Lasfargue Yves, Halte aux absurdités technologiques, éditions d’organisation, Paris,2003
Les propos d’Yves Lasfargue se veulent suffisamment provocateurs pour tenter de toucher un large public. En effet derrière ce titre, se cache un ouvrage qui cherche à passer entre deux écueils : la technophilie et la technophobie. En choisissant un style journalistique, cet auteur cherche à ne pas se mettre à dos tout le monde. Du coup il oscille en permanence entre la remise en cause des allants de soi défendus par les mordus de technologies, et le maintien d’un certain intérêt pour ces outils dont il connaît les enjeux souterrains. C’est là que cet ouvrage pose question : en effet si les technologies en particulier numériques ne servent pas directement dans toutes les tâches, elles font désormais partie de toutes les activités humaines. Seul leur degré de transparence (ou d’opacité) en fait des outils qu’on oublie et que l’on manipule sans avoir besoin de s’en soucier.
En fait au-delà des querelles que l’on peut faire à l’auteur pour les raccourcis qu’il fait dans sa méthode d’analyse, il faut surtout saluer ici l’initiative qui consiste à « remettre les pendules à l’heure ». Il est vrai que vu le nombre de décideurs qui se sont trompés sur Internet, il est temps de réfléchir non pas sur leur erreur, mais sur l’origine de l’erreur, et sur le processus qui a amené à toutes ces absurdités (cf. la bulle Internet). Cet ouvrage écrit dans un langage très accessible est justement destiné à développer chez le lecteur la prise de distance face à l’enthousiasme technologique. Et cela est essentiel au vu des erreurs passées. On regrettera que l’auteur ne propose pas d’aller plus loin dans son raisonnement. En effet la conclusion de l’ouvrage laisse le lecteur sur sa fin : quel projet culturel et éducatif pour parvenir à cette mise à distance ?
La lecture de la longue liste d’ouvrages publiés par l’auteur n’est pas sans poser question sur l’efficacité de sa démarche. En effet son discours, déjà ancien, semble n’avoir que peu d’effet sur des décideurs qui poursuivent dans le même sens leur développement. Il faut probablement faire l’hypothèse que les technologies ne sont rien en elles mêmes, mais qu’elles ne se développent qu’à l’aune d’autres logiques qui ont de moins en moins de choses à voir avec elles : les logiques économiques. En effet comment comprendre le projet technique de fonds de pensions qui sont propriétaires d’entreprises pour lesquelles ils n’ont aucune connaissance du champ d’action ? Ainsi en séparant le capital des logiques de sa production, la technologie est-elle devenue absurde et se détache progressivement de ses propres enjeux pour ne devenir qu’un instrument. C’est aussi cela que l’on peut lire au travers de cet ouvrage bien documenté dont on peut suivre la « vie » sur le site : http://bullesociale.free.fr
Bruno Devauchelle
Cepec