Le premier anniversaire du Café est marqué par cette question que le Monde de l’Education de ce mois d’Avril 2002 pose en conclusion de l’article qu’il a consacré à cette aventure » pédagogique » qui concerne aujourd’hui plus de 40000 abonnés.
– Aventure, bien évidemment quand on sait dans quelles conditions il se fabrique.
– Pédagogique quand on lit les contenus qui sont proposés quotidiennement et tous les quinze jours aux abonnés, et mis en ligne sur le site du café.
– Aventure aussi quand on est, comme tous les rédacteurs du café, des acteurs de l’éducation au quotidien et que l’on vit » l’aventure d’éduquer » et que de plus on veut la faire partager.
– Pédagogique, car c’est aussi là une des raisons d’être du café : » la raison pédagogique » au nom de laquelle nous concevons cette revue en ligne servie en premier lieu aux enseignants français, mais aussi dans le monde entier et servie aussi pour tous les jeunes que, chaque matin à l’entrée de nos établissements, nous saluons et accueillons pour des instants de » partage et de savoir » et de » construction des connaissances « .
En préparant cet éditorial du premier anniversaire, je me suis posé la question de savoir si le Café pédagogique peut être considéré comme un » outil de formation » ? En effet, soucieux de savoir à quoi il pouvait bien servi, j’ai pensé que la question était très mal posée. Michel de Certeaux (1), dans » les arts de faire » nous rappelait que chacun de nous invente le quotidien avec les outils qu’il a à sa disposition en se défaisant de toutes les injonctions de ceux qui les conçoivent. Transformant les outils en instruments, comme l’écrit Pierre Rabardel (2), chaque lecteur du Café pédagogique répond à sa façon en disant : » voyez là comme j’utilise le café pédagogique ! « . C’est donc bien ça : le Café pédagogique ne sert à rien d’autre que ce que chaque lecteur, chaque abonné en fait, et c’est la raison de son succès. Donc ce ne serait pas de la formation ?
Revenons quelques instants sur ce que l’on appelle la formation, car c’est au cœur de ce terme que se trouve (peut-être) l’une des clefs de ce succès. L’image traditionnelle (la forme de la formation) se réduit trop souvent à l’espace du stage dans lequel, en particulier dans le monde de l’enseignement, le formateur spécialiste montre aux enseignants comment faire, souhaitant ainsi que les pratiques s’en trouvent changées (ce qui n’est pas toujours le cas). D’ailleurs un précédent ministre de l’éducation avait, a contrario, accrédité cette thèse en déclarant que pour un enseignant, faire un stage de poterie quinze jours après la rentrée n’était absolument pas efficace pour l’enseignement ! Mettons de coté cette raillerie qui montre que former, se former n’est pas si simple que cela. Si l’on regarde les discours actuels sur l’e-learning, on commence à voir poindre des analyses qui tendent à prouver qu’apprendre et se former ne se satisfait pas de visions simplistes, et que les échecs que l’on tait sont bien plus instructifs que les réussites qui ont du mal à se dégager des discours laudateurs peu soucieux de preuves et de justifications.
En fait le Café pédagogique est un bien un acteur de formation. Il l’est d’abord parce que la formation c’est, avant tout, autre chose qu’un simple face à face de quelques heures, c’est une » pratique réflexive « . Or tous les jours avec L’Expresso et deux fois par mois avec le Café, les enseignants trouvent là un ensemble de documents, de réflexions, de liens qui sont des leviers à une pratique réflexive. Peut-il y avoir formation sans intention ? Oui mais intention de qui ? Il n’y a pas de formation sans intention de la part de celui qui se forme. Quant à celui qui forme, il en est réduit aux hypothèses, ou à sa conscience professionnelle en se disant que sa part de travail étant assurée, l’autre part appartient à celui qui » fait avec « . En » inventant le quotidien » chaque enseignant, chaque éducateur sait bien qu’il lui faut chercher, gratter, » bricoler » pour conduire son travail. Pour progresser, il va donc chercher les ressources dont il a besoin et c’est là que le Café vient à point : chaud, sucré ou non, suivant les goûts ! C’est parce que les lecteurs utilisent le Café comme un instrument au service de leur métier qu’ils en font un outil de formation.
Accompagnant, éclairant, suggérant, proposant, irritant ! Peu importe, il propose au lecteur de partager la liberté qu’il s’est donnée. Les 40.000 abonnés et les milliers de lecteurs » inventent la vie qui va avec » le Café, c’est pour cela qu’ils sont nombreux malgré ou plutôt grâce à l’austérité de sa présentation. Car c’est aussi une liberté que de refuser d’aller vers les sirènes du tout graphique alors que le contenu ne s’y prête pas. C’est aussi une des règles de l’ergonomie de se dire que la meilleure est celle que l’utilisateur adopte avec efficience.
A quoi sert le Café pédagogique ? Allez dans les classes, en France, en Pologne, au Sénégal, en Algérie, de cette communauté qui partage, sans s’assimiler ni se soumettre, les interrogations pédagogiques et éducatives et vous verrez à quoi peut bien servir le Café pédagogique.
Bruno Devauchelle
Notes :
1- Michel de Certeau, L’invention du quotidien, Un art de faire, Folio Essai, Galimad 1990
2- Pierre Rabardel, Les hommes et les technologies, Approche cognitive des instruments contemporains, Armand Colin, 1995.