapés doit rechercher l’amélioration des conditions de travail afin de favoriser l’intégration professionnelle ou/et le maintien en activité de ces personnels. De même, cette affectation doit en principe, faire l’objet d’un suivi particulier. La proximité de l’établissement et du domicile familiale, l’accessibilité des locaux, le type d’établissement, les possibilités d’organisation du service, le nombre de lieux d’exercice et leur éloignement, etc. sont autant d’éléments à prendre en compte dans l’attribution de ces affectations. Enfin, les aménagements de poste, qui visent à rendre possible ou à faciliter l’exercice des fonctions dans les conditions habituelles de travail doivent aussi concerner le service de l’enseignant (emploi du temps, nombre de classes, niveau de classe, etc.)
III) L’adaptation du poste de travail
Toujours les dispositions de la loi 84-16 du 11 janvier 1984
Article 63 Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d’altération de leur état physique, inaptes à l’exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l’adaptation du poste de travail n’est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d’un autre corps s’ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes.
En vue de permettre ce reclassement, l’accès à des corps d’un niveau supérieur, équivalent ou inférieur est ouvert aux intéressés, quelle que soit la position dans laquelle ils se trouvent, selon les modalités retenues par les statuts particuliers de ces corps, en exécution de l’article 26 ci-dessus et nonobstant les limites d’âge supérieures, s’ils remplissent les conditions d’ancienneté fixées par ces statuts. Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d’une demande par l’intéressé, peut intervenir.
Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l’alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu’il s’est écoulé une période d’un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement.
Des conditions d’adaptation du poste ou de reclassement a priori favorable. Mais attention, leur mise en œuvre dépend souvent de l’intérêt du service et des possibilités que celui ci offre.
A nouveau, ces mesures variant selon les postes, les services et les années, contactez votre service gestionnaire pour en connaître toutes les modalités et possibilités.
Le décret dont il est question ici, et auquel je vous renvoie, est le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l’Etat reconnus inaptes à l’exercice de leurs fonctions.
IV) La cessation progressive d’activité
Les modalités applicables aux travailleurs handicapés sont fixées par l’ordonnance no82-297 du 31 mars 1982 :
Article 2 Les fonctionnaires de l’État et de ses établissements publics à caractère administratif dont la limite d’âge est fixée à soixante-cinq ans, qui sont âgés de cinquante-sept ans au moins et qui justifient de trente-trois années de cotisations ou de retenues au titre du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un ou plusieurs autres régimes de base obligatoires d’assurance vieillesse, et qui ont accompli vingt-cinq ans de services militaires et civils effectifs, effectués en qualité de fonctionnaires ou d’agents publics, peuvent être admis, sur leur demande et sous réserve de l’intérêt du service, en tenant compte notamment de la situation des effectifs, à bénéficier d’un régime de cessation progressive d’activité.
La durée de vingt-cinq années de services prévue au premier alinéa ci-dessus est réduite :
a) Soit, dans la limite de six années maximum, du temps durant lequel les fonctionnaires ont bénéficié d’un congé parental ou d’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ou pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint ou à un ascendant atteint d’un handicap nécessitant la présence d’une tierce personne ou victime d’un accident ou d’une maladie grave ;
b) Soit de six années pour les fonctionnaires handicapés dont l’incapacité permanente est au moins égale à un seuil déterminé par décret en Conseil d’État.
Les modalités d’application des trois alinéas précédents sont définies par décret en Conseil d’État.
Les fonctionnaires qui ont été admis au bénéfice de la cessation progressive d’activité ne peuvent revenir sur le choix qu’ils ont fait.
La condition d’âge pour bénéficier de la cessation progressive d’activité est fixée à 57 ans. Une CPA est donc possible après 33 années de cotisations tous régimes confondus et 25 ans de service dans la fonction publique, sachant que des réductions sont possibles pour les travailleurs handicapés, les fonctionnaires qui ont bénéficié d’un congé parental ou d’une disponibilité pour raison de famille.
Le décret d’application est le décret no95-179 du 20 février 1995 :
Article 2 Bénéficient d’une réduction de six années de la durée de vingt-cinq années de services prévue à l’article 2 de l’ordonnance no 82-297 du 31 mars 1982 susvisée :
1o Les fonctionnaires reconnus travailleurs handicapés par la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel prévue à l’article L 323-11 du Code du travail, lorsque cette commission a classé leur handicap dans la catégorie C au sens de l’article R 323-32 du Code du travail ;
2o Les fonctionnaires bénéficiant d’une allocation temporaire d’invalidité au titre de l’article 65 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L 323-5 du Code du travail ;
3o Les fonctionnaires accidentés du travail et victimes de maladies professionnelles mentionnés au 2o de l’article L 323-3 du Code du travail ;
4o Les anciens militaires et assimilés titulaires d’une pension militaire d’invalidité mentionnés au 4o de l’article L 323-3 du Code du travail.
Ces trois dernières catégories ne bénéficient de la réduction qu’à condition que le taux d’invalidité fixé par la commission de réforme compétente soit au moins égal à 60 %.
Les conditions requises pour bénéficier des dispositions du présent article sont appréciées à la date à laquelle est accordée la cessation progressive d’activité.
V) Le départ en retraite
Le décret n°2006-1582 du 12 décembre 2006 relatif à l’abaissement de l’âge de la retraite pour les agents de la fonction publique handicapés fait que cette limite inférieure de 60 ans ne s’applique pas au fonctionnaires handicapés et leur permet donc de partir plus tôt.
Ce droit est soumis à trois conditions :
* Une durée d’assurance minimale
* Une durée d’assurance minimale cotisée
* Un taux d’incapacité permanente au moins égal à 80% tout au long de ces durées.
Ces conditions sont résumées dans le tableau suivant :
Age d’ouverture du droit à retraite |
Durée d’assurance minimale en trimestre |
Durée d’assurance minimale cotisée en trimestre |
55 |
120 |
100 |
56 |
110 |
90 |
57 |
100 |
80 |
58 |
90 |
70 |
59 |
80 |
60 |
Pour l’appréciation de ces durées, sachez que les temps partiels ou incomplets sont appréciés comme des temps pleins pour la durée d’assurance et au prorata de la quotité pour la durée d’assurance cotisée (sauf sur-cotisation), que les bonifications ou majorations diverses s’appliquent normalement et que dans tout les cas, la décote est neutralisée si ces durée d’assurance sont atteintes.
Enfin, ce même décret prévoit une majoration de pension pour les fonctionnaires handicapés à 80% et plus. Cette majoration de pension est égale à la somme des droits à retraite correspondants aux services effectués et, le tiers du rapport entre le nombre de trimestres cotisés avec un handicap de 80% et le nombre de trimestres de la durée de services et bonifications admis en liquidation.
Ainsi donc, un fonctionnaire handicapé à 80%, partant à 58 ans avec 90 trimestres cotisés en tant que fonctionnaire handicapé percevra une majoration de pension égale à :
1/3 x (90/120) = 25%
Sachant que cette majoration de pension ne peut porter la pension totale au-delà du montant que le fonctionnaire aurait obtenu pour une carrière complète, soit 75% (80% dans certains cas) du traitement de liquidation.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
Sur cet ouvrage :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpres[…]
Pour commander :
http://www.esf-editeur.fr/index.php?content=prod[…]
|