Bac : Le ministre acte la localisation des E3C
Vivement critiquées, y compris dans un rapport de l’Inspection générale, les E3C, épreuves de contrôle continu des bacs général et technologique, font l’objet d’une nouvelle décision de JM Blanquer. Leur nombre est maintenu. On s’écarte un peu plus d’un examen national en laissant les chefs d’établissement organiser à leur guise les épreuves qui doivent dorénavant avoir lieu « dans le cadre des heures de classe » et ne feront plus l’objet d’une harmonisation après épreuve. Alors que les premières et les secondes épreuves ont été contestées dans de nombreux établissements, le ministre choisit nettement la confrontation. Enfin cette banalisation aura probablement comme conséquence la disparition de l’indemnité de correction. Il n’y a pas de petites économies…
Des devoirs réalisés en cours
Retouche après retouche, le bac évolue dans le sens souhaité par le ministre, mais qu’il n’avait pas réussi à imposer au départ. Après une première retouche le 12 mars, JM Blanquer annonce le 30 juin, après une réunion du Comité de suivi de la réforme, une nouvelle évolution des épreuves de contrôle continu (E3C) des bacs général et technologique. Ces épreuves changent d’ailleurs de nom : on doit parler maintenant « d’évaluations communes » et non plus d’épreuves communes de contrôle continu, une formule qui devait peut-être encore trop sentir le diplôme national
Car le grand changement est dans l’organisation de l’épreuve. « Les épreuves communes de contrôle continu (E3C) sont désormais dénommées « évaluations communes » pour traduire le fait qu’il s’agit de devoirs communs réalisés dans le cadre des heures de classe au cours des années de première et de terminale », indique le communiqué ministériel.
Cette phrase anodine change profondément l’esprit des E3C. Deux conceptions s’opposaient sur ces épreuves. Pour certains, comme le Snes ou Sud, elles étaient des épreuves nationales d’un examen national. A ce titre elles devaient faire l’objet d’une organisation particulière, hors temps scolaire ordinaire. D’autres organisations, comme le Snpden Unsa, le Se Unsa, le Sgen Cfdt, les syndicats du privé, étaient pour un contrôle continu et donc des épreuves banalisées dans la semaine. Cette année les établissements étaient partagés , presque à égalité , entre ces deux organisations des épreuves.
L’harmonisation repoussée en fin d’année
Le ministre vient clairement de choisir le deuxième. Le calendrier de passation de ces évaluations communes sera fixé par le chef d’établissement « après consultation du conseil pédagogique et délibération du conseil d’administration », ce qui laisse entendre que le chef d‘établissement pourrait passer outre. Les sujets vont continuer à venir d’une banque nationale. Mais l’harmonisation des notes n’aura plus lieu après chaque session mais en fin de 1ère et de terminale. On s’écarte donc encore davantage d’un examen national.
Le ministre satisfait une revendication des chefs d’établissement pour qui la réforme du bac revenait à organiser 3 examens dans l’année. Le Snpden demandait une organisation la plus fluide précise.
Mettre fin à l’agitation ?
Celle-ci aura probablement pour conséquence la disparition de l’indemnité de correction qui avait été présentée comme « exceptionnelle ». Surtout le ministre espère peut etre échapper aux troubles qui ont accompagné les deux premiers E3C. Les établissements n’auront plus besoin de surveillants. Il n’y aura plus de salles d’examens. Et chaque professeur sera renvoyé à sa solitude face à la réforme.
Le ministre n’a entendu ni les remarques du rapport des inspecteurs généraux Lavialle et Vinard ni celles du comité de suivi. L’inspection soulignait « la confusion entre la logique de la certification (baccalauréat) et la logique de la formation (notes « balises »), qui devrait être au coeur de la réforme : le poids (effectif ou présumé) des épreuves (E3C) déséquilibre l’ensemble, au détriment de la formation – on n’est pas sorti de la notation-sanction". Pour les élèves la pression reste la même tout au long des deux années avec moins de visibilité sur les notes puisqu’elles ne seront connues qu’en fin d’année après harmonisation.
Le comité de suivi de janvier avait demandé que les épreuves se tiennent sur les créneaux de 55 minutes habituels. Ce ne sera pas le cas. « Aucune évaluation commune n’excède 2h et aucune épreuve terminale n’excède 4h, à l’exception des matières comprenant des épreuves pratiques »,annonce le ministère. « Ainsi, les deux évaluations communes de langue vivante en terminale durent 1h30 pour l’épreuve écrite et 10 min pour l’épreuve orale ».
Une évolution à l’encontre des plus défavorisés
Les nouvelles décisions poussent davantage le bac vers un examen au contrôle continu. C’est conforme au souhait du président de la République. Cela aurait pu simplifier l’examen. Mais il reste encore extrèmement complexe dans ce mélange d’épreuves finales et d’épreuves au contrôle continu.
Tout pas vers un bac au contrôle continu se fait au détriment des élèves des quartiers populaires. « Les évaluations externes élèvent le niveau général des élèves et réduisent les écarts de résultats entre eux", expliquait Nathalie Mons, présidente du Cnesco, au moment de la parution d'un dossier sur le bac en 2016. "Cela s'explique par le fait que l'évaluation externe fait référence dans tous les établissements. C'est un objet pédagogique externe qui oriente les pratiques pédagogiques. Dans les établissements défavorisés ça permet d'avoir des objectifs nationaux et du coup d'aller au delà des difficultés scolaires des élèves", explique-t-elle. " On se rappelle qu'Agnès van Zanten, par exemple, a montré que dans les établissements défavorisés les enseignants ont tendance à s'adapter au niveau des élèves. L'examen final externalisé rompt avec cette habitude et élève les objectifs ». Or la correction des épreuves est très rarement externalisée hors de l’établissement.
Enfin la complexité du bac , le type d’évaluation mise en place contribuent à sa dévaluation. De fait il ne sert plus à l’orientation des lycéens. Tout se joue dans Parcoursup à travers des algorithmes restés jusque là secrets et où la réputation des établissements joue un rôle plus important que le mérite ou la note du candidat.
François Jarraud
Sur les procédures de sélection post bac
Par fjarraud , le mercredi 01 juillet 2020.