Nièvre : comment défendre les collèges ruraux ?
Souhaitant mieux être en situation de comprendre les spécificités des collèges ruraux, en ces temps où les nécessités de la carte scolaire ne vont pas manquer de faire peser quelques menaces sur ces établissements, la FSU (Fédération Syndicale Unitaire) de la Nièvre organisait le 29 novembre dernier un colloque sur la question.
Elle avait pris la peine de faire précéder l’initiative d’une enquête sur le terrain, auprès des personnels de ces établissements. Les résultats ont été dépouillés, souligné les avantages des petites structures : intégration plus facile des élèves, meilleur suivi, bonne connaissance des élèves par les équipes, temps de transport convenables grâce à une bonne couverture territoriale. Mais les personnels ont également fait état des inconvénients : offre de formation parfois restreinte (par exemple en langues), » manque d’émulation et d’ouverture sur le monde « , difficultés de travail pour les professeurs (nombreux services partagés entre plusieurs établissements).
Claudie Martens, co-secrétaire générale du SNES national, a souligné que la question des collèges ruraux ne se posait évidemment pas de la même manière selon l’endroit où on se trouve en France, les établissements très ruraux étant localisés principalement dans quelques régions. Mais pour elle, ils posent la question d’un service public de qualité et accessible à tous : » ces deux exigences passent nécessairement par l’acceptation de coûts financiers supplémentaires pour la Nation « . Mais au-delà des problèmes d’argent, la ruralité pose des problèmes spécifiques, le solutions à trouver ne pouvant être » qu’au cas par cas « . Sans être systématiquement opposée à toute fermeture, C. Martens souligne que la question des établissements ruraux » déborde les questions pédagogiques pour intéresser l’ensemble des problématiques de l’aménagement du territoire « .
Dans le débat qui a suivi son intervention, il est apparu que points positifs et points négatifs constituaient le plus souvent les deux faces d’une même médaille : » le manque d’ouverture culturelle doit être largement relativisé « . On a souligné que les » performances scolaires » des collèges ruraux étaient à la fois mal connues, vraisemblablement comparables à la moyenne nationale, et, en tous les cas, que les différences ne semblaient pas significatives.
Le Collectif des lycées ruraux a insisté sur la nécessité de » fédérer les luttes et les réponses « , les » politiques libérales actuelles, tant au niveau national qu’européen, imposant à la ruralité d’être variable d’ajustement des politiques budgétaires « .
L’intervention de Jean-Paul Diry professeur à l’Université de Clermont Ferrand, montra l’importance de la question des collèges ruraux pour les bourgs-centres, dans une perspective d’aménagement du territoire et de nouvelles aménités -réelles ou ressenties- du rural : de 1975 à 2000, les campagnes ont gagné plus de 2 millions d’habitants. Ce mouvement se poursuit et semble destiné à s’amplifier.
Or, le collège constitue -et le phénomène est renforcé et/ou accompagné par la mise en place, très imparfaite, des intercommunalités- un des éléments essentiels des services tertiaires de second niveau pour les bourgs-centre, au cœur des » bassins de vie » qui sont aujourd’hui la maille de base de l’espace rural. Pas de collège, et aucune chance d’attirer des populations nouvelles pour les territoires ruraux pénalisés par la » distance-temps » au service. Au contraire, c’est la certitude de voir partir celles qui sont encore sur place.
D’autre part, l’arrivée de populations nouvelles d’origines très diverses fait que les territoires ruraux ressemblent sociologiquement de plus en plus à la société dans son ensemble (voir à ce sujet l’intervention d’Yves Jean au colloque de Marcq).
Défendre les collèges ruraux c’est donc ajouter au cadre revendicatif syndical » ordinaire » (défense des moyens) une vision argumentée de l’aménagement du territoire qui permette d’associer tous les acteurs en complémentarité : enseignants, citoyens et élus.
Le débat fait ensuite ressortir avec plus de force que le matin la question de l’égalité territoriale, des conséquences négatives des choix politiques libéraux, de l’absence de péréquation financière entre les territoires. L’urgence du numérique et du haut débit pour le développement des territoires ruraux fait aussi consensus, mais leur utilisation en collège comme remède à la faiblesse de l’offre de formation suscite de nombreuses réserves : l’essentiel reste l’enseignant devant sa classe.
Enfin, les représentants du SNES des Ardennes présentèrent leurs actions contre les fermetures de collèges en 2005-2006 (l’inspecteur d’académie projetait de regrouper nombre de collèges ruraux). » Ce furent parfois les débordements de la population excédée par les arguments purement financiers de l’IA et du conseil général qui ont permis de limiter les dégâts, sans pour autant assurer la viabilité à long terme de ces établissements. »
Un colloque qui a eu le mérite de tirer des pistes de réflexion, dans une vision syndicale qui doit encore accepter de changer de cadre de pensée : au-delà des questions nationales, la relation territoriale est un passage obligé pour toutes les organisations qui ont a voir avec l’éducation…
avec l’aide de Jean De Rohan
Patrick Picard – publication le 01-12-2006
Sommaire :
- • Accueil
- • Combien de divisions ?
- • Une histoire loin d’être linéaire
- • Une « Ecole de la périphérie » ?
- • Des formations spécifiques à imaginer
- • Quelle efficacité pour l’Ecole rurale ?
- • Les syndicats font le point dans la Nièvre
- • Faire la campagne à la ville ?
- • L’enseignement agricole, fils aîné du monde rural ?
- • Liens