Par Françoise Solliec
« L’orientation scolaire, mécanique d’exclusion ? » Selon Bruno Racine, le haut conseil de l’éducation a été interpelé par l’aspect déterministe des parcours des élèves français, dont l’affectation des élèves se fait très précocément et dans des filières fortement hiérarchisées. « La réussite ou l’échec des élèves sont jugés en fonction de leurs seuls résultats par rapport à des savoirs abstraits ». La mise en œuvre d’une évaluation liée aux compétences et aux potentialités des élèves repérées au travers des apprentissages du socle commun devrait permettre d’élargir la notion de réussite scolaire, fondée sur une gamme de compétences beaucoup plus vaste.
Pour son rapport annuel, présenté à la presse par son président Bruno Racine le 9 juillet, le Haut conseil de l’éducation, HCE, a choisi un thème qui tombe à pic, puisque l’orientation scolaire est la thématique de choix de l’éducation pour la présidence française de l’union européenne. En moins de 30 pages, alimentées par 5 études et de nombreuses auditions, le rapport « volontairement concentré et lisible par le plus grand nombre » établit une dizaine de constats et propose quatre pistes de travail prioritaires.
Chaque année en France, en fin de 3ème, de 2nde, de BEP ou de terminale, ce sont plus de 2 millions d’élèves qui sont concernés par un choix de poursuites d’études, d’entrée en apprentissage ou d’entrée dans la vie active. Or, dans tous les pays étudiés dans le rapport, « les élèves ont une connaissance limitée des débouchés professionnels et des métiers » et les prestations des services d’orientation sont inégales et dans l’ensemble peu satisfaisantes.
En matière d’orientation, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans le système éducatif, le parcours scolaire d’un élève peut être prédit avec quasi certitude dès la sortie du CP : 64% seront bacheliers, 20% auront un CAP ou BEP, 6% quitteront le sytème scolaire sans qualification. C’est le premier et le plus accablant des constats du rapport. La mise en application des évaluations des compétences du socle commun peut-elle suffire à enrayer la mécanique et à déhiérarchiser les filières d’enseignement ?
A noter aussi l’influence déterminante du milieu social, puisqu’à résultats scolaires identiques, « l’orientation varie en fonction de la profession des parents et de leurs diplômes ». Ainsi tous les enfants de cadre qui ont des résultats moyens en fin de 3ème demandent une affectation en 2nde GT, mais seulement 6 sur 10 des enfants d’ouvriers.
L’orientation en fin de 3ème engage les élèves de façon quasi-irréversible et le HCE constate qu’une « mauvaise orientation est difficile à rattrapper ». Pourtant, des décisions d’affectation peuvent contredire des choix des élèves. « L’élève orienté en lycée professionnel peut se voir affecté dans une spécialité qui ne l’intéresse pas ou être contraint de quitter son secteur géographique ». Plus même, « l’affectation peut laisser penser que l’enseignement professionnel n’est pas traité comme l’enseignement général et technologique ».
« L’orientation scolaire tend à fonctionner en circuit fermé ».
« Le système est fondé sur l’offre, pourtant parfois localement limitée » remarque Bruno Racine. « Cette offre est souvent décalée par rapport aux débouchés réels et les évolutions des plans de formation régionaux sont très lentes ». Dans le rapport, il est pointé que « l’enseignement professionnel de niveau CAP-BEP prédomine dans les régions où les classes populaires sont très représentées ». C’est là que le plus grand nombre d’élèves sortent sans qualification du système scolaire. Ce nombre est également élevé, selon le HCE pour des raisons totalement opposées (manque de filières professionnelles), dans des régions où « les milieux favorisés sont très représentés ». A l’inverse, dans les académies où la mixité des catégories sociales conduit à une palette plus complète de formations (générales, technologiques ou professionnelles) et de niveaux, le nombre de jeunes diplômés ou qualifiés est plus élevé.
L’Etat doit continuer à prendre ses responsabilités en matière d’information. Pourtant aujourd’hui, déclare Bruno Racine « c’est à un vériatble maquis d’institutions et d’organismes que les jeunes ont à faire ». Le HCE estime que les régions sont les opérateurs les mieux placés pour coordonner cette information actuellement dispensée par les CIO, les MGI, les CIDJ, les DRONISEP, etc. Il reviendrait à l’Etat d’assurer l’égalité d’accès à l’information sur le territoire, de définir « une politique d’orientation tout au long de la vie qui ne distinguerait plus orientation scolaire et orientation professionnelle » et de « donner l’exemple d’une réflexion et d’une action dépassant les clivages ministériels (avec le ministère de l’emploi, pae exemple) ».
La fonction de conseil en orientation est nécessaire dans l’établissement, mais il faut redéfinir le profil de ceux qui l’exercent. Selon le HCE, la nécessité de détenir une qualification professionnelle en psychologie n’est pas justifiée. Il faut définir un référentiel de compétences pour les nouveaux conseillers en orientation et les placer sous la responsabilbité du chef d’établissement. Les COP actuels travailleraient en établissement, tandis que les directeurs de CIO passeraient sous la tutelle des régions.
Les enseignants ont un rôle primordial à jouer dans les processus d’orientation scolaire. Le rapport propose qu’une « formation solide » soit offerte à tous et que l’on envisage « la création d’une mission de professeur référent s’inspirant de ce qui sepasse dans d’autres pays ». Ces professeurs référents seraient chargés de suivre un petit groupe d’élèves (pas les leurs) et de les « aider à construire leur projet d’orientation ».