Nous avons déjà eu l’occasion de présenter dans le « Café » la revue V.E.I. Enjeux qui s’intéresse aux questions d’intégration. Le n°125 est tout entier consacré à la question de l’accueil de l’immigration et tout particulièrement à celui des primo-arrivants.
Plusieurs articles retracent l’histoire des politiques d’immigration en France. A. Lebon expose les grandes caractéristiques de l’immigration aujourd’hui : environ 100.000 entrées par an; une population majoritairement africaine, féminine, venue dans le cadre du regroupement familial et inactive. Pour V. de Rudder (Paris VII) ces arrivées se font dans un état où « le principe d’inhospitalité est désormais le fondement de la politique d’immigration » (p. 32). H. Le Bras (INED) va plus loin. Il y voit le résultat de l’effacement d’une conception rousseauiste de la nation au bénéfice du développement d’une « idéologie démographique » c’est à dire de « la croyance dans l’existence de populations nationales » de souche (p. 37). Malheureusement cette conception se recoupe avec les choix de certaines communautés. Ainsi Gaye Petek Salom (association Elele) décrit la tentation du repli identitaire chez les familles turques primo – arrivantes. Faute de structures d’accueil qui permettraient une prise en charge individuelle des primo-arrivants, elle montre que l’arrivée en France s’accompagne d’un repli sur la communauté et les traditions. « La majorité des regroupés se plaignent de retrouver en France un microcosme villageois et des normes familiales beaucoup plus traditionnelles qu’en Turquie » (p. 99). »Le but premier des familles est d’éviter le risque d’un trop grande acculturation » (p. 100). Cette conclusion n’est pas sans rappeler les résultats d’une récente enquête du Haut Conseil à l’intégration qui recommande l’arrêt des cours de culture d’origine qui enferment des jeunes étrangers qui feront leur vie en France dans un ghetto culturel. L’intégration est-elle en panne en France ? Et si oui, que faire ?
Trois articles proposent une comparaison avec d’autres pays. On peut retenir la réponse des Pays-Bas. Ils ont adopté en 1998 une politique radicalement nouvelle. Alors que jusque là ils concevaient l’intégration sur une base communautaire, la loi de 1998 repose sur le principe qu’une « société a besoin pour fonctionner sans heurts de partager une base commune » (p. 144). Ainsi la loi impose à tous les immigrants, y compris les adultes, 600 heures de cours spéciaux d’intégration, partagés entre l’apprentissage du néerlandais et des informations civiques. Cette loi permet par exemple de faire sortir les femmes musulmanes de l’univers familial et de les toucher directement.
Plusieurs articles décrivent les politiques scolaires suivies en France en faveur des jeunes primo-arrivants. Politiques assez confuse puisque ceux-ci sont mal distingués des immigrés de deuxième génération, du public des ZEP quand ils ne sont pas mêlés aux handicapés ! Pourtant Claire Schiff (Bordeaux II) souligne les particularités de ces jeunes. Ils croient plus dans la réussite individuelle et sont plus respectueux des enseignants et de l’école. Mais leur comportement plus sérieux que celui des autres collégiens entraîne des difficultés relationnelles qui peuvent émousser leur désir d’apprendre.
Finalement on ne peut que partager les remarques de B. Bier dans sa préface à ce numéro : la transformation des migrations appelle à une réelle mobilisation et à la nécessité de mettre fin aux ambivalences des politiques d’accueil.
François Jarraud
V.E.I. Enjeux, n°125, juin 2001, CNDP
