Par François Jarraud
Après des attaques insidieuses sur la filière ES, Xavier Darcos a annoncé son intention de rééquilibrer les filières et de réformer l’organisation du bac. S’agit-il de réfléchir à un nouveau bac ou, une nouvelle fois, à grappiller quelques euros et à satisfaire un électorat prompt à taper sur les profs « fainéants » ?
« L’année scolaire commence au début du mois de septembre et devrait se terminer à la fin du mois de juin. Or, dans les lycées et parfois même dans certaines cités scolaires où se déroulent des épreuves du baccalauréat, ce temps scolaire n’est pas respecté et les conseils de classe, qui scellent l’avenir des élèves, se tiennent bien souvent à la fin du mois de mai. Cette situation entraîne, pour les lycéens, la perte d’un mois de scolarité par an ». Xavier Darcos entend y remédier pour que les élèves aient tous la même durée d’enseignement et pour aider les enseignants à finir les programmes…
Comment faire ? Il entend jouer sur deux leviers. D’abord trouver de nouveaux locaux pour le bac, » le but étant de conserver les locaux (scolaires) pour accueillir les classes qui ont encore cours ». Ensuite « employer de la manière la plus efficace les équipes d’enseignants afin qu’elles restent disponibles pour dispenser les cours aux lycéens qui ne passent pas d’examen ». X. Darcos annonce qu’il expérimentera ces mesures dès cette année dans 5 académies (Rouen, Amiens, Dijon, Besançon et le département du Vaucluse). On ne sait pas si le calendrier des examens sera modifié dans ces académies.
L’intention est louable et répond à la demande de parents qui ne savent pas quoi faire de leurs enfants en juin. Mais elle risque de compliquer sérieusement l’organisation du baccalauréat et de nuire à la sérénité des épreuves. Ce n’est pas par hasard que les épreuves ont lieu dans les établissements scolaires. L’examen nécessite des locaux calmes, éclairés et ventilés, du mobilier scolaire, la présence d’un secrétariat efficace et bien installé, une liaison Internet…
Alors pourquoi prendre ce risque ? C’est que cette réorganisation n’est pas sans rapport avec la redéfinition du métier d’enseignant et les recommandations de l’audit sur le lycée et du « rapport sur les décharges statutaires des enseignants du second degré ». Tous deux demandent l’allongement des services (jusqu’à 36 semaines de cours) de façon à maintenir un certain volume horaire de cours dans un lycée où les horaires hebdomadaires seraient nettement amputés. Moins d’heures hebdomadaires, permettant d’avoir moins d’enseignants, mais un nombre de semaines plus important peuvent assurer un bagage minimum aux lycéens tout en réduisant sensiblement le budget. Un autre axe était envisagé par les audits : la réduction du nombre d’épreuves finales à l’examen de façon à en simplifier et écourter le déroulement, la plupart des disciplines se passant en contrôle continu.
Cette expérimentation préfigure donc peut-être les décisions de la Commission sur le métier d’enseignant. On y surveillera d’éventuelles adaptations du calendrier d’examen et du type d’épreuves.
Communiqué Darcos
http://www.education.gouv.fr/cid5633/baccalaureat-2008-experimentation-d-une-nouv[…]
Dansle Café : L’audit sur les lycées
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/index181006_LesystemeDeuxaud[…]
Dansle Café : rapport sur les décharges
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/r2006_gen9.aspx
Réforme du bac : les réponses des syndicats et associations
Le ministre ne doit pas décider seul, il doit négocier. C’est la réponse qui revient le plus souvent dans les réactions aux propos de X. Darcos qui envisageait une réforme des filières d’enseignement général et du bac (voir L’Expresso du 14 septembre). Ainsi le Sgen Cfdt estime que « au lieu de multiplier des annonces qui génèrent des rumeurs et des inquiétudes contraires à tout débat constructif, le Ministre ferait mieux d’engager avec la communauté éducative les discussions sur les évolutions nécessaires ». Le Sgen demande une concertation sur l’ensemble des bacs. La FIDL, un syndicat lycéen, demande la consultation des « premiers intéressés :les lycéens ».
L’Afef, qui regroupe des professeurs de français, rappelle qu’elle avait proposé un tronc commun aux filières mais demande également la concertation. Dans Libération, Sylvain David, président de l’Apses (association de professeurs de SES) craint au final « une réduction de l’offre de formation ». Celle-ci risque d’être nécessaire pour boucler le budget dès 2008.
