Par Virginie Mège
Au-delà des trois grandes catégories roman – poésie – théâtre, l’élève de collège doit distinguer les genres littéraires comme le merveilleux, le fantastique, le réalisme, l’épistolaire, le policier, la science-fiction, etc. Sachant que les élèves, de manière générale, lisent peu et possèdent par conséquent peu de références littéraires, la tâche semble a priori ardue pour les professeurs de français. Heureusement, films et séries peuvent servir de truchements à l’apprentissage des notions.
Classer pour mieux lire et écrire
La question des genres littéraires n’occupe pas seulement les théoriciens de la littérature ni les lycéens. Au collège, les élèves sont en effet préparés à identifier les genres. Qu’il s’agisse par exemple du genre merveilleux avec les contes en 6ème ou du genre fantastique en 4ème, cette notion de classement de la littérature se retrouve tout au long des cycles.
Les élèves sont donc souvent invités à réfléchir à partir d’une couverture de livre pour élaborer des hypothèses de lecture et imaginer le genre littéraire auquel appartient le récit, avant même d’en avoir découvert le contenu. Ils sont également amenés à étudier des incipits pour repérer, à partir de quelques éléments, le genre littéraire, et construire un horizon d’attente.
Les sujets de Brevet demandent d’ailleurs régulièrement aux candidats d’identifier et de justifier le genre littéraire du texte donné. Quant aux rédactions et « suites de textes », elles exigent forcément une identification préalable du genre pour ne pas s’en écarter. La distinction des différents genres littéraires participe donc pleinement aux apprentissages de lecture comme d’écriture, et les structure.
Des notions sources de débats…
Pourtant, distinguer les genres littéraires est loin d’être une tâche facile.
Prenons quelques exemples. Le mois dernier, des enseignants cherchaient à « réfléchir à une définition précise de la nouvelle à chute » sur Weblettres. S’agissant du genre épistolaire, qu’on enseigne aux élèves aujourd’hui, Françoise Besse en préface des Lettres choisies de Madame de Sévigné (édition Hachette de 1967) affirmait que « la lettre n’est pas un genre littéraire » et citait Gustave Lanson faisant remarquer qu’il était aussi stupide de dire « genre épistolaire » que « genre oral ». Quant au genre fantastique et à ses caractéristiques qui le distinguent du merveilleux, de nombreux théoriciens s’y perdent eux-mêmes. Sur le site Lefantastique.net, on y renonce d’ailleurs : « le fantastique est un genre quasiment indéfinissable ». Il serait finalement plus aisé de montrer « ce que le fantastique n’est pas. », d’autant que des termes anglophones tels que « fantasy, Héroic-fantasy, Dark fantasy etc » appliqués à des genres dits « fantastiques » mais qui ne le sont pas en réalité, viennent troubler les esprits.
Quand théoriciens et professionnels éprouvent des difficultés à s’entendre sur les frontières limitant chaque genre littéraire, on imagine à quel point cela sera compliqué pour des adolescents en apprentissage. Le projet est donc non seulement de leur donner des définitions précises reposant sur quelques repères stables mais aussi de les amener à s’interroger et à débattre entre eux pour mieux asseoir leur jugement.
On peut donc considérer avec les élèves, de façon synthétique et simplifiée, que le genre réaliste regroupe tout ce qui ressemble à la réalité, le genre merveilleux ce qui accepte l’extraordinaire comme admis, le genre de la science-fiction tout ce qui se passe dans le futur et le genre fantastique ce qui fait survenir, dans un cadre réaliste, un phénomène étrange non expliqué de façon rationnelle. Et ainsi de suite pour chaque genre littéraire.
Une fois que les genres ont été établis avec les élèves, il est alors intéressant de les confronter à la réalité des textes. C’est alors que le manque de références pose problème. Pour réfléchir et débattre, il faut en effet de la matière et par conséquent aller au-delà des quelques titres lus effectivement par des collégiens.
Genre littéraire de « Shrek », « NCIS », « Les Simpson », « Médium », etc
La particularité des genres littéraires est que, malgré leur nom, ils ne s’appliquent pas qu’à la littérature. Sachant que les élèves ont généralement une culture filmique beaucoup plus étendue, on peut donc s’en servir pour vérifier qu’ils sont capables d’identifier chaque genre et même de débattre quand il y a lieu.
En leur donnant par exemple une série de titres (ou bien des affiches) allant de La petite Sirène à NCIS en passant par Médium, les Simpson, Zorro, Kaamelott, Star Wars, etc, les élèves identifient le « genre littéraire » de chacun. Et ils disent « s’amuser en travaillant » lors de cet exercice d’application. Ils n’ont ainsi aucune peine à dire que Shrek relève du merveilleux alors que Zorro est du genre réaliste, etc.
Il est particulièrement intéressant de les entendre débattre entre eux. S’agissant des Simpson, les élèves sont ainsi capables de repérer le genre réaliste puisqu’il s’agit d’une famille américaine moyenne qui vit dans un cadre conforme à la réalité. Puis ils sont en mesure d’affiner leur jugement en expliquant que la série est en vérité une critique sociale. Pour finir, ils parviennent à nuancer leurs propos en argumentant correctement et selon les épisodes, tenant compte de l’apparition ou non de certains phénomènes.
De même, Harry Potter est matière à réflexion. Les élèves s’interrogent sur la frontière entre merveilleux et fantastique, étant donné que le monde empreint de magie, et donc merveilleux, existe parallèlement à un monde réaliste anglais.
Une méthode efficace
Bien entendu, certains pourront déplorer ce recours aux films Harry Potter plutôt qu’aux oeuvres de J K Rowling, comme à la série des Kaamelott plutôt qu’aux romans de Chrétien de Troyes, et même craindre une sorte de nivellement par le bas. N’oublions donc pas qu’il s’agit ici d’un moyen pour atteindre un objectif d’apprentissage de notions qui permettra ensuite de mieux lire et de mieux écrire.
D’autre part, le recours à l’univers personnel des élèves rend son implication meilleure. Certains viennent même à la fin du cours proposer d’autres titres et continuer ainsi spontanément l’exercice. L’acquisition des genres littéraires se fait donc avec facilité. Il prend aussi un sens nouveau et élargi. La notion de « genre littéraire » n’est plus restreinte mais accompagne bel et bien l’élève dans sa compréhension de son environnement quotidien.
Quelques sites pour approfondir la question…
au sujet des genres littéraires
notions-repères sur les genres littéraires
http://www.etudes-litteraires.com/genres-litteraires.php
étude approfondie des genres littéraires (Laurent Jenny – Université de Genève, 2003)
http://209.85.129.132/search?q=cache:UPV2nfILa4gJ:www.unig[…]
Définitions simplifiées des différents genres littéraires
http://209.85.129.132/search?q=cache:KxGMuq-x488J:emmalul[…]
réflexion sur une « définition précise de la nouvelle à chute »
http://www.weblettres.net/spip/article.php3?id_article=479
A propos du genre fantastique
site sur le genre fantastique
http://www.lefantastique.net/theorie/def_fan/def_fan.htm
résumé des notions abordées par Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique