Flânant de stand en stand au Salon de l’éducation, j’ai pu y assister à de nombreuses démonstrations. Et j’en suis sorti avec deux impressions.
On pouvait craindre un certain oubli des TIC dans cette manifestation. Régulièrement mises en avant dans les discours officiels les années précédantes, on en avait peu parlé ces derniers mois et le thème du Salon, l’innovation, n’avait pas été spécialement décliné en ce sens. Et bien qu’on se rassure : les TIC étaient encore les vedettes du Salon. La presse l’a remarqué : de « cartable » en cédérom, ce n’était que présentation de logiciels, d’applications pédagogiques d’Internet etc. Du côté des commerciaux, il y avait moins d’éditeurs que l’année dernière, crise oblige. Mais les entreprises investissant dans la nouvelle économie représentaient encore une grande partie des firmes présentes.
La seconde constatation concerne les applications pédagogiques. Un centre d’intérêt se dégage nettement : les outils d’accompagnement ou d’enseignement à distance. Ainsi nous avons vu le RASI, un site développé par un collège breton qui suit ainsi ses élèves après cours, le cartable électronique des collèges de Savoie, le cahier de textes électronique de Courçon, le portail Argos en Aquitaine, enfin l’offre Paraschool à Nantes. Toutes ces initiatives vont dans le même sens : suivre les élèves après les cours, en mettant à leur disposition des cours, des exercices, des outils de communication avec les enseignants. Encore faudrait-il ajouter à ces projets officiels, les dizaines (peut-être les centaines ?) d’initiatives personnelles d’enseignants qui animent spontanément des e-groups constitués avec leurs élèves en utilisant les outils disponibles gratuitement sur Internet. Tous, ce faisant, abolissent le fossé qui délimite, sonnerie oblige, le temps de l’école.
Certains ont peur que ces initiatives creusent un fossé entre les élèves ayant accès à Internet chez eux et les autres. Il y a là un risque sérieux dont il faut tenir compte car le niveau d’équipement en France reste plus bas que celui de nos voisins. Mais on peut trouver des parades : programme gouvernemental de mise en place d’accès publics gratuits (EPN), accès à Internet chez un camarade, prêt de matériel par l’institution (par exemple par remise à niveau de matériel un peu ancien et quasi gratuit). Finalement ces initiatives peuvent amener la banalisation de l’outil et la réduction du fossé numérique.
D’autres ont craint que ces initiatives débouchent sur des charges supplémentaires pour les professeurs. Mais qui croira que, pour les enseignants, le temps de l’école se soit jamais clos avec le dernier cours ? De tout temps il s’est prolongé par des travaux à la maison. Il ne s’agit donc pas tant d’une charge de travail supplémentaire qu’une reconstruction sur d’autres bases du travail scolaire.
L’innovation est donc ailleurs. Elle est d’abord dans la nécessité d’imaginer de nouvelles démarches pédagogiques avec de nouveaux outils. L’enseignant doit concevoir son « cours » comme un objet destiné à être utilisé dans des laps de temps et des situations pédagogiques variés. Elle est ensuite dans le nouveau rapport qui se noue avec l’élève. Dans le rapport traditionnel , j’ai envie de dire que souvent tout est lié dès le départ. Il faut bien de l’énergie pour casser les rôles confortables où les élèves (et parfois le prof) se barricadent. En déplaçant l’acte éducatif dans un temps qui appartient à l’élève, celui de « la vie active », ces moments sont autant de portes ouvertes. En mettant les uns et les autres dans des situations de communication, elles donnent la possibilité d’adapter l’enseignement aux personnes que sont nos élèves.
Et ça peut marcher. Il fallait écouter les enseignants de Savoie défendre « leur » cartable face à mes critiques ! Il vous suffit de lire Robin Delisle dans ce numéro. Loin de la violence scolaire, voilà des endroits où se tissent de vrais liens éducatifs. Chapeau collègues !
François Jarraud