F. Jarraud
« Une autre école est-elle en train d’émerger ? » interroge Rui Canario dans le dernier numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Tout ce numéro tourne autour d’une question qui mérite qu’on s’y arrête : assiste-on partout à la définition d’une nouvelle école ? En lien avec la mondialisation, un modèle unique, globalisé, d’éducation va-t-il remplacer les systèmes éducatifs nationaux comme semble le craindre B. Charlot ?
Pour Rui Canario, ce qui définit cette autre école, c’est « une remise en cause plus large de l’Etat éducateur… L’Ecole, face au recul de la centralité de l’Etat-nation, vit un processus de déclin institutionnel ». Il s’accompagne de « l’intensification du contrôle professionnel des enseignants » et d’une défection des classes moyennes envers l’Ecole. Si l’on observe la situation française, effectivement, on voit l’Etat renforcer les compétences éducatives des collectivités locales, leur transférer des personnels et amorcer une « professionnalisation » des enseignants qu peut être perçue comme une remise en cause.
Mais peut-on vraiment parler d’une autre école ? D’abord comme le souligne B. Charlot, « le cœur de l’Ecole est l’acte pédagogique…or sur ce point l’Ecole n’a guère changé ». Ni l’organisation de l’ecole (la classe, l’émiettement horaire et disciplinaire) , ni les actes pédagogiques n’ont sensiblement changés, reléguant l’Autre école sur un terrain organisationnel. Or, si la montée des pouvoirs locaux est un fait majeur en France, c’est loin d’être un phénomène nouveau dans la plupart des pays d’Europe. Est-il utile de rappeler que les systèmes éducatifs britannique, allemand, italien, par exemple, sont largement et traditionnellement décentralisés. Sur ce point, la France et le Portugal ont fait figure d’exception. L’Autre école se réduit ainsi en peau de chagrin à un attachement à la tradition de l’Etat centralisé supposé être un outil d’égalité.
Alors faut-il craindre l’autonomie des établissements ? Pour Nathalie Mons, dans Les nouvelles politiques éducatives, « il ne faut pas être pour ou contre la décentralisation mais plutôt se poser la question suivante : quelles compétences doivent être transférées à quels acteurs, dans quelles conditions ? » N. Mons montre que si, dans certains cas, la décentralisation politique peut être positive, le rôle de l’Etat central reste cependant crucial, mais ce rôle se renouvelle, il intervient davantage dans la conception, le guidage, l’évaluation du système que dans sa gestion directe.
Plus que l’autonomie c’est finalement la question des modes de régulation qui est encore à l’étude. L’Ecole peut-elle accepter de voir ses résultats évalués en externe ? Pire encore peut –elle accepter qu’ils soient publics ? La mobilisation contre la publication en ligne des résultats des évaluations du primaire, explique peut-être que l’école ouverte sur sa communauté soit encore en France l’autre école.
Revue internationale d’éducation de Sèvres, n°46.
Le sommaire
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Sur le Café , N. Mons
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