Par François Jarraud
Il aura fallu des semaines de manifestations et de blocages pour que le gouvernement donne aux étudiants leur chance. En effet, si elle est appliquée, la réforme de la licence change la perspective pour des milliers de lycéens.
L’Université tente de s’adapter aux étudiants
C’est une réforme d’envergure qui a été présentée en conseil des ministres le 13 décembre. Le « Plan licence » prévoit une refonte complète des trois premières années en université. Il marque une rupture puisqu’il demande aux universités, pour lutter contre l’échec, d’adapter leur cursus aux difficultés des étudiants.
Les horaires d’enseignement seront augmentés : cinq heures seront ajoutées au cursus actuel sous forme de monitorat, de tutorat ou d’enseignement. La première année de licence sera, dès la rentrée 2008, pluridisciplinaire de façon à faciliter la réorientation des étudiants. Elle comportera obligatoirement au moins deux heures d’anglais, une heure d’informatique, des heures de méthodologie. 80% des cours auront lieu en classes et 20% seulement en amphithéâtre. Enfin les étudiants bénéficieront d’un « enseignant référant ». La spécialisation ne commencera qu’en seconde année. L’année de licence, l’étudiant devra effectuer un stage d’au moins 3 mois.
La réforme touche également les BTS et les IUT qui verront leur budget dépendre de leur capacité à accueillir des bacheliers technologiques et professionnels :s’ils dépassent 32% de l’effectif, l’établissement bénéficiera d’une subvention supplémentaire. Les bacheliers technologiques et professionnels titulaires d’une mention bien continueront à bénéficier d’une priorité.
Pour assurer cette réforme, le gouvernement a prévu d’y consacrer 730 millions sur 5 ans. Cette somme, si elle est débloquée, permettra de faire de « l’orientation active » une véritable procédure d’orientation et non plus de simple sélection.
L’Unef accueille favorablement la réforme : elle estime que « plus de la moitié de (ses) revendications ont été reprises ». Le Sgen parle « d’orientation positive ». Mais ces organisations demandent au gouvernement d’embaucher les personnels nécessaires à la réforme.
Communiqué gouvernemental
http://www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers/enseignemen[…]
Sgen
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1534.html
Unef
http://www.unef.fr/delia-CMS/une/article_id-2231/t[…]
Les organisations lycéennes satisfaites
A l’issue d’une rencontre avec X. Darcos et Mme Pécresse, l’Unl et la Fidl se déclarent satisfaites. « La FIDL a obtenue que les lycéens participent à la rédaction d’une circulaire qui garantira qu’il n’y aura pas de sélection à l’entrée de l’université en encadrant le dispositif de préinscription » communique la Fidl, en « oubliant » la participation de l’Unl qui le lui rend bien. « Nous avons obtenu des garanties non-négligeables sur le contenu du texte réglementaire concernant l’application de « l’orientation active » : il sera rappelé systématiquement à tous les lycéens leurs droits. Partant du principe que le Bac est le premier diplôme universitaire tout bachelier a le droit de s’inscrire dans la filière de son choix. En aucun cas « l’orientation active » ne pourra être utilisée comme outil de sélection et encore moins d’auto sélection. Il sera rappelé à tous les lycéens que l’avis donné par l’Université n’a pas d’autre valeur que celle d’un conseil ».
D’autres promesses auraient été faites à l’UNL « Un travail interministériel chargé de mener une concertation sur le service public d’orientation est engagé, l’UNL tient à y participer afin de réduire le fossé qui s’est constitué entre le secondaire et le supérieur. Il s’agira notamment de mettre en cohérence la méthodologie du Bac en année de Terminale et les attentes de la première année de licence pour amener tous les étudiants à la réussite ».
Ces deux déclarations sont-elles susceptibles de mettre fin au mouvement lycéen ? C’est probablement le cas, quelque soit la portée réelle des engagements pris par les ministres, pour les lycéens des filières générales et technologiques. La question des bacs pros reste pendante.
Communiqué Fidl
Communiqué Unl
http://www.unl-fr.org/actu_view.php?id=249
Sur le Café : orientation active ou sélection sociale ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/19032007_ArticleOri[…]
Rappel : Pourquoi l’Unef demandait-t-elle l’abrogation de « l’orientation active » ?
Les responsables du principal syndicat étudiant, l’Unef, ont rencontré la ministre de l’enseignement supérieure le 15 novembre. Ils ont décidé « d’amplifier la mobilisation dans toutes les universités ». Leurs revendications concernent directement la procédure d’orientation active mise en place en terminale. « A travers l’orientation active », écrit l’Unef, « les étudiants craignent une procédure brutale de régulation des flux ».
Elle part pourtant de bonnes intentions « l’orientation active ». Le dispositif, testé l’année dernière, prétend luter contre l’échec en université en guidant les lycéens pour leur choix d’étude et ensuivant le nouvel étudiant. Officiellement il s’agit de réduire le taux d’échec. Il faut savoir que chaque année 80 000 étudiants quittent le supérieur sans diplôme. Seulement 39% des bacheliers technologiques obtiennent le Deug. Un taux qui descend à 17% pour les bacheliers professionnels…
Mais le dispositif répond-il aux facteurs d’échec ? Il le pourrait s’il suivait personnellement chaque nouvel étudiant. Or si le conseil de classe du lycée va émettre un avis réellement personnel, les universités n’ont pas les moyens humains qui leur permettraient un réel suivi des étudiants. Dès lors, il est clair que la décision d’orientation est prise de façon mécanique.
Surtout, la logique qui sous-tend la procédure est celle de la sélection. A l’étudiant qui a du mal à suivre, il n’est pas prévu d’apporter une aide spécifique. Selon la morale officielle de la responsabilisation, il doit ou réussir dès les premiers mois ou dégager. L’orientation active autorise l’exclusion à la moitié de la première année.. La procédure, qui se limite à l’éjection automatique, ne constitue évidemment pas une réponse digne d’un état démocratique aux difficultés d’une partie de sa jeunesse.
L’orientation active méconnaît les causes d’échec des bacheliers technologiques et professionnels dans le supérieur. Elle ignore qu’un étudiant sur dix arrête ses études pour des raisons économiques. Un taux moyen qui doit être trois ou quatre fois supérieur pour ces bacheliers largement issus des milieux défavorisés. Reste quand même 30 ou 40% d’échec nous dira-t-on. Sont-ils dus, comme le prétend le ministère, à un manque d’information des étudiants ? Il semble bien qu’en fait les bacheliers technologiques et professionnels souffrent plutôt d’un manque d’accès aux filières courtes (BTS et IUT) où ils sont en concurrence avec les lycéens généraux. Ils arrivent en université parce qu’ils n’y ont pas trouvé place. Et ils ne pourraient y entrer que si le gouvernement acceptait d’y augmenter de façon sensible le nombre de places. On sait qu’au contraire il supprime 11 000 emplois dans le secondaire…
C’est sans doute ce raisonnement-là qu’a suivi l’Unef quand elle demande un autre budget. Une demande qui rapproche maintenant le mouvement étudiant de celui des enseignants.
Communiqué Unef