La planète enseignante secouée par le
séisme du 21 avril
Un choc brutal et humiliant, c’est ainsi que les enseignants ont
ressenti le résultat de l’élection du 21 avril. La
lecture des listes de discussion pédagogiques sur Internet
en témoigne. Bruno : « Enseignant français à
l’étranger, ma mission est de montrer la grandeur de notre
pays… Quel discours vais-je bien pouvoir tenir demain ? ». Un
professeur d’histoire-géographie : « Si au prochain
contrôle je demande le nom de la capitale de la France,
tous me répondront : « Vichy, Rome ou Nuremberg ». Pour ceux
qui rentraient lundi, la journée a été dure.
Souvent ils ont du faire face à l’inquiétude des
élèves. Ainsi, Christelle : « Ce matin les enfants
ne parlaient que des élections. Un petit gars marocain est
venu me voir en me disant « madame c’est vrai que les
étrangers vont tous devoir quitter la France si Le Pen
passe ? ». Alors nous avons entamé une grande discussion
sur les étrangers… Ils avaient besoin de parler, de
comprendre.. moi aussi ! Ca nous a fait du bien à tous
! ».
Le découragement passé, vient le temps de
l’analyse. On se reproche les divisions de la gauche. On
incrimine l’abstentionnisme des enseignants ou des
élèves. L’auto-critique a aussi sa part. Pour
Jean-Michel : « Le Pen m’effraie mais ce sont ceux qui disent
qu’il n’y a pas de problèmes qui lui ouvrent la voie.
Continuons à traiter de cons (les électeurs du
F.N.). C’est ce manque de respect vis à vis de ceux qui
n’ont pas les moyens d’échapper à leurs immeubles
délabrés qui fait le lit de
l’extrême-droite ».
Les divisions demeurent aussi sur les solutions. Pour Bruce :
« Que choisir (au second tour), la peste ou le choléra ? ».
Anne lui répond : « Pour le second tour, je ne laisserai
pas aux autres le soin de m’assurer que Le Pen sera
éliminé… Je me rattraperai aux
législatives ». C’est le sentiment général.
Nombreux sont les enseignants qui appellent à manifester
le 1er Mai.
Au-delà, il y a souvent le sentiment que le système
éducatif n’a pas réussi l’éducation à
la démocratie. Claudine appelle à
« réaffirmer nos valeurs avec force. Il y avait beaucoup de
choses qui nous paraissaient évidentes. Non les valeurs
fondées sur les droits de l’Homme ne sont pas
évidentes. Il faut les réaffirmer avec force ».
Hervé pense qu’il « va falloir faire de très gros
efforts pour expliquer les institutions et le poids d’un vote ».
Catherine, elle, veut « faire vivre la démocratie
participative dès l’école ». C’est finalement
« l’école du respect » qui se projette sur l’avenir.
Prise de conscience
C’est plus qu’une mobilisation. Suite aux résultats du 21
avril, un vaste mouvement de prise de conscience
démocratique traverse les établissements. Les
élèves comme les enseignants y participent. Les
médias rendent compte des manifestations lycéennes.
Internet peut faire connaître ce qui se passe dans les
écoles isolées, dans les collèges
apparemment sans histoire.
« Et bien moi j’en ai parlé. C’est tout à fait hors
programme, mais Nadia avait tellement peur ! » dit Marie,
professeur de collège. Les angoisses et les
réactions des élèves semblent plus intenses
qu’au lendemain des élections. Ainsi, dans un autre
collège, Sylvette relève que ses sixièmes
ont attendu mardi pour se mobiliser pendant la
récréation. « La peur, l’indignation étaient
là. Les élèves ont semblé
soulagés après un temps de parole ». Dans le
primaire, des professeurs n’hésitent pas à
chambouler les horaires officiels pour y glisser des temps
d’éducation civique ou réunir les
élèves en conseil. La formation à la
démocratie vaut la peine : « Dans la petite
république qu’est la classe, la prise en compte de la
personne et de sa parole, la solidarité et la justice,
sont au plus haut niveau de l’échelle des valeurs » affirme
Julie, professeur des écoles.
Les élections et l’école
Attitudes contrastées du côté des parents. La
FCPE « sera présente partout le 1er mai aux
côtés de tous les démocrates pour dire non
à l’extrême droite » et appelle « chacun à
affirmer cette volonté dans son vote le 5 mai ». La PEEP
met en cause les insuffisances de l’école : « le
système éducatif s’est révélé
incapable d’inculquer aux élèves un minimum de
valeur républicaine… Si une partie des jeunes qui sont
dans la rue avait mis un bulletin dans l’urne dimanche,
peut-être n’auraient-ils pas besoin de manifester
aujourd’hui ». Ce lundi est prévu une manifestation
lycéenne à Paris organisée par la FIDL.
Jean-Luc Mélenchon appelle, dans Le Monde du 25, à
voter pour Chirac au second tour : « Le pire est possible… Le
vote d’extrême-droite doit être réduit au
minimum par nos propres forces… Quelle conscience de gauche
peut accepter de compter sur le voisin pour sauvegarder
l’essentiel parce que l’effort lui paraît indigne de soi ?
