Les contrastes étaient saisissants au congrès de la Peep, contrastes entre l’extérieur de l’Encan, l’ancienne halle à poissons désormais centre de congrès et ses abords, contrastes entre les stands des fédérations plutôt débonnaires et les discours martiaux, contrastes entre les réalités locales et les politiques déclinées à la tribune.
En attendant Xavier Darcos, le congrès de la Peep était progressivement enclavé par les forces de l’ordre pour empêcher les manifestants d’approcher trop près le ministre. La Rochelle « belle et rebelle » comme ont aimé à le rappeler plusieurs intervenants, est peu habituée à cette exposition policière. Quinze minutes avant le début des discours, il fallait parlementer pour franchir les barrières tout près de l’aquarium.
A l’intérieur, les fédérations se cherchaient, les congressistes se retrouvaient, autour des stands ou autour de cafés. Des parents de l’enseignement agricole public défendaient les spécificités de leurs établissements en proposant des produits en dégustation. Puis chacun s’est installé dans l’amphithéâtre pour écouter les discours.
Au début, la politique était absente, du moins celle qui clive les opinions. Il était question de principes généraux, de mesures concrètes pour favoriser la scolarisation des enfants différents. Des bouquets de fleurs étaient distribués pour remercier des militants. Ségolène Royal, présidente de la Région, était absente mais son représentant, Patrick Larible est l’élu en charge de la question du handicap ; idem pour la représentante du maire socialiste de La Rochelle. A l’instar de la brochure diffusée à l’entrée, garnie de messages amicaux de toutes les instances politiques et académiques du cru, les discours de bienvenue étaient plutôt à l’ouverture.
Puis, lorsque Xavier Darcos et Dominique Bussereau sont arrivés, lorsqu’Anne Kerkhove est montée à la tribune, le congrès de parents engagés dans l’école est devenu un véritable meeting et l’impression d’une citadelle assiégée s’est imposée. Citadelle, parce qu’ici, on était entre soi. Le Ministre de l’Education était tout à son aise, devant un public partageant visiblement ses idées, à l’abri donc des contestations et des sifflets. Citadelle aussi car les valeurs exprimées semblaient d’un autre âge (mais a-t-il existé), celui où l’école était fermée, close, où tout se passait entre ses murs, sanctuaire respecté de tous, tenue d’une main d’acier dans des gants de velours par des instituteurs dévoués corps et âmes à la République. Aujourd’hui, pour Anne de Kerkhove comme pour Xavier Darcos, la route est tracée pour la réforme pour peu que les enseignants cessent de manipuler parents et enfants.
Dans la citadelle assiégée, l’impression était aussi au laisser aller. Les digues étaient ouvertes pour flirter avec le populisme. Les visions caricaturales n’ont pas manqué : le riche qui envoie son fils à Harvard tandis que le pauvre ne peut apprendre correctement l’anglais ; l’élève de lycée professionnel que personne ne défend car aucun prof n’enverrait son enfant dans ce type d’établissement, les jeux vidéos violents auxquels s’adonnent sans discernement les enfants, etc. Oubliées, les actions des associations locales, des collectivités territoriales pour organiser des voyages à l’étranger, des actions de soutien scolaire et toutes les initiatives pour l’éducation à l’image, non, dans la citadelle assiégée, en dehors de l’école et des familles, point de salut. Et qu’est ce qui est le plus gênant : que ces discours soient dits ou qu’ils soient applaudis debout par une salle entière ? Rien d’étonnant que le point d’orgue soit une note éminemment sécuritaire.
En sortant de l’Encan, j’ai humé l’air marin vivifiant, revigorant. Le dispositif policier était toujours là. Des pancartes gisaient, signe d’une manifestation dont les bruits nous sont parvenus par des rumeurs d’un autre âge.
Monique Royer