Nous avons interviewé François Gaudel, responsable d’un atelier d’accompagnement scolaire mené en direction des jeunes du collège Paul Langevin à Drancy, projet organisé par la MJC Daniel André. Cette action est menée en partenariat avec le collège et le réseau d’éducation prioritaire. Pouvez-vous nous présenter votre expérience d’accompagnement scolaire en collège ? L’accompagnement que nous menons n’a pas la prétention d’apporter la réponse exemplaire, mais plutôt d’être un plus dans ce qui existe ou devrait exister. Nous accueillons des élèves de sixième et de troisième orientés par leur professeur de collège (établissement ZEP) en raison de leurs difficultés en mathématiques. La communication avec l’équipe d’enseignants est très importante. Le projet est préparé en amont avec l’équipe des enseignants de mathématiques, la coordinatrice REP du district et la direction du collège. Un groupe d’enseignants de mathématiques particulièrement motivés suit l’action toute l’année, intervient éventuellement auprès des élèves. L’activité de ces professeurs relais dans la motivation des élèves et leur assiduité, celle aussi parfois de l’équipe éducative (CPE, principal adjoint) rendent manifestement notre action plus efficace. Nous présentons aussi ce projet aux parents de manière à les impliquer dans ce suivi. Ils sont informés dès la rentrée, et une autre réunion d’information a lieu en octobre, avant les inscriptions. Depuis cette année, un des étudiants assure la coordination au sein de l’équipe et gère la communication avec le collège, les profs, les partenaires … pour les problèmes, les sorties, les bilans, etc. Nous suivons un programme précis qui est établi et actualisé régulièrement sur la base de la progression des enseignants du collège : cela suppose qu’ils suivent eux même une progression commune afin de nous permettre d’accueillir les élèves indépendamment de leur classe Les élèves de sixième s’engagent à l’année, même si, en fonction de leur évolution, des rotations ont lieu en cours d’année. Les élèves de troisièmes s’engagent à chaque début de trimestre. Chaque période correspond à un axe particulier. Il y a deux groupes aux profils distincts : Un groupe d’élèves plutôt en difficulté, pour lesquels : Nous accueillons aussi un groupe d’élèves de troisième d’un niveau correct en mathématiques et qu’il faut aider à aller plus loin dans leur investissement, au maximum de leurs possibilités. Nous tenons à ce que l’accompagnement que nous pouvons donner à des élèves de ZEP ne soit pas uniquement orienté vers l’aide aux plus faibles : il est important de donner les moyens aux meilleurs d’aller le plus loin possible. Les séances sont menées par des étudiants en sciences issus de l’agglomération, et même du quartier. Les séances (deux par semaine) ont lieu après les cours. Elles commencent par un goûter d’un quart d’heure au réfectoire, puis une heure et quart de travail en salle. Des réunions permettant de faire des bilans ont lieu régulièrement. Ces réunions permettent d’avoir un retour plus fréquent des étudiants vers les professeurs du collège, et d’organiser des sorties ou séances à caractère culturel. Par exemple, sorties au palais de la Découverte, aux rencontres Sciences et Citoyens, à la Cité des Sciences… Certaines séances peuvent être consacrées à des jeux mathématiques. Vous parlez d’approches différentes, vous pourriez illustrer votre démarche ? L’objectif, assez ambitieux, est au départ de permettre aux élèves de se réapproprier les maths. Nous avons envisagé pas mal de choses (utilisation de logiciels, de jeux). Nous avons cherché des activités originales et innovantes dans des revues et des livres pédagogiques. Le goûter a pour fonction de créer avec les étudiants responsables de l’activité des rapports non scolaires. Les résultats en matière d’innovation restent cependant assez limités du fait que le temps de préparation est forcément limité, et surtout le temps de préparation collectif : les étudiants ont leurs études et ne sont pas disponibles tout le temps, surtout ensemble. Cependant les activités proposées ont été systématiquement mises en œuvre, et comme indiqué plus haut, des séances de jeux ou de constructions mathématiques menées par exemple en fin de trimestre. La Caisse d’Allocation Familiale de Seine-Saint-Denis nous procure également des » chèques lire » pour les participants. Nous avons cherché dans toute la mesure du possible à en suivre l’utilisation, et ne les distribuons qu’aux élèves qui font preuve d’une assiduité normale. Quel bilan faites-vous de cet accompagnement, de son efficacité ? Le comportement, l’investissement des élèves sont bien sûr différents selon les âges et les groupes. L’an dernier, les élèves de sixièmes sont venus régulièrement, la demande de soutien a été très forte et les quelques élèves qui sont arrivés an cours d’année (lorsqu’une place se libérait) ont été assidus. Le groupe des troisièmes » avancés » a été très demandeur, participe et semble avoir un réel enthousiasme à venir au soutien. Les élèves moyens et motivés, venant sur du long terme, ont pu prendre confiance en eux, et ont pu progresser. Les élèves en grandes difficultés, malgré leur présence régulière, le sont restés. Certains ne venaient au soutien que pour être avec les copains. Nous pensons que ces élèves, quel que soit le motif de leur présence et tant qu’ils respectent les règles, doivent être accueillis : il est de notre devoir de leur proposer une aide. On pourrait alors revenir à des bases fondamentales des mathématiques : dénombrement, numération, manipulation, expérimentations… Pour certains élèves de troisième, nous nous sommes interrogés sur le sens de ce soutien pour eux, sur la manière dont ils le perçoivent : ces élèves viennent sans leurs affaires, ne veulent pas s’investir dans une réflexion, semblent croire que le brevet s’obtient sans qu’il y ait de réels obstacles à lever, sans investissement. Un des difficultés de l’accompagnement vient du fait que son efficacité est forcément à moyen terme alors que les élèves attendent des résultats immédiats. C’est certainement une des raisons de notre échec avec les élèves les plus faibles. Or, nous le savons, en pédagogie, il n’y a pas de miracle et les progrès sont lents à paraître. Nous ne sommes jamais totalement en phase avec la progression de la classe : l’enseignant va plus vite que nous, les évaluations arrivent parfois alors que nous n’avons pas encore été jusqu’au bout de notre travail sur la partie du programme qui va être évaluée et l’élève ne peut exploiter à ce moment son investissement. Ses notes ne progressent pas, même si son aisance en mathématiques est meilleure. C’est très difficile à accepter à 11 ans (comme à 15), certains reviennent des contrôles très découragés. Nous nous posons la question de la reconnaissance de l’investissement de l’élève au plus près de son travail, même si une partie de notre message doit être l’apprentissage de la patience. Entretien : Martine Lemoine |