Dix conseils pour ... Gérer l'agressivité
A l'occasion de la rentrée, chaque jour Le Café pédagogique publie une fiche pratique destinée aux enseignants.
L'agressivité n'est pas à confondre avec la violence. C'est une force qui peut être positive et la voir comme cela change bien des choses !
D'abord chez l'élève:
Il est bien évident que nous n'avons pas à nous laisser injurier, agresser verbalement (et encore moins physiquement!). Il est certain que nous avons à chercher, dans ces cas, à mettre les limites nécessaires et utiles aux jeunes et à nous-mêmes. Mais quand cela se produit, nous réagissons et, sans doute, fortement, avec nos processus de pensée habituels et bien souvent dans une dynamique de défense.
Avec une représentation plus positive de l'agressivité des élèves il est possible de la voir comme un langage " Oui ! La violence est un langage. Un langage inadapté, déviant, mais un langage essentiel avec lequel les enfants s'expriment, non pas faute de vocabulaire (ils en ont) mais faute de mots sensibles avec lesquels ils pourraient se dire dans leurs ressentis intimes, dans leurs sentiments réels, dans leurs besoins profonds."
A ce moment-là, la question est de savoir comment gérer cette agressivité, autrement dit, comment la transformer progressivement en ce qu'elle signifie, en des mots qui ont un sens de la part des élèves. Cela ne peut pas se faire par un coup de baguette magique; il faut du temps et des étapes.
Gérer l'agressivité d'un élève?
L'agressivité prend diverses formes plus ou moins brutales et gérer cette agressivité c'est la faire passer d'une forme à une autre plus significative.
Ainsi l'agressivité peut prendre les formes suivantes:
- je tape sur la maîtresse (la forme la plus primitive)
- je tape sur la table (pour ne pas taper sur la maîtresse)
- je crie et fais de grands gestes (sortir des sons sans formes)
- j'injurie ma maîtresse par une série d'insultes (qui sont des mots)
- j'exprime mon désaccord et j'en explique les raisons (la forme la plus évoluée)
- un cas particulier: je retourne l'agressivité vers moi car je ne peux la tourner vers l'autre par culpabilité et il faut bien que je l'exprime.
Autrement dit, on passe de l'acte, aux cris, aux mots, à l'argumentation.
Paradoxalement, pour certains jeunes, injurier est un progrès !
Les aider, c'est leur permettre de faire le passage d'une forme à la suivante. Demander à des jeunes de passer directement de la forme la plus primitive à la forme la plus évoluée est utopique!
Des phrases qui permettent la gestion de l'agressivité d'un élève
- On peut ainsi aider à passer de l'acte à l'injure par une phrase du genre: "Qu'est-ce que tu as envie de me dire ?"
- On peut aider à passer de l'injure aux mots en reflétant le sentiment qu'on perçoit chez le jeune: "Pourquoi es-tu furieux après moi? "
- On peut aider à passer du mot à l'argumentation par une question du genre: "Quels arguments donnerais-tu pour que j'accepte..."
Dans certaines entreprises japonaises on autorise les employés à taper sur des mannequins représentant leurs patrons!!! En formation Gestaltiste des exercices proposent de taper sur des coussins pour permettre aux stagiaires de revivre leur agressivité contre une personne donnée et la mettre ensuite en mots.
Les jeunes ont besoin de savoir (par la définition du cadre) et de sentir (par la solidité de celui qui est en face d’eux) que tout passage à l'acte entraînera l'obligation d'une réparation. Mais aussi qu'on les aide, progressivement et par étapes, à passer du langage agressif à un langage expressif.
Et pour nous enseignant, qu'est-ce que l'agressivité?
Si nous la voyons comme une force en nous, nous pouvons "l'appliquer" à différents "objets" (à notre matière enseignée, aux élèves, aux collègues etc...) Nous pouvons la "transformer" en passion, attention, amour... Nous pouvons "l'apprécier" comme une de nos qualités ou au contraire "nous en méfier", nous en protéger, la retenir, la laisser s'échapper "malgré nous"...
Dans tous les cas elle existe et nous devons la "gérer" c'est-à-dire en faire quelque chose. Evidemment nous pouvons aussi "la nier", "la refouler" mais ce n'est pas pour autant qu'elle n'agira pas dans la façon d'exercer notre métier et cette fois à notre insu et peut être d'autant plus fortement! Nous le voyons quand, "sans le vouloir" nous répondons brutalement à un élève ou un collègue qui nous agresse: "A part enfoncer des portes ouvertes et manier des idées reçues, vous avez des contributions constructives ?"
Inversement cette force nous pouvons l'appliquer au maintien de la solidité d'un "cadre" sécurisant pour la classe (voir: L'importance des cadres). Et parfois cela en demande de la force!
Etre conscient de notre agressivité permet de ne pas être géré par elle mais de la gérer nous-mêmes; ceci est un long travail qui pourrait faire l'objet de formation initiale et continue. C'est une idée à creuser en ce moment de "refondation de l'école"(voir: La formation personnelle de l’enseignant).
Jacques Nimier
Par fjarraud , le jeudi 06 septembre 2012.