Par Françoise Solliec
Alors que le métier d’enseignant est l’objet des attentions de la Commission Pochard, le jeudi 22 novembre, le Salon de l’éducation organisait sur ce thème une table ronde avec deux experts, Roger-François Gauthier, inspecteur général, et Vincent Troger, historien de l’éducation (IUFM de Nantes) et trois représentants d’organisations syndicales, Gérard Aschieri (FSU), Luc Bérille (SE-UNSA), Thierry Cadart (Sgen-CFDT).
Pour Roger-François Gauthier, les nombreuses réflexions sur le métier d’enseignant ont été trop souvent menées en termes « de cahier des charges », débouchant généralement sur des prescriptions, sans que l’on se préoccupe de notions fondamentales, telles celle du savoir. Quels savoirs les enseignants transmettent-ils aux élèves ? Quelle utilisation font-ils du leur ? Aussi bien des enquêtes internationales comme Pisa que des comparaisons entre systèmes éducatifs (voir par exemple l’analyse comparative des systèmes français et américains à laquelle se livre Denis Meuret dans son ouvrage Gouverner l’Ecole), montrent des élèves français plus inhibés, craignant de se tromper dans leurs réponses. Les enseignants paraissent trop attachés au respect du programme, trop façonnés par un cadre disciplinaire et jouant sans doute un rôle insuffisant dans leur établissement.
Vincent Troger rappelle les évolutions spectaculaires de ces 50 dernières années : 4,8% de bacheliers dans une classe d’âge en 1950, 33% de bacheliers généraux aujourd’hui, avec une représentation des couches sociales beaucoup plus diversifiée. En 1950, les enseignants n’avaient pas besoin d’être des pédagogues ni d’adapter leurs méthodes, il suffisait de suivre les évolutions des programmes qui reflétaient celles des enseignements universitaires. En 1975, à la création du collège unique, c’est ce même modèle, fondé sur le respect des connaissances disciplinaires, qui a été adopté tant pour les programmes d’enseignement que pour la formation des enseignants, alors que d’autres choix auraient pu être effectués. Du coup, si la sélection disparaît à l’entrée du collège, les enseignantsla font revenir à la fin de la 5ème et installatent le redoublement.
Aujourd’hui, si l’ascenseur social est en panne, ce n’est certes pas la faute de l’Ecole, car ce n’est pas elle qui est responsable de la mobilité sociale, mais la structure de l’emploi, désormais stable en terme de proportion de cadres ou de cadres intermédiaires.
La commission sur le métier d’enseignant présidée par Marcel Pochard vient de terminer ses auditions, consultables en video sur le site du ministère. Qu’ont pensé les organisations syndicales des questions posées ?
Pour Gérard Aschieri, les enseignants ont dû s’adapter à de nouvelles catégories d’élèves, le métier n’a cessé d’évoluer, il est en tension. Mais il n’est pas sûr que la commission Pochard soit particulièrement intéressée par cet aspect, ni que ses travaux aboutiront à un diagnostic partagé. Il regrette qu’elle se soit davantage préoccupée d’évaluation de l’établissement et de fonctionnement de l’institution que du métier lui-même et notamment du rapport aux élèves. « On ne nous parlait pas des conditions d’exercice, mais de conditions de gestion ».
Luc Berille rejoint cette interrogation sur les résultats de ces auditions et souligne que des réponses sont déjà données par le budget, alors que les questions n’ont pas fini d’être énoncées. Il estime cependant que la commission a adapté ses questions à ses interlocuteurs et qu’elle cherchait probablement à tester quelques orientations.
Pour Thierry Cadart, qui regrette que la notion de métier d’enseignant soit souvent accompagnée d’images conscientes ou inconscientes référant au sacerdoce ou à la vocation qui en diminuent le professionnalisme, il faut saisir cette occasion des auditions par la commission pour exprimer quelques questions fortes, par exemple celle du travail collectif et de son évolution ou celle du déroulé de la carrière, qu’il ne faudrait pas restreindre à la seule période de fin.
Sur la nécessaire réflexion à propos du temps de service, la souffrance des enseignants, les compétences conférées par l’exercice du métier, les trois organisations syndicales expriment des préoccupations similaires. Elles se rejoignent aussi sur une vision d’un même métier, mais de conditions d’exercice différentes, pour les enseignants du premier et du second degré.