Entretien avec Francis Oudot, Président de l’ANDEV (Association Nationale des Directeurs de l’Education des Villes)
Qu’est-ce que l’ANDEV ?
L’ANDEV est une association regroupant les directeurs de l’éducation des villes. Nous sommes des cadres territoriaux professionnels, employés par les municipalités. Les villes sont responsables de la gestion des écoles depuis longtemps mais ça ne fait que 10 ans que les villes de plus de 10 000 habitants se sont dotées d’un directeur de l’éducation. Les écoles primaires, contrairement aux établissements secondaires ne sont pas autonomes dans leur gestion ; la fonction de directeur d’école n’a rien à voir avec celle de Principal ou de Proviseur. Un directeur de l’éducation consacre environ la moitié de son temps à la gestion des écoles. C’est un métier très précis mais qui n’est pas encore reconnu comme tel dans la fonction publique territoriale. L’ANDEV est une structure qui nous aide à nous informer et à échanger nos expériences. Nous avons aujourd’hui 550 membres, ce qui représente la quasi-totalité des villes de plus de 20 000 habitants, soit 50% de la population scolaire totale.
Dans le palmarès statistique des TIC, les écoles apparaissent toujours comme le mauvais élève : moins d’écoles connectées et plus d’élèves par ordinateur. C’est bien sûr une question de niveau d’enseignement. Y a-t-il d’autres raisons ?
Le syndrome IPT était très fort dans le primaire. Il a fallu convaincre les maires qu’on n’allait pas recommencer. Mais aujourd’hui, nous en sommes sortis. Nous venons de faire une enquête qui montre que 95% des maires sont aujourd’hui convaincus par les TICE et par Internet. Le ministère souhaitait que toutes les écoles soient équipées en 2003 pour la mise en place du B2I. Ce ne sera pas le cas ; mais l’objectif sera atteint en 2005. Il faut bien comprendre que c’est beaucoup plus compliqué d’équiper les écoles que les collèges ou les lycées, en particulier dans les villes. Tous les ordinateurs des écoles appartiennent à la ville ; ça représente un parc important. Lorsqu’une ville décide d’équiper ses écoles, son parc informatique double d’un seul coup. Il faut créer des postes, passer des marchés publics ; ça ne se fait pas du jour au lendemain. Les collèges et les lycées peuvent acheter directement sur leur budget propre.
Comment jugez-vous, dans le domaine des TIC, la qualité de vos relations avec l’Education nationale et les services académiques ?
Il y a incontestablement un déficit d’information. Je dois dire que c’est une tradition dans l’éducation de prendre des décisions sans trop se préoccuper de savoir si les communes auront les moyens de les mettre en œuvre. Le B2I n’est qu’un exemple parmi d’autres. Dans le domaine des TIC, le ministère a arrêté en 2001 son schéma stratégique informatique S3IT ; c’est évidemment une donnée capitale pour les villes qui ont leur propre stratégie de développement des TIC. Notre enquête auprès des villes montre que 87% des communes de plus de 10 000 habitants ignorent tout du S3IT et que dans deux villes sur trois, le directeur de l’éducation ne connait pas le nom du conseiller TICE du Recteur. Je pourrais aussi vous donner l’exemple des crédits d’Etat que les communes ont peu utilisé, soit parce qu’elles ne les connaissaient pas, soit parce que les dispositions n’étaient pas adaptées.
Comment ressentez-vous l’arrêt du programme des emplois-jeunes ?
Nous savions qu’il y aurait un problème de sortie du dispositif. Les aides éducateurs ont créé des fonctions nouvelles dans l’école. Je pense que leur retrait serait un recul, non seulement dans le domaine de la sécurité mais aussi sur le plan pédagogique. Les aides-éducateurs ont apporté un déclic dans les écoles. Ils ont participé au décloisonnement de la vie collective. La logique aurait voulu que l’Éducation nationale crée un corps d’animateurs éducatifs. On n’en prend pas le chemin. Les aides-éducateurs pourraient être repris par les collectivités locales mais il faudra compter avec une forte hostilité des enseignants qui craignent tout ce qui pourrait ressembler à une municipalisation de l’éducation.
Comment voyez-vous l’avenir, dans le domaine particulier des TICE ?
Je vous ai dit que les maires étaient maintenant prêts à investir sur les TICE. Ils ont les moyens financiers de le faire. Le plus souvent d’ailleurs, ce sont les communes qui prennent les initiatives ; les inspecteurs et les enseignants ne sont généralement pas demandeurs. Il y a une montée parallèle et progressive des compétences du côté de l’éducation et du côté des collectivités. Pour surmonter toutes les difficultés que j’ai évoquées, je crois beaucoup à la mise en réseau des écoles et à la prise en charge des problèmes d’éducation par les structures intercommunales. Il faudra aussi faire évoluer le statut du directeur d’école.