Par Françoise Solliec
Prés de 4 000 lycéens sont désormais directement concernés au travers des quelque 140 actions du dispositif francilien Réussite pour tous, centré sur la lutte contre le décrochage scolaire. Pour la quatrième rencontre des acteurs, deux problématiques, Apports des TICE et Voyage d’études au Québec d’acteurs de terrain, ont été abordées, en complément de la présentation de quelques actions reflétant la diversité des préoccupations des établissements
En ce moment, Jean-Paul Huchon, le rappelle dans nombre de ses interventions, la situation de crise ne doit pas conduire à diminuer l’importance de l’éducation dans les priorités du conseil régional. La réduction du nombre de jeunes sortants du système scolaire sans qualification est toujours inscrite dans le schéma régional des formations, même si la proportion de ces jeunes n’est plus aujourd’hui que de 5,5% de la population scolaire, contre 9% en 2000. Dans cette lutte, le développement du numérique, une autre grande priorité de la région, marqué par la décision de généralisation des ENT, l’augmentation des équipements (1 ordinateur pour 3 élèves, déploiement de TNI et de clés USB), peut-il offrir des outils nouveaux et efficaces ? Si le monde devient plus difficile, on aura besoin plus que jamais de dispositifs visant à éradiquer le décrochage scolaire, affirme Jean-Paul Huchon.
Au nom des trois recteurs, Jean-Michel Blanquer, recteur de l’académie de Créteil, et la représentante du directeur régional de l’agriculture font valoir l’importance d’un tel dispositif, qui met l’accent sur l’accompagnement à l’innovation et la personnalisation des parcours des élèves.
Les TICE ont besoin de concepts et de fil directeur dans leur utilisation, affirme Daniel Andler, professeur de philosophie des sciences et de théorie de la connaissance à Paris 4, président du groupe Compas, mais ce sont des instruments d’une puissance impressionnante, qu’on pourrait comparer à une véritable prothèse cognitive. Permettant de s’affranchir des contraintes spatiales et temporelles, elles permettent de nouvelles formes d’apprentissage, centrées sur l’apprenant, et facilitent l’accès au savoir, le suivi, la collaboration, la création de communautés virtuelles. Mais les questions brûlantes de leur intégration dans le système scolaire et du changement d’échelle induit par la généralisation sont loin d’être résolues. Que sera l’école de demain, dans ses contenus, mais aussi dans sa gestion, si l’on s’affranchit des contraintes spatio-temporelles ? Il faut travailler à l’amélioration des systémes existants et réduire les ambivalences dont les TICE sont porteuses, afin qu’elles ne soient ni un instrument de survie des meilleurs, ni un facteur d’appauvrissement des pratiques.
Au travers des trois expériences d’utilisation de plates-formes présentées par le lycée Louise Michel de Bobigny (93), le CNA-CEFAG, centre de formation de jeunes en difficulté et le lycée Jean Monnet de Juvisy (91), ce sont bien les apports des TICE en termes de suivi des élèves, d’autonomie au travail et de dialogue avec d’autres acteurs (les familles, les entreprises notamment) qui ont été mises en valeur. La question de la généralisation a aussi été abondamment posée, au travers du rôle de l’administrateur ENT, par exemple, ou des besoins auxquels doit répondre l’ENT, ou encore de la cohérence des politiques d’équipement menées par le conseil régional et les conseils généraux.
Nous y reviendrons, plus en détail, au moins dans un prochain numéro du Café francilien.
La mission d’études au Québec sur le traitement du décrochage à laquelle ont notamment participé une douzaine de membres du dispositif de réussite éducative de la ville d’Aubervilliers (93), deux enseignants du pôle innovant lycéen de Paris et deux enseignants du micro-lycée de Sénart (77), ont fait valoir l’importance de cette question dans la province. Les participants français ont noté les liens étroits entre les écoles et les communautés environnantes, le travail partenarial des structures concernées et l’omniprésence des chercheurs qui permettent, non seulement une connaissance fine de la population, mais aussi de faire essaimer les bonnes pratiques et d’ajuster en permanence les actions menées. Le travail partenarial a aussi pour conséquence la réalité d’une possibilité de formation tout au long de la vie. C’est ainsi que dans certains centres se côtoient des adultes et des 16-18 ans, suivant des parcours de formation très individualisés, avec des temps en autonomie avec documents et des temps d’atelier coopératifs autour d’un objet scolaire.
Quelles peuvent être les retombées d’une telle mission ? Des projets ont pris corps que les enseignants pourront mener dans leurs structures expérimentales. En ce qui concerne plus globalement le système éducatif français, les participants notent que ces échanges pourraient nourrir la réflexion sur le métier d’enseignant, sur le renforcement des partenariats et sur l’intérêt d’aller chercher des ressources en dehors de l’école. Quant à renforcer les actions de recherche en France sur ces pratiques de lutte contre le décrochage scolaire, l’un des chercheurs présents dans la salle, chargé de conduire l’évaluation du dispositif Réussite pour tous, note que les commandes institutionnelles sont bien rares et que ces travaux ne sont pas vraiment valorisés dans les activités des chercheurs, mesurées à des aunes pus traditionnelles de publications à thématiques majoritairement disciplinaires.
Dans sa conclusion, Elisabeth Gourévitch, vice-présidente, rappelait l’objectif du conseil régional à aboutir, en partenariat avec l’éducation nationale si elle veut bien y travailler, à une école qui aide l’élève à construire son projet personnel et garantisse une élévation globale du niveau de formation, indépendamment des origines géographiques et sociales des élèves. Elle note l’importance du lien avec les familles, notamment celles des quartiers les plus défavorisés, « car ce sont elles qui expriment d’immenses attentes par rapport au service public d’éducation ».