Ne pas faire son devoir en raison de la nausée que nous
donne le moyen d’action, c’est prendre un risque collectif sans
commune mesure avec l’inconvénient ». La campagne
électorale n’a pas interrompu les actes antisémites
: mercredi soir un car de ramassage scolaire d’une école
juive de Yerres (91) a été caillassée
à Orly.
Certains enseignants n’ont pas hésité à
faire campagne sur leur site. Signalons, par exemple, ce site
d’école qui met en garde les parents sur le programme
scolaire de Le Pen. Si, vous aussi, vous appelez sur votre site
éducatif à faire barrage à
l’extrême-droite le 5 mai, merci de nous communiquer son
adresse.
http://www.fcpe.asso.fr/fractu1.html
http://www.peep.asso.fr/Flash02/flash16.htm
http://www.lemonde.fr/info/article/0,5987,3232–273191-,00.html
http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/020426-030026105SOCI.html
http://gazayte.free.fr/FN_education.htm
Le Pen et les jeunes
Le groupe CSA-TMO publie une première analyse sociologique
des résultats des élections du premier tour des
présidentielles. Elle donne un résultat troublant.
Même s’il ne recueille qu’une minorité des voix, Le
Pen est, de loin, le candidat le plus populaire chez les 18-24
ans. Même si de multiples facteurs entrent en jeu, ce
résultat, affligeant, ne peut qu’interroger les
enseignants. Comment transmettre à tous les jeunes les
valeurs démocratiques ?
http://www.csa-tmo.fr/fra/dataset/data2002/opi20020421b.htm
Les syndicats d’enseignants prennent position
Le SGEN CFDT appelle à « battre le plus largement possible
le candidat de l’extrême-droite ». La FSU appelle « à
faire barrage à l’extrême-droite » et à un 1er
Mai « d’unité du mouvement syndical et social pour la
démocratie ». Le Syndicat des enseignants UNSA invite les
enseignants « à faire barrage à Le Pen par leur
participation aux manifestations syndicales du 1er Mai, par leur
bulletin de vote en faveur du candidat républicain » le 5
mai. Le SNALC « en appelle à la responsabilité des
élèves et des professeurs pour maintenir la stricte
neutralité de l’Ecole Publique ».
http://www.sgen-cfdt.org/communiques/communiques.html#comm22042002
http://www.fsu-fp.org/actu/2002/04avril/020422cp.htm
http://www.syndicat-enseignants.org/
http://www.snalc.asso.fr/actualites/messageinfo.tpl?sku=3228489405711713&startat=[startat]
Le Pen, les profs et les jeunes
Allègre et M. Vuaillat ont-ils tué Jospin ?
Emmanuel Davidenkoff, dans un article de Libération du 25
avril, relève le faible score du PS chez les enseignants :
22% (contre 31% en 1995). Un désaveu qui trouverait son
origine dans les luttes contre les réformes
d’Allègre. C’est aussi l’avis de George Dupon-Lahitte,
président de la FCPE, pour qui les manifestations contre
Allègre ont entraîné « une banalisation dans
la bouche d’éducateurs, du rejet de la politique, de
discours extrêmes ». De son côté, Le Monde
montre la mobilisation des professeurs de lycée. Si tel
prof de SES reste neutre devant ses élèves, tel
autre « n’a pas d’état d’âme : je suis très
respectueux de la réserve politique. Mais, à partir
du moment où la République est en danger, c’est un
devoir pour moi de rompre ce devoir de réserve ».
Libération montre une jeunesse divisée : 31% des
jeunes se sont abstenus,20% ont voté Le Pen. Pour Nonna
Meyer, CEVIPOF, « il y a incontestablement uen fracture au sein de
la jeunesse. D’un côté il y a les
diplômés. De l’autre les exclus ». Et pourtant la
mobilisation de ces jeunes s’amplifie : 100.000 lundi, 90.000
mardi, ils sont 200.000 le 25 avril à manifester contre Le
Pen. Et le programme de Le Pen, présenté par
Libération le 25 avril, devrait les inciter à
persister. Le Pen dénonce l’Education nationale « au
service d’un projet totalitaire de manipulation psychologique et
mentale des enfants ». Il souhaite « dépolitiser les manuels
et l’enseignement », réformer l’enseignement de l’histoire,
rétablir l’examen d’entrée en sixième,
abroger la carte scolaire et… interdire le rap et la
techno.
http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/020425-000014127PRES.html
http://elections.lemonde.fr/presidentielle/actu/aujourdhui/0,,908991,00.html
http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/020425-000013126PRES.html
http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/020425-000007113PRES.html
Teach Democracy
Les profs d’anglais de la liste e-teach ont beaucoup
discuté ce week-end pour décider de ce que l’on
peut faire avec les élèves pour les inciter
à voter. Les sites suivants offrent des fiches de travail,
des publicités, des animations et des réflexions.
(Information : C. Reymond)
http://www.discip.crdp.ac-caen.fr/anglais/documents/cottenceau/yes_no.swf
http://www.rockthevote.org/
http://www.atozteacherstuff.com/themes/election.shtml