Par Lucie Gillet
Des perturbations
passagères…
Les
conférences de Chantal Zaouche-Gaudron et de Daniel Mellier
traitaient chacune du développemnt de l’enfant, et plus
particulièrement de ce qui le parasite ou le perturbe, un
programme qu’il faut digérer alors avis à la
population.. Accrochez bien vos ceintures !
Le développement de
l’enfant corrélé à son milieu de vie :
Chantal Zaouche-Gaudron
étudie précisément le
développement de l’enfant en conditions de vie
défavorisées, elle précise au
début de son exposé qu’elle s’appuie
sur la pensée complexe d’Edgar Morin et le modèle
wallonien qui exclut le déterminisme. C’est un
modèle centré sur l’enfant sujet, acteur de son
développement, jamais isolé des autres personnes.
Elle fait aussi référence au modèle
éco-systémique de Bronfenbrenner en 1979 :
sphères systémiques autour de l’enfant
situé au centre (enfant, famille, voisinage,
école…).
Ouf,
il faudra qu’on tâche de s’en souvenir à la fin de
la conférence, parce qu’avec un titre aussi
réjouissant on se doute que ce n’est pas gagné de
positiver.
Daniel Mellier rappellera
quant à lui que les troubles du développement
sont des solutions adaptatives bio-psycho-sociales , c’est à
dire toujours le produit d’un milieu mais on pourrait les
atténuer si on croit en l’éducabilité.
Ouf
bis répétita
Un milieu de vie qui importe
dès les prémisses d’une vie :
Semer
le trouble :
Le propos de Daniel Mellier
consistant à cerner quels sont potentiellement les enfants
à risques de développement troublé, il
convient de d’abord définir les troubles : ceux-ci
s’expriment par des perturbations quasi normales qui deviennent
invalidantes par leur durée, leur intensité.
Ces perturbations normales,
ce sont les « crises » définies par
Wallon. Mais elles sont accentuées quand il y a retard
mental au point d’augmenter le retard et constituer des troubles du
développement. Des troubles peuvent émerger
à n’importe quel âge, pareillement des troubles
déjà formés peuvent continuer se
développer à n’importe quel âge. Les
troubles du développement n’ont donc pas une trajectoire
unique définie à l’avance selon une pathologie,
leurs risques de développement sont multifactoriels et
s’expriment en « vulnérabilité
». Un trouble précis est le reflet de
l’assimilation d’une étape particulière au regard
de la pathologie développée, toutefois il est
difficile d’établir des prédictions,
même si au regard de ce qu’on a pu observer dans diverses
situations, les prédictions que l’on établit
peuvent nous éclairer en terme de prévention.
En tout état de
cause, on constate que les troubles retentissent sur les
activités cognitives et les habiletés sociales.
L’impact du stress :
Il est des situations
génératrices de perturbations et de troubles du
développement ainsi les situations de traumatismes
collectifs : il est évident que les situations de guerre
génèrent par exemple un stress chez les femmes
enceintes, ce stress se répercutant en pathologies
particulières chez leurs jeunes enfants par la suite.
Suite à d’autres
traumatismes collectifs comme celui du 11-Septembre par
exemple on a pu constater à la fois une diminution du nombre
de naissances et une diminution du nombre de garçons parmi
ces naissances, ces observations se sont avérées
qu’elles soient effectuées à New York, lieu du
drame ou en Californie où la population n’a pas
vécu directement les événements mais
où elle a intériorisé
psychologiquement la menace de pareille façon. Le
traumatisme pour la société américaine
dans son ensemble a été tel qu’il a
généré plusieurs facteurs : une baisse
de l’activité sexuelle, une diminution de la
mobilité spermatique, une prédominance des
hormones maternelles et leur effet sélectif sur les
mâles. En fait on a observé qu’une
sélection naturelle de l’espèce
s’opérait d’elle-même en éliminant les
mâles les moins performants.
Les effets du traumatisme de
Tchernobyl ont pu être étudiés sur la
population finlandaise. En Finlande, la radioactivité
dégagée par l’événement
était trop faible pour générer
quelconque résidus, mais par contre
l’anxiété créée face
à cet événement a eu des
répercussions. Les femmes enceintes, dont on craignait des
dommages pour leurs grossesses, ont été prises en
charge dans un plan particulier. Finalement c’est ce plan de prise en
charge qui a généré une angoisse, du
stress. On observe que les femmes ayant été
soumises à ce plan au cours de leur deuxième
trimestre de grossesse ont eu des enfants avec risques de
dépression chronique majeure et des déficits de
l’attention avec hyperactivité.
