Par Carole Prompsy
La philosophie peut-elle faire bon ménage avec les TICE ? Oui si on en juge les exemples mis en ligne sur les sites académiques comme celui d’Amiens. Pourtant les Tice ont bien du mal à gagner la classe… Carole Prompsy analyse ici les résultats d’une enquête académique.
Nous avons reçu 52 réponses pour 160 enseignants en exercice dans l’académie, ce qui est peu (mais un problème technique de questionnaire en ligne a sans doute fait perdre au moins une dizaine de réponses). On peut sans doute déjà en déduire que les enseignants de philosophie de l’académie ne se sentent pas fortement concernés par l’usage des TICE.
I- Utilisation en dehors de la classe
I- 1. Logiciels
La grande majorité des enseignants (47, soit 90,4 %) utilise des logiciels pour préparer ses cours ou évaluer ses élèves : seuls 5 (9,6 %) affirment n’en utiliser aucun, en invoquant comme raison essentielle qu’ils ne les jugent pas utiles (4).
Les logiciels les plus utilisés sont bien sûr d’abord (43) le traitement de texte à égalité avec le logiciel de saisie de notes et bulletins scolaires qui est imposé par l’académie, puis la navigation Internet (37), puis la messagerie (30), enfin le téléchargement de fichiers (23). Les enseignants de philosophie semblent donc familiarisés avec les TICE dans leurs fonctions les plus élémentaires et générales.
Vient ensuite une utilisation fort modeste des logiciels de feuille de calcul ou bases de données (9), sans doute parce que le logiciel de saisie des notes imposé par l’académie calcule par lui-même les moyennes, de traitement d’images ou de vidéos (8), de gravures de cédéroms et de DVD (7) ou de cahier de texte (6).
Sont en revanche très peu utilisés les logiciels d’élaboration de QCM (1), d’édition de site web ou de blog (3) et de diaporama (3), ce qui montre que les enseignants de philosophie utilisent peu les TICE avec leurs élèves, ce qui sera confirmé par les réponses à la question de l’utilisation des TICE avec les élèves.
I- 2. Cédéroms et DVD
Même si les cédéroms et DVD sont moins utilisés (16, soit 30,8 %, ne les utilisent pas), avant tout parce que les ressources ne correspondent pas aux besoins des enseignants de philosophie (pour 11 enseignants, soit 68,7 % de ceux qui ne les utilisent pas), la grande majorité des enseignants (36, soit 69,2 %) les utilisent : d’abord des films (22), puis des encyclopédies ou dictionnaires (20), puis des cédéroms ou DVD sur des musées ou œuvres d’art (15), enfin sur des auteurs, courants de pensée ou œuvres (8). Cette hiérarchie confirme qu’en effet il n’existe pas beaucoup de ressources concernant spécifiquement la philosophie, les enseignants étant d’ailleurs très majoritairement demandeurs de la création de cédéroms ou DVD à ressources philosophiques (32, soit 61,5 %).
Néanmoins, à l’immense majorité (44, soit 84,5 %), les enseignants ne créent ni cédéroms ni DVD, soit qu’ils ne le jugent pas utile (20), soit qu’ils éprouvent des difficultés de réalisation (18), soit qu’ils manquent de temps (12). Ils semblent donc attendre la création de cédéroms ou de DVD correspondant à leurs besoins plutôt qu’être prêts à les créer par eux-mêmes.
I- 3. Internet
La quasi unanimité (94,2 %) des enseignants de philosophie affirme consulter Internet dans le cadre de son travail : seuls 3 affirment ne pas le faire, tous 3 par manque de familiarisation avec l’outil informatique ; (13 enseignants sont donc en contradiction avec la question I-1, où seuls 36 affirmaient utiliser un logiciel de navigation Internet, sans doute parce qu’ils ignorent que la navigation sur Internet exige l’utilisation d’un logiciel).
Les sites les plus consultés sont avant tout les moteurs de recherche (42), les sites officiels pédagogiques (36), et les sites d’œuvres ou de textes philosophiques à égalité avec les sites officiels réglementaires (34). Viennent ensuite les encyclopédies ou dictionnaires en ligne (27), puis les sites consacrés à des auteurs ou des courants philosophiques (24), puis les sites proposant des sujets (23) ; puis les quotidiens et revues en ligne (14) et les sites proposant des cours et des corrigés (12). Enfin, sont très peu utilisés les listes de diffusion (4) et les forums de discussion (3), bien que 15 enseignants demandent la création d’un forum officiel académique ou national destinés aux enseignants de philosophie.