Communiqué Sgen
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1464.html
Communiqué AFef
http://www.afef.org/blog/index.php?2007/09/14/152-vers-une-reforme[…]
Communiqué Afef du 24 mai
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/24052007Accueil.aspx
Article Apses
http://www.liberation.fr/actualite/societe/278446.FR.php
La proposition Darcos (L’Expresso du 14/9)
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2007/09/14092007Accueil.aspx
Bac ou bac pro : les pistes brouillées du débat
L’heure de la rentrée a à peine sonné que l’horizon des choix d’orientations se brouille. Bac unique, réforme de l’enseignement professionnel, à quel avenir éducatif sont voués nos enfants ? Pour les parents, le choix d’une orientation se résume à l’équation suivante : choisir la meilleure voie possible de réussite en fonction des capacités de son enfant, de ses vœux de métier et des débouchés. Et fréquemment, elle aboutit au lycée d’enseignement général. Les représentations liées à l’enseignement professionnel ferment bien souvent les portes du Bep puis du Bac Pro. On le pense réservé aux élèves en difficultés, formant à des métiers pénibles, peu rémunérateurs et faiblement épanouissants.
En 1971, Pascal Lainé dans « l’irrévolution » racontait le dialogue impossible entre un enseignant issu de la jeunesse intellectuelle et ses élèves chaudronniers, masse silencieuse que l’on destinait à alimenter le système productif. Est on loin aujourd’hui de ces représentations ? Malgré les alarmes et parfois les campagnes promotionnelles de branches professionnelles, comme celle du bâtiment, des emplois en souffrance rencontrent peu de vocations.
Du côté gouvernemental, on nous propose d’une part de revoir le système du bac général et de réformer dans un même temps l’enseignement professionnel en gommant des formations rares et coûteuses. La spécialisation reviendrait aux entreprises. En reliant ainsi les débats : l’avenir du bac, la carte de l’enseignement professionnel et le lien entre éducation et emploi, on perçoit mieux l’enjeu des réformes. En morcelant les débats, effet de la communication par à coups du gouvernement, on risque de brouiller encore plus l’objectif final pour le pays : participer de façon efficace à l’économie de la connaissance, telle que définie par le conseil européen de Lisbonne, et résorber les difficultés de l’emploi.
L’éducation et la formation tout au long de la vie est un enjeu fort pour l’Europe. Elle permet aussi de ne plus considérer la période scolaire comme l’unique moment d’acquisition des savoirs. Après l’école, on continue à apprendre, et cette belle idée rend moins irrémédiable la sanction des diplômes et de l’orientation. Oui, mais … cela nécessite une vision globale du système d’éducation, de formation et d’emploi. Les partenaires sont multiples : acteurs de la vie éducative et économique (enseignants, parents, entreprises, universités), financeurs du système de formation (état, conseils régionaux, organismes collecteurs), décideurs (législateurs, branches professionnelles). Une réforme du système du bac ne saurait faire l’économie du dialogue entre les acteurs sous peine de développer deux systèmes parallèles. Dans ce cas, le bac général resterait la voie de la réussite avec une sélection plus forte par l’orientation active. Il bénéficierait d’un cadre national, garant d’un contenu et d’une qualité identiques partout sur le territoire. Le bac professionnel lui, ne serait qu’un sas d’entrée dans le monde du travail, un socle minimal avant que la formation continue ne vienne achever la professionnalisation des élèves. Aucune garantie d’égalité ne pourrait être donnée sur la qualité des apprentissages puisqu’elle dépendrait à la fois de la volonté des entreprises, de leurs moyens, voire de leur taille et de la politique des branches professionnelles et des conseils régionaux, maîtres d’œuvre en la matière.
Le choix de l’orientation sera encore un casse tête pour les parents de collégiens. Bousculer les représentations dans une vision globale du système, voilà ce que l’on pourrait espérer pour nous éclairer. Et pour que les yeux de nos décideurs se décollent des colonnes de chiffres du budget, pourquoi ne pas leur conseiller la lecture de « l’irrévolution ». Puisque le bac L est à nouveau tendance !
Monique Royer
Editorial du 14 septembre
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2007/09/1409200[…]
Orientation active ou sélection sociale ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/19032007_Art[…]
La réforme de l’enseignement professionnel
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2007/85_Prof[…]
L’irrévolution, article (en ébauche) de Wikipédia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Lain%C3%A9
Dossier « enseignement professionnel » de l’Inrp
http://www.inrp.fr/vst/Dossiers/Ens_Professionnel/partie9.pdf
Notamment « les élèves de l’enseignement professionnel »
http://www.inrp.fr/vst/Dossiers/Ens_Professionnel/partie9.pdf
La politique éducative européenne
http://europa.eu/scadplus/leg/fr/cha/c11054.htm
Le Snes opposé au tronc commun en lycée
« En proposant un menu identique pour tous, avec une liberté relative sur les desserts, le ministre ferait le choix de détruire tout le travail mené depuis des années sur les programmes des disciplines générales conduisant à construire suivant les séries des approches différentes de concepts et de compétences communes ». Le syndicat craint également que la disparition des filières nuise à la démocratisation. « La question centrale qui est éludée est bien celle des publics que l’on veut scolariser dans la voie générale. Le ministre aurait-il en fait choisi d’en restreindre l’accès et d’en renforcer les dérives ségrégatives ? »
Communiqué