Trois ouvrages pourront nous aider à démarrer l’année scolaire.
Sous la direction d’Eric Guichard, « Comprendre les usages de l’Internet (Editions rue d’ULM ENS, Paris 2001) » est un ouvrage qui permettra d’aborder les usages de l’Internet dans toute leur complexité. Loin des modes, cet ouvrage, suite logique d’un colloque tenu en 1999, montre bien qu’aux différents niveaux d’usage l’Internet n’est jamais que ce qu’en font ceux qui travaillent ou se détendent avec chaque jour. Entre les médiévistes, les géographes, les sociologues et les médiologues, chacun tente d’apporter un éclairage sur ce que l’Internet apporte réellement aux pratiques quotidiennes.
Reste que dans cet ouvrage on retrouvera aisément la contradiction culture d’information et culture technique comme le signale Serge Proulx page 145 en posant cette question : «peut-on dire qu’une société fondée sur l’information et la communication prendra fondamentalement appui sur une maîtrise par la majorité de se membres de la culture technique informatique – ou culture numérique – elle même à la base de la constitution du réseau Internet ? ou, au contraire, le développement de la nouvelle « pensée-réseaux » peut-il être complètement indépendant de l’acquisition des éléments d’une culture technique ».
Cette phrase met bien en évidence une questionnement essentiel du moment (cf les réflexions autour du B2i) autour de la place de la technique dans ce monde des usages de l’Internet.
Cet ouvrage, bien qu’universitaire ouvrira bien des horizons aux acteurs de l’éducation qui veulent réfléchir aux évolutions des TIC en particulier en matière d’éducation .
Sous la direction de Margot Kaszap, Denis Jeffrey, Gilles Lemire, le livre « Exploration d’Internet, recherches en éducation et rôles des professionnels de l’enseignement, » (l’Harmattan, Paris 2001) nous permet de retrouver un ensemble de textes dont certains sont déjà biens connus sur Internet et d’autres moins. Même si l’ouvrage est écrit par des acteurs convaincus des Technologies de l’Information dans le monde scolaire, on notera qu’ils ont l’honnêteté de poser les questions essentielles. Malheureusement la compilation est adoptée pour agréger des textes de différents niveaux aux exigences souvent différentes. Voulant faire le tour de la question des l’informatique en milieu scolaire, l’ouvrage semble oublier que derrière (ou devant) les outils il y a des élèves. Même si le texte de Robert Bibeau sur l’élève rapaillé ( p.61-75) est ici retranscrit, on s’étonne de voir que des auteurs et des chercheurs spécialistes du domaine soit si loin des réalités de la mise en œuvre des TIC dans la classe.
En publiant « Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia, les faiseurs de monde », Laurent Trémel (Puf Paris 2001) nous propose un autre regard sur la relation qu’entretiennent les jeunes avec les environnements de jeux. Dans la préface, Jean Louis Dérouet écrit « Dans les années quatre vingt, le mot d’ordre avait été de « déscolariser la sociologie de l’éducation ». Aujourd’hui, il s’agit de montrer que l’école ne représente qu’une des mises en forme possible du projet d’éducation que la société nourrit pour ses jeunes membres ». Ainsi cet ouvrage nous propose de comprendre ce qui se passe autour des jeux de rôles (traditionnels et nouveaux) et des jeux vidéo. Plus avant en étudiant avec une approche plutôt anthropologique la question, l’auteur nous montre en particulier la place que prend la culture technique des usagers de ces jeux comme moyen de ne pas se sentir aliéné. Pour ainsi dire l’auteur met à jour une caractéristique importante de la psychologie de la jeunesse à savoir la domination de l’outil pour s’assurer une maîtrise de l’usage. En cela il conforte des réflexions menées ici ou là sur la question du niveau nécessaire de formation technique des jeunes. La particularité des technologies nouvelles est de mettre entre les mains des usagers des outils techniques très compliqués et qui de par leur complication pourraient rendre l’utilisateur « esclave » des règles techniques. Les jeunes joueurs nous montrent le chemin de la résistance à cette domination souterraine : maîtriser la technique pour éventuellement la retourner contre ses promoteurs. Ainsi les ouvrages qui donnent aux jeunes les aides pour solutionner techniquement les pièges tendus par les concepteurs des machines et des programmes sont-ils de bons échos à cette tendance que l’on voit à l’œuvre dans les clubs de hackers : le souci de ne pas être dominé, fusse même pour avoir le plaisir de jouer.
Les éducateurs qui liront ce livre comprendront mieux l’attitude des jeunes face aux jeux. Au delà ils pourront mieux accepter cette forme de citoyenneté revendiquée par les jeunes qui consiste à refuser les évidences, mêmes techniques, qui imposent des carcans à la vie et empêchent de vraiment « s ‘éclater »…
Bonnes lectures
Bruno Devauchelle
Rappel des titres :
– Sous la direction d’Eric Guichard, Comprendre les usages de l’Internet, Editions rue d’ULM ENS, Paris 2001, 261 pages
– Sous la direction de Margot Kaszap, Denis Jeffrey, Gilles Lemire, Exploration d’Internet, recherches en éducation et rôles des professionnels de l’enseignement, l’Harmattan, Paris 2001, 268 pages
– Laurent Trémel, Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia, les faiseurs de monde, Puf Sociologie d’aujourd’ hui, Paris 2001, 309 pages