On constate donc que, à part bien sûr les moteurs de recherche, les sites officiels viennent en tête avec les sites présentant des oeuvres ou textes en ligne ; sans doute peut-on en déduire que les enseignants de philosophie voient en Internet surtout un moyen de diffusion d’informations publiques, soit réglementaires soit éditoriales.
Bilan : L’immense majorité des enseignants (48, soit 92,3 %) affirme avoir plus recours aux livres qu’aux TICE pour préparer ses cours, ce qui semble montrer que leur utilisation reste plus accidentelle qu’essentielle auprès des enseignants de philosophie, même s’ils ne nient pas leur utilité et n’hésitent pas à en faire usage dans le cadre de leur travail hors de la classe. La moitié (25) affirme d’ailleurs avoir connaissance de la législation en vigueur concernant les droits d’auteurs ou de copie des ressources TICE, ce qui confirme qu’ils ne les rejettent pas et se tiennent au courant de ce qui les concerne.
II- Utilisation avec les élèves
II- 1. Utilisation en classe
L’immense majorité des enseignants (45, soit 86,5 %) n’utilise pas les TICE en classe, avant tout parce qu’elle ne le juge pas utile (27, soit 60 % de ceux qui ne les utilisent pas), puis par manque d’équipement des salles de classe (18), enfin par manque de compétences (13).
II- 2. Utilisation par les élèves en dehors de la classe
En revanche, même si plus de la moitié des enseignants (29, soit 55,8 %) ne demande pas à ses élèves d’utiliser les TICE en dehors de la classe, essentiellement parce qu’elle le juge inutile (20) ou par manque de compétences (11), près de l’autre moitié (23, soit 44,2 %) fait utiliser les TICE par ses élèves en dehors de la classe, avant tout pour échanger des messages (10), pour consulter des compléments de cours en ligne (8) ou pour télécharger des œuvres en ligne (7). Viennent ensuite la consultation de corrigés en ligne (5), d’un site ou d’un blog animé par l’enseignant (5) ou d’un cahier de texte en ligne (2). Seul 1 enseignant fait référence à la consultation d’un site payant d’aide philosophique en ligne subventionné par la Région, signe que cette initiative de la Région ne rencontre pas un franc succès auprès des enseignants de philosophie, peut-être parce que les sites d’aide aux élèves en ligne ne leur inspirent pas confiance.
Bilan : Il apparaît donc que, pour plus de la moitié des enseignants de philosophie, l’usage des TICE avec les élèves semble avoir peu d’intérêt, surtout en cours. Les enseignants semblent reconnaître que les TICE peuvent avoir des fonctions de communication ou d’information, mais pas véritablement de fonction pédagogique ou philosophique.
Néanmoins, apparaissent aussi un problème d’équipement, 17 enseignants exprimant le besoin d’un équipement multimédia de leur salle de classe, ainsi qu’un problème de compétences, puisque 20 enseignants, dont paradoxalement 6 qui affirmaient pourtant leur usage en classe inutile, souhaiteraient avoir une formation sur l’utilisation des moyens multimédia en classe, ce qui est la plus forte demande en formation sur les TICE, et montre que le rejet de l’usage des TICE en classe par les enseignants de philosophie est à nuancer.
III- Evaluation des besoins
III- 1. Equipement des salles de classe
21, soit 40,4 % des enseignants affirment que leur établissement est suffisamment équipé, 20, soit 38,5 %, qu’il est équipé mais insuffisamment, et 9, soit 17,3 %, qu’il n’est pas équipé. 17, soit 32,7 %, expriment le besoin d’un équipement multimédia de leur salle de classe. Cela confirme donc que près d’un tiers de collègues souhaiterait pouvoir utiliser les TICE en classe, même si le manque d’équipement des salles de classe n’est pas la raison essentielle pour laquelle les autres ne le font pas.
III- 2. Besoins en matériel informatique
Un peu moins de la moitié des enseignants (24, soit 46,2 %) exprime des besoins concernant son équipement personnel (portable, clé usb, scanner…), 17 le besoin d’un équipement multimédia des salles de classe, et seulement 7 celui d’un espace d’hébergement pour un site ou blog. Néanmoins, 18 affirment n’avoir aucun besoin en matériel informatique. Près de deux tiers des enseignants (34, soit 65,4 %) souhaitent donc indéniablement utiliser plus et mieux les TICE en étant mieux équipés matériellement, surtout du point de vue personnel.
