Rappelons-nous. C’était il y a peu. Le géant médiatique Vivendi annonçait avec toute sa force le lancement d’un site qui devait dominer le « marché de l’éducation » français sur Internet. Marché convoité par d’autres, depuis d’obscures start-ups jusqu’au groupe France Telecom. Et cette « marchandisation » de l’éducation était utilisée par certains pour dénoncer, en amalgame, les TICE, « leviers des marchands », et les « nouvelles » approches pédagogiques .
Que reste-il de tout cela ? Il y a quelques jours, France Telecom révélait la fermeture de son site éducatif Educavie pour cause de manque de rentabilité. Quant à Vivendi, les difficultés du groupe laissent mal augurer du maintien d’une stratégie aussi agressive, voire de son site éducatif sur Internet.
En peu de temps, finalement, les espoirs mis en France sur le développement d’un grand marché spéculatif de l’éducation se sont évanouis. Comment analyser cet échec ? Certes il serait hardi d’universaliser le cas français. Il reflète un mal hexagonal : notre retard dans le développement d’Internet, lié au relativement faible équipement informatique des ménages, à leur faible culture informatique, à la tradition de coûts téléphoniques particulièrement élevés, à la difficulté du système éducatif à s’ouvrir à la culture technique et à intégrer dans ses démarches et ses évaluations les TICE.
Il n’en demeure pas moins qu’Internet, par ses capacités techniques de débordement et de liberté, par l’histoire de ses acteurs, par leur philosophie, se prête particulièrement mal aux avancées marchandes. Le réseau éducatif français est bien rétif à la rentabilité économique et aux valeurs marchandes.
C’est aussi ce qu’illustre le succès du Café pédagogique, qui dépasse maintenant les 50.000 abonnés. Plus globalement c’est ce que montre l’extraordinaire développement du mouvement de mutualisation sur Internet. Sites éducatifs et listes de discussion se popularisent au moment où les sites commerciaux ferment. Car c’est bien sur ces valeurs-là que se construit le réseau éducatif français.
Avec Internet, grâce à ses capacités d’ouverture sur le monde réel et la « société civile », l’école cesse d’être un sanctuaire. Il est normal qu’elle perde ses marchands du temple.
François Jarraud