La revue Esprit publie pour son numéro de mars-avril 2003 un dossier intitulé « La société des écrans et la télévision ». Il est dommage que, pour des raisons que l’on peut imaginer, l’écran télévisuel prenne la plus grande place dans ce numéro. Le texte de Vincent Hamiel « Les écrans multiples. Une esthétique de la situation » est le seul à ne pas aller dans cette direction. De fait, il est toujours plus difficile d’aborder les écrans quand ils sont plus personnels que collectifs. De l’écran du téléphone portable ou de celui de l’ordinateur à celui de la télévision, on est mis devant l’évidence du rôle du lecteur dans les premiers et moins dans le deuxième. Ce numéro est à inscrire dans lignée de ce mouvement réflexif sur la télévision qui semble trouver sa naissance dans deux éléments : l’impact des attentats du 11 novembre et les élections présidentielles dont on dit que la télévision avait influencé le résultat en sur valorisant l’idée d’insécurité.
La tonalité globale des articles amène à cette réflexion : le débat sur la télévision peut-il renvoyer de la réflexion aux lecteurs ou seulement de la prise de position ? A lire certains articles, on craint que le droit à l’écrit ne soit proche du droit à la parole dont il est question dans certains textes et que ce soit parler pour, ou parler à la place de. Ainsi le titre de cette présentation est-il volontairement paradoxal, car finalement, malgré lui le lecteur/spectateur est appelé à être complice dans la plupart des cas de figures. il semble que certains articles de ce numéro n’échappent pas à cette interrogation : quelle place donnons-nous au lecteur dans notre écriture ?
A chacun de nous, qui écrivons ici ou là, de ne pas croire que nous écrivons en délégation, voir en porte parole de mais aussi en substitution des autres, alors qu’il y aurait à creuser à écrire en collaboration avec le lecteur, que cette écriture soit audiovisuelle ou non…
Bruno Devauchelle
Cepec