III- 3. Besoins en logiciels
La majorité (29, soit 55,8 %) des enseignants exprime des besoins en logiciels, 20 affirmant néanmoins n’avoir aucun besoin en ce domaine (+ 3 qui ne répondent pas).
Parmi les besoins exprimés, aucun logiciel ne se dégage nettement : viennent en tête les logiciels de traitement d’images ou de vidéos (13), les logiciels de cahier de texte à égalité avec les logiciels d’édition de site web ou de blog (10), les logiciels de reconnaissance vocale ou de caractères (9), une trousse à outils de logiciels libres (9), les logiciels de création de diaporama (8), puis les logiciels de visio-conférence (7). Ces demandes semblent manifester de la part des enseignants un désir d’être plus créatifs dans leur usage des TICE, et de les utiliser davantage avec leurs élèves.
Sont en revanche moins demandés les logiciels d’élaboration de QCM (6) sans doute parce que les QCM correspondent mal à des exercices philosophiques, les logiciels de notes et bulletins scolaires (5) sans doute parce que l’académie en impose un, et les logiciel de feuille de calcul ou de base de données (2) sans doute parce que le logiciel de notes et bulletins scolaires imposé par l’académie permet de calculer les moyennes.
III- 4. Besoins en cédéroms et DVD
Une plus grande majorité encore (32, soit 61,5 %) des enseignants exprime des besoins en cédéroms ou DVD à ressources proprement philosophiques, seuls 17 affirmant n’avoir aucun besoin en ce domaine (+ 3 qui ne répondent pas). Viennent en tête les cédéroms ou DVD proposant des exercices interactifs avec les élèves à égalité avec les cédéroms ou DVD consacrés à des œuvres ou à des auteurs (20), puis les cédéroms ou DVD constituant un corpus de textes tenant lieu de manuel à égalité avec les encyclopédies ou dictionnaires philosophiques (17), enfin les cédéroms ou DVD consacrés à des notions ou repères du programme (13).
Il semble donc y avoir une véritable demande de création de cédéroms ou DVD, dont la vocation serait tout aussi bien philosophique que pédagogique, sans doute parce que les ressources existantes en ce domaine sont très balbutiantes.
III- 5. Besoins en ressources Internet
Seuls 5 enseignants affirment n’avoir aucun besoin en ressources supplémentaires sur Internet (+ 4 qui ne répondent pas), ce qui manifeste donc une demande largement majoritaire (43, soit 82,7 %) de ressources supplémentaires sur Internet. Arrive nettement en tête (31) la demande d’un portail de tous les textes libres de droit des auteurs au programme, puis celle d’un moteur de recherche spécifiquement philosophique (24), puis celle d’un portail de tous les sites philosophiques des collègues (23), puis celle d’une base de données des textes officiels en vigueur sur l’enseignement de la philosophie à égalité avec celle d’une base de données de sujets (18) et celle d’un forum académique ou national officiel réservé aux enseignants de philosophie (16).
Il faut noter que seuls 5 enseignants affirment n’avoir à la fois besoin ni de matériel, ni de logiciel, ni de cédéroms ou DVD, ni de ressources supplémentaires sur Internet, dont 3 font partie de ceux (5) qui affirment n’utiliser aucun logiciel pour leur travail de préparation de cours (mais reconnaissent néanmoins consulter certains sites sur Internet) : on peut donc estimer que seuls 3, soit 5,8 % des enseignants, sont absolument « rebelles » aux TICE, ce qui est confirmé par le fait qu’ils affirment tous trois aussi n’avoir aucun besoin en formation informatique.
III- 6. Besoins en formation informatique
La majorité (34, soit 65,4 %) des enseignants exprime des besoins en formation informatique, 18 affirmant n’en avoir aucun. La formation largement majoritairement demandée (20) concerne l’utilisation des moyens multimédia en classe, suivie par une formation sur la création de site web ou de blog (16), puis une formation générale sur la bureautique et la navigation Internet (15), et enfin une formation sur le traitement des documents (textes et images) (14). Près des deux tiers des enseignants demandant une formation (21, soit 61,8 %) la souhaitent sous forme de stages, seuls10 préférant qu’elle ait lieu par le biais de tutoriels, 4 enseignants avouant ignorer ce qu’est un tutoriel.
