Par Françoise Solliec
Rencontrer des personnes âgées et partager avec elles de nombreuses activités (lecture, écriture, arts plastiques, EPS, …) en découvrant ainsi les richesses de vies menées en d’autre temps, la fragilité de ces personnes et le respect dû à l’autre, telle est l’aventure que vivent, depuis bientôt dix ans, des élèves d’écoles et établissements ZEP du 20ème arrondissement de Paris.
Un projet fédérateur pour les apprentissages
Initié en 1999 avec un partenariat entre une classe de l’école Mouraud et une maison de retraite, le projet concerne aujourd’hui 3000 élèves, répartis dans 80 classes d’écoles maternelles et élémentaires de la circonscription 20C, plus particulièrement dans le REP20 et 10 classes des collèges Lucie Faure et Jean Perrin du REP20. Il fait intervenir des élèves de structures spécifiques telles les CLIS ou la classe de FLER et est coordonné, au niveau de l’éducation nationale, par Carole Gadet, coordonnatrice du REP 20, venue à Rennes présenter le projet au 1er Forum des enseignants innovants.
Un grand nombre de retraités participent au projet : associations de retraités, retraités du 20ème, maisons de retraite du 20ème, clubs du troisième âge du 20ème, café social, café du troisième âge, résistants, déportés… Mais bien d’autres associations sont partie prenante et des pistes peuvent être proposées à d’autres collègues pour mener à bien des projets intergénérationnels.
Le projet reçoit un fort soutien institutionnel, de l’IEN de la Circonscription 20C, de la principale du collège Jean Perrin, responsable du REP20, de la Mairie de Paris et de la Mairie du 20ème, ainsi que du CAREP, de la délégation aux arts et à la culture et de la cellule innovalo du Rectorat de Paris. Il a fait l’objet de nombreuses communications, dans la presse et à la télévision et s’est trouvé récemment décrit sur le site du CNDP, dans la rubrique VEI.
Dès l’origine, l’objectif principal a été d’établir un lien qui permette aux élèves de découvrir des valeurs humanistes et favorise les apprentissages, notamment la maîtrise de la langue, la construction de son identité et la structuration du temps.
Le programme annuel s’articule autour de neuf séances de deux heures et demie à la maison de retraite, complétées par une rencontre à l’école et une sortie en extérieur. A chaque séance, tous les élèves sont répartis en groupe (deux enfants et une personne âgée) et participent à deux ateliers disciplinaires qui permettent d’aborder de nombreuses thématiques (fiches identitaires pour faire connaissance, témoignages des personnes âgées, comparaison entre la vie hier et aujourd’hui, travaux manuels et artistiques, lectures de textes rédigés en classe, jardinage et étude de plantes, etc.) Un moment convivial (goûter, chansons, échange d’anecdotes…), essentiel pour la qualité des échanges, clôt chaque séance.
Le projet fait aussi une large place à des travaux (littérature, théâtre) autour de l’histoire et de la mémoire, en partenariat notamment avec le mémorial de la Shoah et le mémorial de Caen.
Chacun des ateliers a été préparé en amont, en dehors de la classe avec les professeurs, les intervenants, la coordonnatrice du REP20, l’IEN, et en classe avec les élèves. De retour à l’école, des activités pluridisciplinaires sont mises en place pour exploiter et prolonger le travail effectué en ateliers. Un travail continu sur l’expression orale et écrite répond à un vrai besoin d’expression, de communication et d’échange. Des fiches action illustrant la progression des séances ont été réalisées et sont consultables sur le site du CNDP.
En cycle 2, le projet intergénérationnel a pour objectifs de faciliter notamment la maîtrise de la langue et des apprentissages (poursuivre une correspondance, lire, conter, …) la vie ensemble (se situer dans son quartier grâce à des rencontres avec des personnes âgées du quartier, une étude du patrimoine, …), la découverte du monde, l’éducation artistique, etc.
En cycle 3, les principaux objectifs portent sur la littérature (écrire et raconter des histoires en liaison avec la découverte des personnes âgées en clubs ou maisons de retraite), l’histoire (construction de son identité, construction d’une frise chronologique), l’éducation civique, les arts visuels (dessins et productions artistiques sur le thème de l’intergénération), l’éducation musicale, l’éducation physique et sportive (danse, gymnastique douce), etc.
Au collège, il s’agit d’utiliser ces contacts intergénérationnels en français (description, narration, correspondance, documentation, …), en histoire (grands repères, étude d’une époque, intégration de témoignages et de documents, …) en éducation civique (valeurs, respect de l’autre, …) et en TICE.
Les deux dernières séances sont l’occasion de valoriser le travail effectué. Une grande sortie est organisée avec les personnes âgées : promenade en bateau mouche, visite de musée… ; puis à l’école, les élèves accueillent les anciens et leur font visiter l’exposition des travaux effectués au cours du projet (photos, écrits produits, peintures, sculptures, livres) avant de les inviter à un grand goûter.
Ainsi que l’explique Carole Gadet, dans sa présentation du projet, « En participant à des ateliers pédagogiques en maison de retraite, les élèves réinvestissent et consolident les acquis disciplinaires de l’école. Ils construisent, grâce aux anciens à qui l’on a redonné la parole et leur rôle de citoyen, une partie de leur identité historique et sociale et retrouvent auprès d’eux les notions de respect et de tolérance, quelquefois oubliées ». Les personnes âgées y retrouvent un rôle social, se sentent valorisées par l’utilisation de leurs récits et de leurs souvenirs et partagent ensuite entre elles ces moments d’activité.
Ceux qui seraient intéressés à aller plus loin ou à s’engager dans un tel projet, trouveront également sur le site du CNDP une bibliographie sélective, un entretien plus complet avec Carole Gadet et quelques témoignages d’élèves et de personnes âgées sur les apports de ces rencontres.