L’impact du
vécu prénatal
Après l’heure,
c’est plus l’heure : on sait aujourd’hui que les apprentissages et la
plasticité du cerveau sont contraints dans le temps (il y a
des périodes critiques) et par la nature des
événements. On considère donc le
foetus et le nourrisson comme des « systèmes
ouverts », ils vivent des périodes sensibles
déterminantes pour leur avenir. Les trajectoires de
santé ou de vulnérabilité aux troubles
s’enracinent dans le prénatal.
En effet, comme l’ont
montré les exemples cités plus haut, des
perturbations importantes de la vie prénatale orientent vers
des issues pathologiques en étouffant l’expression
planifiée du phénotype sain. Une femme enceinte
en situation de stress produit des hormones particulières
qui soumettent à leur tour le foetus au stress. In utero le
stress subi par le foetus a une incidence sur la croissance
cérébrale, sur la prévalence de
malformations organogénétiques, sur le nombre
d’avortements spontanés si des anomalies chromosomiques se
sont produites, sur le développement psychomoteur et
émotionnel.
Enfin la
prématurité et la grande
prématurité sont elles aussi selon Daniel Mellier
des « événements de vie »,
c’est à dire qu’elles donnent à la naissance du
sujet une tonalité spécifique : d’une part
évidemment la prématurité en
éludant la grossesse d’une partie de son
déroulement influe sur le développement du
foetus, d’autre part, par le stress et l’angoisse qu’elle
génère sur les adultes en charge du
bébé nouveau-né, elle
génère également des risques de
vulnérabilité. On sait que les
premières semaines de vie sont décisives dans la
construction des premières relations affectives entretenues
avec l’entourage. Plus il naît tôt, plus les
capacités du nouveau-né à interagir
avec son entourage sont amoindries; plus l’entourage est soumis
à un état de stress lié au pronostic
vital et plus il lui est difficile de construire une relation affective
confiante en l’avenir.
Les conditions de vie
défavorisées :
L’impact de la
pauvreté :
On a vu avec Agnès
Florin le rôle du phénomène
d’attachement dans le développement socio-affectif, Chantal
Zaouche-Gaudron évoque les données qui
interfèrent sur le développement cognitif dans un
cadre de conditions de vie défavorisées : il y a
plus d’enfants désorganisés avec des
comportements perturbés, des difficultés
émotionnelles, relationnelles et cognitives.
Dans la suite de la
scolarité, on constate que les trajectoires sont
très différentes :presque la moitié
des enfants “pauvres” sont en retard en
6ème (contre 25% dans la population tout venant) et un quart
sort du système scolaire précocement (contre 1
sur 10 dans la population générale). Les familles
en situation de précarité cumulent les
difficultés et font des projets moins ambitieux pour leurs
enfants.
Néanmoins, Chantal
Zaouche-Gaudron nous alerte encore, dès fois que nous
céderions à la tentation : ne pas confondre
agressivité et violence –
précarité et délinquance. Il n’y a pas
de déterminisme.
NB : On retrouve ici la
préoccupation de Françoise Carraud à
définir les gestes éducatifs quotidiens,
même si ceux-ci sont éloignés de nos
pratiques, ils n’en sont pas moins rationnels et obéissent
à leur propre logiques, ce n’est pas parce que les parents
des milieux populaires n’agissent pas comme nous, qu’ils
n’éduquent pas leurs enfants.
Une seule solution… La
prévention ?
Chantal Zaouche-Gaudron
préconise de veiller à « garantir des
conditions de vie décentes » et
à traiter la globalité des problèmes,
agir dans tous les domaines de la vie simultanément, que ce
soit l’emploi, le logement, la santé ou le mode de garde des
jeunes enfants, suivant en cela les recommandations de la
conférence de La Haye. Selon elle, il est urgent de se
mobiliser pour éviter la désinsertion sociale, le
délitement des liens, l’exclusion.
Plus pragmatique, Daniel
Mellier remarque que l’écueil auquel on se heurte
aujourd’hui est l’effet de prédiction, en effet comme les
informations issues de la recherche sont connues, quand il y a lieu,
les réseaux de périnatalité, les lieux
de vie de la petite enfance s’impliquent dans les dispositifs de
prévention et peuvent eux-mêmes
générer une situation de stress ….fauteur de
troubles dans le développement du jeune enfant.
Sur le web,
sur le site de l’OZP la
retranscription d’une conférence de Chantal Zaouche-Gaudron
: « les effets scolaires de la grande pauvreté
»:
http://www.association-ozp.net/article.php3?id_article=4957