Il est donc confirmé que la majeure partie (au moins 71 %) des enseignants de philosophie possède des connaissances suffisantes quant à l’utilisation générale des TICE. En outre, plus d’un tiers des enseignants (au moins 38,5 %) semble prêt à avoir une utilisation des TICE plus active et plus en relation avec les élèves.
Bilan : La grande majorité des enseignants exprime donc des besoins en ce qui concerne les TICE. Néanmoins, il faut noter qu’aucun ne fait de proposition personnelle et précise de ce dont il aurait exactement besoin, tous se contentant de cocher les cases prédéfinies du questionnaire. Quantitativement, c’est au niveau des ressources Internet que les demandes sont les plus importantes (44), mais c’est au niveau des cédéroms et DVD qu’apparaît une demande plus spécifiquement philosophique et pédagogique ; sans doute néanmoins cela a-t-il été induit par le questionnaire lui-même… On constate une nette demande de ressources officiellement cautionnées, puisque les nombreuses ressources existant déjà, que ce soit des banques de textes, des portails de sites ou des forums, semblent ne pas satisfaire ; mais peut-être est-ce aussi simplement un problème d’information, et faudrait-il commencer par permettre aux enseignants de philosophie de trouver plus facilement sur Internet les ressources correspondant à leurs besoins…
Si on récapitule en faisant abstraction du support, arrivent dans l’ordre les besoins suivants :
1- portail de tous les textes libres de droit des auteurs au programme (31, soit 59,6 %)
2- équipement personnel en matériel informatique et moteur de recherche spécifiquement philosophique (24, soit 46,2 %)
3- portail de tous les sites philosophiques des collègues (23, soit 44,2 %)
4- exercices interactifs avec les élèves, ressources consacrées à des oeuvres ou des auteurs et formation à l’utilisation des moyens multimédia en classe (20, soit 38,5 %)
5- base de données de sujets, et base de données des textes officiels en vigueur (18, soit 34,6 %)
6- corpus de textes tenant lieu de manuel, encyclopédie ou dictionnaire philosophique et équipement des salles de classe (17, soit 32,7 %)
7- forum officiel académique ou national réservé aux enseignants de philosophie et formation sur la création de site web ou blog (16, soit 30,8 %)
8- formation générale en informatique et sur le traitement des documents (15, soit 28,8 %)
9- formation sur le traitement des documents (14, soit 26,9 %)
10- ressources consacrées à des notions ou repères du programme et logiciel de traitement d’images ou de vidéos (13, soit 25 %)
11- logiciel de reconnaissance vocale ou de caractères, logiciel d’édition de site web ou de blog et trousse à outils de logiciels libres (10, soit 19,2 %).
La demande la plus forte, un portail de tous les textes libres de droit des auteurs au programme, est déjà en cours de réalisation sur Educnet philosophie ; il serait donc bon de le poursuivre, voire de l’intensifier, et de le maintenir à jour. Peut-être Educnet pourrait-il aussi se charger d’élaborer un portail de tous les sites philosophiques des collègues, ainsi que d’informer des diverses ressources en ligne correspondant aux besoins des enseignants de philosophie. Mais cela exigerait des moyens humains supplémentaires…
La création d’un moteur de recherche spécifiquement philosophique est sans doute réalisable par une entreprise privée.
Des éditeurs pourraient sans doute se charger de publier des ressources consacrées à des oeuvres ou à des auteurs et à des notions et repères du programme, ainsi que des dictionnaires ou encyclopédies philosophiques et des corpus de textes tenant lieu de manuel (quoique certains sites académiques s’en chargent déjà, notamment le site de Grenoble, qui propose en téléchargement « Textes philo 5.5» une base de données de textes philosophiques pouvant tenir lieu de manuel).
Quant à la plus nette demande en ressource spécifiquement pédagogique, celle d’exercices interactifs avec les élèves, reste à définir en quoi ils pourraient consister, sachant qu’aucun collègue n’a fait de proposition précise, que les QCM semblent presque unanimement rejetés et qu’une grande méfiance envers les sites existants d’aide en ligne aux élèves semble être manifesté. Il faudrait sans doute qu’ils soient liés à des ressources consacrées à des œuvres ou à des notions et repères du programme.
Une base de données de sujets pourrait peut-être être réalisée par Eduscol, qui avait commencé à élaborer des annales en ligne mais a malheureusement rapidement abandonné. Eduscol pourrait peut-être aussi se charger d’une base de donnée des textes réglementaires en vigueur. Néanmoins le site Eduscol semble peu actif…
Carole Prompsy