Par François Jarraud
Comment lutter contre l’échec et l’humiliation scolaires ? André Antibi propose un système d’évaluation qui bénéficie du soutien de nombreuses organisations professionnelles et touche maintenant plus d’un millier d’enseignants.
A. Antibi est parti d’un constat : la répartition des notes dans le système éducatif français est très différente de celle des autres systèmes éducatifs. Elle suit exactement la même courbe de Gauss quels que soient les élèves, éliminant toujours une partie importante de ceux-ci. « En raison de conceptions ancrées sur le classement des individus, les pratiques d’évaluation apparaissent souvent comme un couperet destiné à sélectionner. Elles sont assujetties généralement à la règle des trois tiers : un tiers de « mauvais », un tiers de « moyens » et un tiers de « bons », y compris quand les objectifs ont été globalement atteints par la grande majorité des élèves. Ce phénomène, relaté sous le nom de « constante macabre » se manifeste à des degrés divers aux différents étages du système éducatif ». Ce système de notation « pourrit l’Ecole », démobilise une partie importante des élèves, crée de la rancune et de l’agressivité et finalement génère un taux constant d’échec scolaire.
Pour André Antibi, « une telle situation n’est pas fatale. Inverser la tendance est possible, rapidement, au bénéfice de toutes les parties prenantes. Cela suppose une prise de conscience de ce dysfonctionnement, et la volonté clairement affichée de l’éradiquer. Des solutions simples et efficaces existent, déjà expérimentées… En particulier, le contenu d’une épreuve d’examen ainsi que sa longueur doivent correspondre à un contrat clairement annoncé par l’enseignant, sans piège. Dans ces conditions, l’échec éventuel d’un élève ne serait plus ressenti comme une injustice ».
Ce que recommande le MCLCM c’est « l’évaluation par contrat de confiance » (EPCC), une méthode où l’élève est informé du contenu de l’exercice et s’y prépare.
Le Mouvement bénéficie du soutien actif des associations de parents d’élèves, des syndicats enseignants et de nombreuses associations professionnelles et d’une reconnaissance formelle du ministre de l’éducation nationale. En une année il a doublé le nombre d’enseignants expérimentateurs, passant le cap du millier d’enseignants.
Plusieurs enseignants témoignaient des effets de la méthode Antibi. Ils ont vu les résultats de la plupart des élèves monter et la confiance en eux revenir. Ce qui les amène à travailler davantage. Ce que confirment deux lycéens de seconde, élèves de Corinne Croc au lycée de Pont-Audemer. « On est mieux préparé au contrôle. Ca encourage à travailler. Du coup on a de meilleures notes et ça aussi c’est encourageant. Autant travailler pour avoir une bonne note ».
Ce succès est-il généralisable ? Pour le recteur Joutard, si la démarche est bonne, si « l’évaluation traditionnelle pourrit le système scolaire », l’EPCC doit faire son chemin chez les enseignants de terrain, au prix d’une adaptation pour les disciplines non-scientifiques.
Un appui ministériel plus actif y aiderait. En 2005, la Desco avait promis d’adresser un courrier aux recteurs et aux inspecteurs d’académie pour faire connaître son soutien à cette initiative. La lettre n’est toujours pas partie.